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maintenus par une force suffisante pour interdire réellement l'accès du littoral de l'ennemi.

Les gouvernements des plénipotentiaires soussignés s'engagent à porter cette déclaration à la connaissance des États qui n'ont pas été appelés à participer au congrès de Paris et à les inviter à y accéder.

Convaincus que les maximes qu'ils viennent de proclamer ne sauraient être accueillies qu'avec gratitude par le monde entier, les plénipotentiaires ne doutent pas que les efforts de leurs gouvernements pour en généraliser l'adoption ne soient couronnés d'un plein succès.

Le présen e déclaration n'est et ne sera obligatoire qu'entre les puissances qui y ont ou qui y auront accédé.

En comparant maintenant les déclarations de 1780 et de 1856, nous remarquons, tout d'abord, que les questions qu'on y a traitées sont en partie les mêmes. La première tâche des deux déclarations était de fixer quelles sont les marchandises libres dans la guerre maritime et comment on doit opérer un blocus pour qu'il soit valable ou effectif. Les numéros 2 et 3 de la déclaration de 1780 et les numéros 2 et 3 de celle de Paris se rapportent à la première question; les numéros 4 des deux déclarations sont relatifs à la seconde question, c'est-à-dire au blocus. Quel progrès constate-on par rapport à ces deux questions dans un espace de soixante seize ans? La déclaration de 1780 proclame que les marchandises des belligérants sur des navires neutres, à l'exception de la contrebande de guerre, sont libres; l'article X du traité de 1766 conclu par la GrandeBretagne avec la Russie, auquel renvoie le n° 3 de la déclaration de 1780, dit, en outre, que les munitions de guerre transportées doivent être destinées à l'ennemi; l'article XI de ce traité cité au même n° 3 ne prononce que la confiscation de la contrebande de guerre, en laissant libres les autres marchandises, le navire et les passagers. Le n° 2 de la déclaration de Paris confirme le n° 2 de celle de 1780, tandis que le numéro 3 réalise le progrès, que la marchandise neutre doit être libre même sous pavillon ennemi. Le nouveau progrès que réalise la résolution I des décisions de l'Institut de droit international à Zurich, c'est que la propriété privée de l'ennemi doit également être libre sous pavillon ennemi, et que par conséquent la disposition qui concerne le traitement de la propriété privée dans la guerre maritime doit à l'avenir être conçue dans les termes suivants : « La propriété neutre ou ennemie naviguant sous pavillon neutre ou sous pavillon ennemi est inviolable. » Plusieurs États maritimes ont accepté, depuis la déclaration de Paris, l'inviolabilité complète de la propriété privée dans la guerre maritime, à l'exception

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toutefois de la contrebande de guerre; c'est ce que nous montrerons plus tard en traitant des déclarations d'États maritimes isolés. A l'égard de ce progrès, il ne manque en réalité qu'une déclaration collective des États.

Les dispositions des déclarations, en ce qui concerne le blocus, ont évidemment la même tendance établir quand un blocus doit être respecté comme valable. Elles sont cependant insuffisantes, comme nous l'avons expliqué et démontré au tome XI, page 572 et suivantes et page 582 et suivantes. Aussi, dans le règlement international que nous avons soumis à l'Institut de droit international dans la session tenue à Bruxelles en septembre 1879, avons-nous remplacé ce seul numéro par dix numéros dont les termes sont empruntés en majeure partie aux déclarations ou aux traités de divers États.

Quoique les dispositions des deux déclarations emploient des expressions différentes en ce qui regarde le blocus, l'on n'y remarque aucun progrès; toutes deux exigent un blocus effectif. bien que la dernière déclaration seule se serve de l'expression « effectif. » Mais aucune des deux ne parle de la déclaration et notification du blocus, aucune ne contient de dispositions concernant l'ignorance du blocus, la constatation de la violation du blocus et le cas où le navire s'éloigne momentanément de sa station. Ce manque de précision dans des points essentiels et la manière différente dont les entendent et les pratiquent les États maritimes ont fait naître des contestations innombrables et donné lieu à des décisions très différentes des tribunaux de prises. Il est donc indispensable et impérieusement nécessaire que ces questions soient résolues au point de vue international, et à cet effet nous avons propose certaines dispositions dans notre règlement.

