vous, quelque peine à entendre un sujet plein de zèle, qui diroit » au roi, des grâces duquel il seroit comblé : En vous servant, je » trouve le plus grand de tous mes intérêts; mais ce n'est point par » un motif intéressé que je vous sers. Vos dons me sont chers; mais >> je voudrois vous servir de même quand vous m'en priveriez ? » Permettez-moi, Monseigneur, de vous demander si celui qui parleroit ainsi au roi, songeroit à un désir naturel ou non naturel; et s'il auroit autre chose dans l'esprit que les avantages qu'il auroit reçus ou qu'il pourroit recevoir tant il est vrai que quand vous voulez expliquer vous-même naturellement ce que vous aviez dans l'esprit en parlant de l'intérêt et de son motif, le désir naturel bon ou mauvais, innocent ou vicieux n'y entroit pour rien ! : Il paroît donc, d'un côté, par tant de raisonnements tirés de vousmême, qu'il vous est entièrement inutile: mais d'autre côté vous ne pouvez vous en passer; sans cela vous ne savez plus comment expliquer ce qu'il faut ôter dans les parfaits. Si l'amour naturel que vous voulez retrancher' étoit vicieux, les passages de saint Thomas et d'Estius, sur lesquels vous fondez tout votre système, ne vous serviroient de rien; puisque le désir naturel que vous nas, ei doit, doit se pouvoir rapporteu d'aucune circonstance dépravante. salon Estius, n eire' D'ailleurs vous avez besoin d'un désir naturel qui soit proposé partout dans l'Ecriture, dans la tradition, et dans les prières de l'Eglise : et celui-là, oseriez-vous dire qu'il soit vicieux; et encore, qu'étant vicieux il soit digne de respect? Tout se confond, tout se contrarie dans votre système : il faut que ce désir soit innocent; il n'est pas besoin qu'il le soit : tout vous est bon, et vous entendez tout ce qu'il vous plait selon vos besoins dans tous vos discours. Vous avez raison de vouloir qu'on en décide le préjugé par la seule bonne opinion qu'on a de votre esprit : quand on en vient au détail, on voit que tout s'y dément ; et qu'on ne peut un seul moment se soutenir. 3 Cependant vous dites ailleurs que le désir naturel, dont on vous a démontré l'inutilité par vous-même, vous est si nécessaire, que sans son secours vous ne pourriez « qu'extravaguer de page en page, » et de ligne en ligne: » que sera-ce donc si l'on vous fait voir que ce désir naturel, non-seulement n'est appuyé d'aucune preuve, mais encore qu'il est plein d'erreurs, qu'il est nouveau, qu'il est inouï, qu'il est absurde, qu'il est pélagien, qu'il ramène par un certain endroit le molinosisme? Je l'ai prouvé une fois, c'est assez ; on n'a qu'à voir ma Préface et s'il m'est permis seulement, pour un dernier éclaircissement, de mettre cette lettre en abrégé, tout s'y A II. Lett., p. 23. — 2 Instr. past., n. 3. 3 I. Lett., p. 46. 716 réduit dans le fond à examiner si vous avez bien entendu la béatitude, et la manière dont le motif en agit sur nous. Toute l'école est d'accord qu'en toute action de la volonté raisonnable, la béatitude s'y trouve, ou bien explicitement et par acte exprès, ou bien implicitement, virtuellement, et sans en avoir toujours, comme vous parlez vous-même, une certaine pensée réfléchie et aperçue". Montrezmoi un seul docteur de l'école qui parle autrement; un seul qui ne dise pas qu'en ce sens la béatitude est la fin dernière de la vie humaine et de toutes ses actions vous refusez cependant cette doctrine. Tout est perdu, selon vous, si l'on ne dit qu'on peut s'arracher le désir d'être heureux : jusqu'à ce secret désir qui se trouve en nous, sans être réfléchi et aperçu 2. Vous dites que le laisser, ce n'est pas contenter l'école : « parce que la béatitude n'en est pas >> moins le véritable objet qui meut réellement la volonté en tout acte >> que la raison peut produire. » Il faut donc, selon vous, pour la contenter, que la volonté se puisse arracher jusqu'à ce secret désir de la béatitude qu'on appelle implicite et virtuel, et