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Déesse, espoir du peuple, et flambeau des bons rois!
La Liberté t'honore, et parle par ta voix;
Dans Athène, on a vu ta brûlante éloquence
De Philippe vainqueur balancer la puissance;
Tu formas, parmi nous, tous ces grands citoyens
Qui, de nos droits sacrés intrépides soutiens,
Protégent le présent contre un passé gothique,
Et veillent aux destins de la moderne Attique;
Et de toi seule, enfin, nous devons obtenir
Le gage indépendant d'un tranquille avenir.
Honneur à tes autels!... Le monstre qui t'outrage

A pris ton nom sacré, mais non pas ton langage.

C'est contre la politique bavarde des cafés et des tavernes que l'auteur s'abandonne à sa poétique indignation. Il nous la représente sous les traits d'un de ces Métra insulaires,

De mille faux rapports et père et narrateur,
Sur le parquet du Club hardi navigateur,
Financier sans argent, général sans armée;
Par lui de Brest en feu la nouvelle est semée;
Le Louvre est dans les pleurs; on s'égorge à Paris;
L'Espagne est triomphante, et Bolivar est pris;

Le poëte se décide à fuir pour se dérober à ces clameurs dont il est assourdi.

Apostats du malheur, dont les transports barbares
N'accordaient un salut qu'aux refrains des Bulgares,
Insectes des vieux temps, éclos sous nos débris,
Vils esclaves des cours, charlatans à tout prix,
Je le sais : vos dédains, vos sarcasmes m'attendent;
On veut que de mon luth les cordes se détendent.....
Non! j'irai, seul et libre, en des climats lointains,
Du siècle prosaïque affranchir mes destins.
Muse, fille du ciel, divinité chérie !

Emporte-moi, rêveur, aux champs de l'Hesperie;

Redemandons Horace aux bosquets de Tibur;

Sous des cieux enrichis d'un éternel azur,

Aux pieds du Tmole en fleurs, près des rives fécondes
Dont le Vésuve au loin vole embraser les ondes,

Aux vallons du Ménale, ignorés des hivers,
Nous irons éveiller tout l'antique univers.
Docte Mélés, salut! salut, riant Alphée!
Aux pas religieux de mon errante fée,
De vos bords affranchis enseignez les détours.
Ombre de Périclès, lève-toi! des sept tours
Les chants du Méonide ont menacé le faîte;
Sur le luth de Pindare il insulte au prophète,
Et déjà, le front ceint des lauriers paternels,
Il revoit Olympie et ses jeux solennels.

Beaux lieux! que tant de fois réclama mon hommage,
Asile protecteur! adoptez mon jeune âge;

Il est digne de vous; sa mâle pauvreté
Fut fidèle à l'honneur comme à la liberté.
Je n'implore que vous : exilé volontaire,
Libre des cris du club et d'un joug tributaire,
Sans regets j'abandonne, en m'élançant du port,
Ces légères faveurs que me vendit le sort.

Quand la main d'un ministre a signé ma réforme,
Je te conserve seul, ô mon vieux uniforme!
Vieux de dix ans de gloire et d'un jour de revers;
Sous tes lambeaux sacrés, je rêverai mes vers.
Tu brillais autrefois aux rangs de cette armée,

Le dernier des remparts de la France opprimée;
Nos beaux jours ne sont plus! nous pourrons les revoir;
Qui garde un souvenir est riche encor d'espoir.

Citer de pareils vers, c'est en faire le plus bel éloge.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

Recueil de discours prononcés au parlement d'Angleterre par J-C. Fox et W. Pitt; par MM. H...., de J.... et

de Jussieu.

L'ouvrage dont nous annonçons les quatre premiers volumes, acquiert, par les circonstances présentes, un nou"veau degré d'intérêt. Au moment où les institutions de l'Angleterre semblent ébranlées jusque dans leurs fondemens, il est curieux de relire les discours des hommes d'état de cette même Angleterre, lors de sa prospérité la plus éclatante. Le lecteur attentif verra, dans ces discours, plus d'une prophétie alors dédaignée, et qui aujourd'hui se réalise. Les gouvernemens ne gagnent rien à mépriser la raison. Le mépris, sans doute, a un air de supériorité et d'élégance qui séduit les hommes en pouvoir; il va très-bien dans un salon, et sied fort à la bonne compagnie mais quand l'instant de la lutte arrive, la raison n'en est pas plus faible, la bonne compagnie n'en est pas plus forte, et il ne lui reste de son insolence et de son persifflage, que le sentiment d'avoir irrité des adversaires qu'elle est également incapable et de combattre et de dés

armer.

