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ministre placé dans une position assez élevée pour donner à son pays des institutions conservatrices, et qu'il usât de son crédit pour lui assurer un long avenir de paix et de bonheur, quelle glorieuse mission il aurait à remplir? que de titres il se préparerait à la reconnaissance de tous les Français? Mais si, ne songeant qu'à sa faveur personnelle, il ne songeait point à sa patrie; s'il n'y avait d'avenir pour lui que dans la durée de son pouvoir, que de reproches il aurait à se faire un jour! Il ne trouverait dans sa chute nul appui, nulle consolation, et serait tourmenté sans cesse à l'aspect des malheurs qu'il aurait pu empêcher. Si ce ministre existe, qu'il connaisse bien sa position; il est placé entre la reconnaissance et le blâme publics? Je suis, etc.

POST-SCRIPTUM.

E.

On me communique à l'instant une lettre authentique de Lyon, dont je crois devoir vous faire part. Elle vient à l'appui de tout ce que je vous ai mandé, des desseins qu'on a d'agiter la France, pour alarmer les gouverne– į et prendre de là occasion de créer des pouvoirs audessus des lois.

mens,

N'est-on pas satisfait de tous les troubles qui ont désolé notre malheureuse ville? Trouve-t-on qu'elle ne compte pas encore assez de victimes? Ce ne sont plus des agens indigènes qu'on emploie, ils sont trop décrédités; on sé sert d'étrangers qu'on suppose, sans doute, devoir inspirer plus de confiance. Un Italien (on le dit de Rome) est arrivé dans nos murs; il a eu des conversations avec quelques Lyonnais, et leur a fait des confidences bien extraordinaires.. J'ai suivi les démarches de cet étranger, et j'ai appris qu'avant de se montrer en public il avait affecté de se cacher assez long-temps. Il parle beaucoup des carbonari d'Italie; il inscrit sur son carnet les noms de plusieurs de nos concitoyens qui l'ignorent. Je ne sais sur quelles indications il les associe à des

gens dont ils n'ont jamais entendu parler; ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il ne connaît point, et que même il n'a jamais vu ceux qu'il cherche à compromettre.

>> Nous commençons à nous expliquer ces manœuvres par les calomnies infâmes des journaux ultras qui dénoncent leur pays comme le foyer de toutes les idées démagogiques, de toutes les doctrines pernicieusas. Voudrait-on avoir des faits à l'appui de ces assertions mensongères? Cet étranger mystérieux n'appartiendrait-il pas à cette police européenne qu'on suppose vouloir trouver des connivences entre ce qui se passe en Prusse et en Italie pour en accuser la France? Nous ne savons si nos autorités connaissent ces manœuvres; dans le cas où elles en seraient informées, pourquoi ne les empêchent-elles pas? Il me semble utile de recourir à la publicité, et c'est sous ce rapport que je vous prie de signaler ces honteuses menées. Nos habitans si souvent victimes ne seront plus dupes, mais d'autres Français pourraient l'être, il est utile de les avertir. »

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Le dix-neuvième siècle n'a point encore pris le caractère qui lui convient; c'est encore celui du dix-huitième qui domine notre littérature philosophique, car elle n'a pas cessé d'être essentiellement critique.

De cet état de choses, il résulte que nous sommes encore en révolution; que nous sommes menacés de nouvelles crises sociales; " car un système quelconque (et par conséquent le système politiese) ne peut pas être remplacé par la critique qui l'a renversé; il laut un système pour remplacer un système.

Les philosophes du dix-huitième siècle ont dû être critiques, puisque la première chose à faire était de mettre en évidence les inconvéniens d'un système formé à une époque de superstition et de barbarie; mais ce système ayant été complétement discrédité

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LA MINERVE FRANÇAISE.

par eux, il est évident que la tâche de leurs successeurs, c'est àdire des philosophes actuels, consiste à produire et à discuter le système politique qui convient à l'état présent des lumières; et il est également évident que l'ancien système ne pourra cesser entièrement d'être en activité qu'à l'époque où les idées, sur les moyéns de remplacer les institutions ( dérivées de ce système ) qui existent encore, auront été suffisamment éclaircies, liées et coordonnées; qu'à l'époque où ces idées auront été sanctionnées par l'opinion publique., Telle est l'opinion que l'auteur de cet écrit s'est formée, en résultat de longues méditations à ce sujet.