dont l'action est trant plus réelle qu'elle tient plus intimement au fond des enn'avez pas nomme un''seme.Vous êtes seul dans cette pensée : vous imant : vous n'en nommerez jamais un seul vous avez saint Augustin, et après lui suint Thomas, et toute l'école expressément contre vous. On vous a montré que vous êtes vous-même contre vous-même; et qu'ainsi tout ce beau système, que vous nous vantez comme la merveille du pur amour, se dément, et tombe par ce seul endroit. Vous vous entendez aussi peu lorsque vous dites « qu'encore qu'on >> ne puisse pas s'arracher l'amour de la béatitude, on peut le sacri>> fier; comme on peut sacrifier l'amour de la vie sans pouvoir se >> l'arracher tout à fait. » Avouez la vérité, Monseigneur ; vous ne croyez pas avoir rien à dire ou avoir rien proposé de plus spécieux que cet argument: mais il tombe par ce seul mot; on peut bien sacrifier la vie mortelle à quelque chose de meilleur, qui est la vie bienheureuse ou vraie ou imaginée à la manière que nous avons vue mais lorsque vous supposez qu'on puisse aussi sacrifier la vie bienheureuse, il faut que vous ayez dans l'esprit quelque chose de meilleur à quoi on la sacrifie ; et toujours on redeviendra, ou heureux en le possédant, ou malheureux si on le perd: de sorte que malgré vous, la vie heureuse se trouve toujours comprise dans l'acte du sacrifice que vous voulez qu'on en fasse. Ne voyez-vous pas que vous vous perdez? est-ce par de tels raisonnements que vous vous donnez des airs si triomphants? vous cherchez Lett, III. p. 11.-2 Resp. ad Sum. p. 5, etc.; Lett. IV. p. 14, etc. à vous arracher l'amour de la béatitude, quand c'est elle-même qui vous fait encore produire cet acte, où vous voudriez vous l'arracher s'il étoit possible. Quoi qu'il en soit, bien assurément vous ne serez pas malheureux, parce que vous serez heureux, et que vous aurez ce que vous voudrez, ce que vous aurez choisi avec raison. Ne cherchez donc plus, par un vain et dangereux travail, à vous arracher la vue du bonheur que la nature et la grâce rendent également inséparable des actes humains et divins, raisonnables et surnaturels ; et croyez que votre amour sera pur au souverain degré, quand il mettra son bonheur en Dieu. Après cela, Monseigneur, je n'ai plus rien à vous dire, et je m'en tiens pour vos quatre lettres à cette seule réponse. S'il se trouve dans vos écrits quelque chose de considérable qui n'ait pas encore été repoussé, j'y répondrai par d'autres moyens. Pour des lettres, composez-en tant qu'il vous plaira ; divertissez la ville et la cour, faites admirer votre esprit et votre éloquence, et ramenez les grâces des Provinciales je ne veux plus avoir de part au spectacle que vous semblez vouloir donner au public; et je ne vois plus que les procédés sur quoi je sois obligé de vous satisfaire, puisane vo avec tant d'instance Je suis, avec respect, etc. FIN DU QUATORZIÈME VOLUME. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. OU SONT EXPOSÉES LES ERREURS DES FAUX 14 ib. ib. 28 Autres exemples d'exagérations dans les mys- 29 Etrange exagération dans les Institutions de teurs. ib. Autre exemple d'exagération dans ces au- 30 31 ib. 32 Erreur des mystiques de nos jours. ib. Préface, où l'on pose les fondements, et l'on Des béguards et des béguines. Dessein particulier de ce premier traité : sa LIVRE II. 43 45 De la suppression des actes de foi. Passages de Malaval. 47 48 68 Seconde excuse des nouveaux mystiques : que Abandon des nouveaux mystiques : prodige ib. 72 Quelle volonté de Dieu nous devons suivre, et 55 Autre doctrine sur le Pater. 56 57 Equivoque de l'acte confus démêlée. ib. Parabole ou similitude pleine d'illusion de Ma- 74 ib. Que le prétendu acte éminent qui dispense de LIVRE IV. 58 Où il est traité plus à fond de la conformité à Autre manière de détourner de Jésus-Christ, 59 Différence de la doctrine des nouveaux mys- Distinction des deux volontés de signe et de 82 |