Voici ce qui résulte des autres numéros des deux déclarations. Le numéro 1 de la déclaration de 1780 permet aux navires neutres de naviguer librement de port en port et sur les côtes des belligérants. Il y avait déjà là un progrès sur l'ancien état des choses, mais le nouveau progrès à réaliser exige la même liberté pour les navires privés ennemis, sauf les corsaires. Le numéro 1 de la déclaration de Paris contient une modification essentielle relativement à ceux-ci, puisqu'elle proclame la course complétement abolie, tandis que l'article X du traité anglo-russe de 1766 auquel renvoie le numéro 3 de la déclaration de 1780, permet encore aux armateurs de visiter les vaisseaux marchands. Mais la déclaration de 1790 comprend, d'un autre côté, deux dispositions importantes

qui manquent dans celle de Paris. L'article XI du traité cité au numéro 3 de la première de ces déclarations, porte qu'on ne peut confisquer que les munitions de guerre, tandis que l'on doit laisser le navire, les autres marchandises et l'équipage continuer librement le voyage, concession qu'on cherche vainement dans divers traités postérieurs. Le numéro 5 de la déclaration de 1780 indique ensuite comme but des principes proclamés par elle, qu'ils serviront de règle dans les procédures et jugements sur la légalité des prises. Cette déclaration admet donc un droit matériel pour le jugement des procès de prises par les tribunaux des prises, quoique ce droit soit loin d'être complet. L'article X du traité anglo-russe de 1766, mentionné plusieurs fois, s'appuie également sur les principes et règles du droit des gens généralement reconnus, ce qui prouve qu'à cette époque déjà deux grandes puissances admettaient l'existence de semblables principes et règles du droit des gens. On ne pourra donc pas nous blâmer si, dans le règlement des prises international que nous devons rédiger, nous cherchons au bout de plus de cent ans à établir ces principes et ces règles, non pas comme ils étaient alors, mais comme ils se sont perfectionnés et continueront à se perfectionner. La déclaration de droit maritime de Paris veut également « introduire des principes fixes dans les rapports internationaux,» mais elle reconnaît, ce qui est vrai, d'ailleurs, que « le droit de la guerre maritime a été longtemps l'objet de contestations regrettables et que l'incertitude du droit et des devoirs en pareille matière donne lieu, entre les neutres et les belligérants à des divergences d'opinion qui peuvent faire naître des difficultés sérieuses et même des con its. » La déclaration du droit maritime de Paris n'a supprimé qu'en partie cette incertitude du droit et des devoirs, de sorte que les difficultés et les conflits n'ont pas cessé depuis lors. L'espoir nourri par les auteurs de la déclaration, que ces maximes seraient adoptées universellement ne s'est pas réalisé, même au bout de vingtquatre ans, et eux-mêmes ont déclaré que ces maximes ne sont obligatoires que pour les puissances qui y ont adhéré. Il en résulte que les États maritimes ont à remplir actuellement les deux tâches suivantes : 1° Remplacer la déclaration de droit maritime de Paris par une nouvelle déclaration plus parfaite et plus complète;

2° Faire adhérer tous les États maritimes à cette nouvelle déclaration. Le but du présent travail est de fournir le projet d'un règlement international dans ce sens et l'Institut de droit international aura pour mission de discuter ce projet et de proposer aux États maritimes ce

qu'il aura décidé à cet égard; ces États, à leur tour, auront à réaliser un règlement international des prises.

Ce qui suit prouvera que les États maritimes, bien qu'ils allèguent le droit général des gens, droit que nous ne trouvons fixé nulle part malgré sa prétendue généralité et dans l'invocation duquel les divers États ont en vue des propositions différentes ou se livrent à des interprétations différentes, ont reconnu depuis longtemps, et même postérieurement à la déclaration de Paris, qu'il y a des lacunes dans le droit de guerre maritime actuel. On verra aussi que certains États s'efforcent depuis longtemps d'établir un droit de guerre maritime général. Nous ne nous étendrons pas davantage sur les déclarations de droit maritime déjà citées, qui témoignent des efforts d'un grand nombre d'États, car nous avons déjà caractérisé, par rapport à la déclaration de 1780, à l'article sur la Russie (Tome X, page 598 et suivantes), l'attitude des autres États, notamment de l'Angleterre, de la France, de l'Espagne, des Pays-Bas, de la Suède, du Danemark, de la Prusse, de l'Autriche, du Portugal et des Deux-Siciles, en nous appuyant, tant sur les déclarations que sur les traités postérieurs de ces États. Cette attitude est en général approbative; quelques États prétendent toutefois qu'ils ont déjà précedemment observé les principes de cette déclaration comme leur propre droit.