Il a soumis cette opinion à l'examen des hommes, les plus capables de la juger, et elle a obtenu leur approbation.

Ce n'est pas un seul homme qui peut organiser le nouveau sys-, tème politique dont l'espèce humaine a besoin; l'auteur de cet écrit a donc du chercher la combinaison au moyen de laquelle les hommes les plus capables, dans les diverses branches de nos connaissances positives', pourraient concourir à ce travail.

Le projet qu'il a conçu, projet qui sera exposé dans son onvrage, consiste à former une société scientifique, divisée en quatre classes; il consiste à partager la totalité des travaux à faire en-, tre ces quatre classes, d'une manière telle que chacune d'elles puisse agir indépendamment de toutes les autres, et què cepen-* dant elles concourent toutes avec la même efficacité à l'organisation du système.

Et ce projet, qui a été soumis à la critique de plusieurs savans très-estimés, a été approuvé, on oserait presque dire adopté par

eux.

Voilà quels ont été les antécédens de l'Organisateur.

L'Organisateur aura pour objet special: 1o. de déposer les principes qui doivent servir de base au nouveau système de politique; 2o de présenter le projet d'organisation d'un atelier scientifique, capable d'établir une doctrine sociale proportionnée à l'état des lumières; 3o. de prouver qu'il est de l'intérêt de toutes les classes de la société que ce travail s'exécute le plus promptement possible; 4. d'indiquer les moyens de maintenir la tranquillité publique' pendant l'organisation du nouveau système.

Son but général sera d'examiner toutes les questions dont la solution intéressera le bonheur de la société.

La première livraison de l'Organisateur paraîtra le mois prochain, elle annoncera le mode de publication qui sera adopté pour cet ouvrage, ainsi que les conditions d'abonnement.

LA MINERVE

FRANÇAISE.

POÉSIE.

LES ENFANS DE LA FRANCE.

CHANSON.

AIR du vaudeville de Turenne,
Ou de la Colonne.

Reine du monde, ô France, ô ma patrie!
Soulève enfin ton. front cicatrisé.

Sans qu'à tes yeux leur gloire en soit flétrie,
De tes enfans l'étendard s'est brisé (bis).
Quand la fortune outrageait leur vaillance`,
Quand de tes, mains tombait ton sceptre d'or,
Tes ennemis disaient encor:

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Honneur aux enfans de la France (bis)!
De tes grandeurs tu sus te faire absoudre,
France, et ton nom triomphe des revers.
Tu peux
tomber, mais c'est comme la foudre,
Qui se releve et gronde au haut des airs,
Le Rhin, aux bords ravis à ta puissance,
Porte à regret le tribut de ses eaux,

Il crie au fond de ses roseaux :
Honneur aux enfans de la France!
T. VII.

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**

Pour effacer des coursiers du barbare
Les pas empreints dans tes champs profanés,
Jamais le ciel te fut-il moins avare?

D'épis nombreux vois ces champs couronnés.
D'un vol fameux prompts à venger l'offense,
Vois les beaux arts, consolant leurs autels,
Y graver en traits immortels :

Honneur aux enfans de la France!

Prête l'oreille aux accens de l'histoire.
Quel peuple ancien devant toi n'a tremblé?
Quel nouveau peuple, envieux de ta gloire,
Ne fut cent fois de ta gloire accablé!
En vain l'Anglais a mis dans la balance
L'or que pour vaincre ont mendié les rois,
Des siècles entends-tu la voix?
Honneur aux enfans de la France!

Dieu qui punit le tyran et l'esclave,
Veut te voir libre, et libre pour toujours.
Que tes plaisirs ne soient plus une entrave :
La liberté doit sourire aux amours.

Prends son flambeau, laisse dormir sa lance;
Instruis le monde, et cent peuples divers
Chanteront, en brisant leurs fers :
Honneur aux enfans de la France!

:

Relève-toi, France, reine du monde!

Tu vas cueillir tes lauriers les plus beaux.
Oui, d'âge en âge, une palme féconde
Doit de tes fils protéger les tombeaux.

Que, près du mien, telle est mon espérance,
Pour la patrie admirant mon amour,
Le voyageur répète un jour :
Honneur aux enfans de la France!

P.-J. DE BÉranger.

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