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Analyser le recueil que nous avons sous les yeux serait impossible: il se compose de pièces détachées, de fragmens de discours, souvent de très-peu d'étendue, et prononcés dans des occasions particulières qui demanderaient, pour être expliquées, des détails historiques auxquels nous ne pouvons nous livrer.

Nous croyons plus utile de donner au public une idée générale du caractère des deux orateurs qui se sont disputé, pendant plus de vingt-cinq années, la possession du pouvoir et le sceptre de l'éloquence; illustres rivaux, égaux peut-être sous le rapport du talent, mais bien différens l'un de l'autre dans tout ce qui tient à la sincérité de la conviction, à l'élévation de l'âme, à la loyauté du caractere. Cette comparaison servira, nous le pensons, à mieux comprendre et à mieux juger leurs opinions, qu'il faut chercher dans l'ouvrage même.

Des passions impétueuses, un grand amour et un grand besoin de sensations fortes, une ambition ardente, mais généreuse, un patriotisme assez éclairé pour ne pas exclure la philanthropie, une sensibilité profonde et vraie, une fidélité à toute épreuve dans l'amitié, une constance dans les affections qui l'emportait sur les haines et sur les intérêts de parti, un mélange d'enfance et de supériorité rempli de charme, un esprit fin, pénétrant, quelquefois ironique, mais que tempérait une bonté parfaite, et dont la puissance ne servait qu'à combattre des doctrines funestes ou à seconder les mouvemens d'une noble indignation, une éloquence entraînante, mais souvent inquiète et précipitée, comme si d'innombrables idées assiégeaient l'orateur et le poussaient malgré lui, un instinct admirable et rapide dans tout ce qui avait trait à la liberté, le goût de tout ce qu'il y a d'élégant dans les arts et de beau dans la nature, le don d'estimer l'espèce humaine et de n'éprouver la défiance que lorsque les faits l'avaient méritée; telles étaient les qualités qui plaçaient M. Fox au rang des plus grands et des meilleurs hommes dont l'Angleterre ait pu s'honorer.

Celles de M. Pitt étaient différentes; sa dialectique était puissante, sa diction pure et souvent élevée, son ambition immense, mais calme; toutes ses passions s'y étaient concentrées. Aucune affection, aucun entraînement, aucun goût pour les arts, pour le plaisir, pour les femmes, ne l'en

détournaient. Le bruit public prétend qu'il se permettait de temps à autre d'obscures et vulgaires jouissances; mais il a fourni sa carrière sans ressentir une fois l'amour. On a dit, et je crois avec raison, que, dans sa jeunesse, il se livrait avec ceux qu'il appelait ses amis aux distractions que procurent en Angleterre les longues séances après les repas mais son ivresse même était sage. Elle n'établissait aucune intimité entre lui et ses convives, parce qu'aucune sympathie n'existait dans son âme entre eux et lui. Avant d'arriver aux premières places, il avait, comme le font toujours tous les candidats au ministère, professé les principes de la liberté : mais, si l'on compare les discours qu'il a prononcés à ce sujet (ils sont à la vérité en très-petit nombre, puisqu'il a été ministre à vingt-trois ans) avec ceux qu'il a consacrés, pendant le reste de sa carrière, à favoriser l'accroissement du pouvoir, on voit que la défense du peuple n'était pas un terrain propre au développement de ses facultés. Elles brillaient surtout quand il s'agissait de déclamer contre la cause populaire. L'autorité était son atmosphère, comme la liberté celle de M. Fox.

Cependant, je ne le nierai point, il y a beaucoup de discours de M. Pitt qui sont parfaitement constitutionnels. Une constitution représentative a cet avantage, qu'elle fait entrer les idées des droits et des garanties dans l'esprit de tous ceux qui aspirent à prendre part au gouvernement; et, à force de répéter pour leur intérêt des maximes de cette espèce, ils se persuadent enfin qu'ils y croient. Mais la manière dont ces deux hommes célèbres considéraient la constitution anglaise, n'était point la même. M. Fox y voyait un noble espoir de perfectionnement pour toutes les classes de l'espèce humaine; M. Pitt, un moyen de puissance régulière et de stabilité pour l'oligarchie.

J'ai parlé de la constance de M. Fox dans ses affections, et les Anglais sont encore émus quand ils se rappellent les larmes versées par lui en plein parlement lors de sa rup

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