Divers États maritimes ont cherché, dès le siècle dernier, à inaugurer une réforme générale du droit de guerre maritime ou plus spécialement du traitement des neutres dans la guerre maritime.

Dans l'introduction du traité de la Russie avec le Danemark, du 9 juillet 1780, on indique comme but: « de former et de réunir en un corps de système permanent et immuable les droits, prérogatives, limites et obligations de la neutralité. » L'article X dit : « Les parties contractantes s'engagent d'avance à consentir à ce que d'autres puissances également neutres y accèdent », et l'article V des articles séparés joints à la convention porte : « Les parties contractantes s'emploieront de la manière la plus efficace auprès des puissances maritimes en général, pour faire recevoir et reconnaître universellement dans toutes les guerres maritimes qui pourraient survenir par la suite, le système de neutralité et les principes établis dans la convention, lesquels serviront à former la base d'un code maritime untversel. » Le traité de la Russie avec la Suède du 21 juillet / 1 août 1780 (article séparé) et celui de la Russie avec la Prusse du 8 mars 1871 ont également pour but la réforme du droit maritime.

Les tentatives de réforme de la Prusse et des États-Unis de l'Amérique du Nord commencent avec la convention de ces deux États du 10 septembre 1785 et continuent dans celles du 11 juillet 1799 et du 1er mai 1828. L'article XII du traité de 1785 déclare libres les marchandises ennemies à bord de navires neutres; il en est de même des personnes ennemies, à l'exception des militaires.

Ces principes n'ayant pas été respectés suffisamment dans les dernières guerres, les parties contractantes décidèrent, à l'article XII de la convention de 1799 : « de concerter, soit entre elles en particulier, ou d'accord avec d'autres puissances qui y soient également intéressées, de tels arrangements avec les grandes puissances maritimes de l'Europe et des principes durables, qui puissent servir à consolider la liberté et la sûreté de la navigation et du commerce des neutres dans les guerres à venir. » On s'appuie également dans le même article sur les principes généralement reconnus et les maximes du droit des gens concernant la conduite des navires de guerre et des corsaires (armateurs) des belligérants à l'égard de navires marchands neutres. L'article XIII des deux traités permet seulement d'arrêter la contrebande transportée sur des navires, mais stipule qu'on devra payer aux propriétaires une juste compensation pour la perte qu'une pareille arrestation pourra leur avoir occasionnée. Si le patron livre immédiatement la contrebande, le navire pourra continuer son voyage. Les articles cités des traités de 1785 et 1789 sont confirmés par l'article XII du traité de 1828 qui se termine comme suit : Les parties contractantes désirant toujours, conformément à l'intention déclarée dans l'article XII dudit traité de 1799, pourvoir entre elles, ou conjointement avec d'autres puissances maritimes, à des stipulations ulté rieures, qui puissent servir à garantir une juste protection et liberté av commerce et à la navigation des neutres, et à aider la cause de la civilisation et de l'humanité, s'engagent ici, comme alors, à se concerter ensemble sur ce sujet, à quelque époque future et convenable. » Il est vrai qu'on ne s'occupe généralement que des neutres, mais on parle cependant déjà de l'inviolabilité des marchandises ennemies.

Parmi les traités de la Russie avec l'Angleterre du siècle dernier, les traités du 20 juin 1766 (articles X, XI, XII) et du 20 février 1797 décrétent la confiscation de la contrebande à l'exception de la quantité nécessaire pour le navire et les passagers, mais ajoutent expressément que Ni les vaisseaux, ni les passagers, ni les autres marchandises, qui s'y trouveront en même temps, ne seront détenus ou empêchés de continuer leur voyage.»

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