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Kapoustine avait publié en 1856 un aperçu du droit des gens et en 1873 un programme de cours, et l'on avait du professeur Katchenowski un cours de droit des gens dont la seconde édition a paru de 1863 à 1866 et qui est resté inachevé. L'ouvrage dont nous annonçons le premier volume, nous donne pour la première fois une exposition systématique. Il contient d'abord une introduction de 175 pages, traitant du fondement et de la notion du droit des gens et de l'histoire des relations internationales et de la science du droit des gens; un fragment en a été reproduit ici-même (ci-dessus, page 244). Puis vient une Partie générale, dans laquelle l'auteur, après avoir exposé le droit des rapports internationaux, traite des sujets de ces rapports et du droit des gens, des territoires des États et de leurs routes (mers, golfes, rivières), et des traités internationaux. Toutes ces matières sont fondamentales et appartiennent en conséquence à la Partie générale. Le second volume de l'ouvrage contiendra la Partie spéciale ou Administration internationale des Etats, expression analogue à celle dont s'est servi M. de Stein dans l'article qu'il vient de publier sur le Droit administratif international (Jahrbuch für Gesetzgebung, etc. VI, p. 395 et suivantes.) M. Martens comprend sous ce nom, dans la Partie spéciale, les matières suivantes: 1) Les intérêts soit des peuples dans leur ensemble soit des diverses communautés sociales dans le domaine de la vie intellectuelle; 2) l'administration internationale dans le domaine de la vie physique, de l'activité économique, publique, sociale et individuelle; 3) le règlement judiciaire des rapports de droit civil et le maintien des droits légaux qui appartiennent aux sujets résidant en pays étranger (Droit international privé et pénal); 4) le droit de la guerre et de la paix. Če système est original; M. Martens en a fait depuis onze années le fondement de son cours et il l'a trouvé avantageux. Nous ne pourrons l'apprécier que lorsque nous aurons sous les yeux le second volume, qui contiendra toute la Partie spéciale. L'auteur considère comme objet de la science du droit international la communauté des relations de la vie existant entre les États civilisés actuels; le système du droit international est donc pour lui le système de ces relations: aussi en a-t-il tenu compte en une très large mesure. On ne saurait nier que les expositions du droit des gens faites jusqu'ici ne s'en sont pas occupées suffisamment.

L'auteur a grandement mis à profit soit les matériaux positifs du droit des gens, soit la littérature, sans jamais perdre de vue le but principal de son livre, qui n'est pas destiné aux jurisconsultes russes seulement, mais à toutes les personnes qui, en Russie, s'intéressent à notre science. Dans les exemples historiques qu'il cite en grand nombre, il donne avec raison la préférence à ceux qui sont tirés de l'histoire moderne et même de la plus moderne; il utilise notamment le riche contenu de son Recueil de traités; en outre, on trouve publiés pour la première fois, dans son livre, une quantité de faits qui ont trait aux relations diplomatiques de la Russie. L'histoire des relations internationales et celle du droit des gens sont traitées avec plus de détail que dans la plupart des ouvrages théoriques, à l'exception de celui de M. Calvo. M. Martens remonte jusqu'à l'antiquité, et comprend dans sa première période tout le moyen-âge; la deuxième commence à la paix de Westphalie; la troisième au congrès de Vienne et s'étend jusqu'au temps présent. Quant à l'histoire de la science du droit des gens, la première période comprend le règne du droit naturel, la deuxième la prédominance de la tendance positive, la troisième l'action réciproque des commencements philosophiques et des éléments du droit international positif.

Nous apprenons avec une vive satisfaction qu'une édition francaise sera publiée prochainement, et nous sommes persuadé qu'elle trouvera hors de Russie des lecteurs qui apprécieront avec reconnaissance les grands mérites de cet ouvrage systématique fondé sur une base vraiment positive et dont l'auteur,

en se montrant absolument maître de son riche sujet, a su garder une juste mesure, tant dans son exposition théorique que dans la communication de s actes internationaux.

34.

Heidelberg, mai 1882.

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A. BULMERINCO.

- Einige Bemerkungen ueber das internationale Verwaltungsrecht, von Dr LORENZ VON STEIN. Extrait du Jahrbuch de SCHMOLLER. -48 p. in-8°. Duncker et Humblot, Leipzig, 1882.

Chaque État est tout à la fois une puissance indépendante et un membre de la grande communauté cosmopolite qui, bien qu'elle soit encore très loin de son but, n'en tend pas moins à s'organiser. Quand, au moyen âge, les divers États se furent affranchis de l'Empire, ils restèrent dans la dépendance de la nature des choses et conservèrent une certaine harmonie d'aspirations. Les traités internationaux sont, quant à leur forme, l'expression de la volonté particulière des différents États; leur contenu est toujours plus ou moins influencé par le courant général qui entraîne l'humanité toute entière vers un terme réel, quoique éloigné et inconnu. Il en résulte qu'il y a deux droits à distinguer, que l'auteur appelle Voelkerrecht et Internationalrecht. Il convient probablement de traduire Voelkerrecht par droit international et Internationalrecht par droit cosmopolite. Le chemin qui peut nous conduire à la connaissance de ce droit commun de l'humanité par lequel nous sommes attirés, à notre insu, et que nous devons réaliser d'une manière consciente, c'est la législation comparée, science qui n'a pas encore trouvé sa place, parce qu'on n'en a pas encore compris le véritable but. La législation comparée ne doit pas être une compilation des dispositions des diverses législations, mais la recherche des motifs qui les ont dictées, qui les font différer lors même qu'elles devraient être semblables.

La législation comparée n'est pas le droit international, mais les deux sciences sont indispensables l'une à l'autre. Elle n'est pas non plus la philosophie du droit, bien qu'elle s'en rapproche également beaucoup.

La législation comparée doit s'occuper de droit administratif. Dans ce domaine. aussi, elle trouvera chez les différents peuples des aspirations communes qui, tout naturellement, s'introduiront dans les traités internationaux et constitueront ce qu'on peut appeler le droit administratif international ou, plus exactement, cosmopolite. L'article se termine par deux tableaux montrant, le premier, le développement du droit cosmopolite à travers le droit international; le second, le système des traités. Le développement traverse trois phases: celle qui se borne aux législations intérieures, celle de la réciprocité et des représailles, enfin celle des traités et des institutions internationales. Le système des traités se divise en deux provinces: celle des traités politiques et celle des traités administratifs, dont chacune se subdivise à son tour en plusieurs domaines. Telle est l'idée générale de cet article dont nous devons renoncer à donner les développements, malgré l'intérêt qu'ils présentent.

H. BROCHER DE LA FLÉCHère.

35. La guerre continentale et les personnes, par JULES GUELLE, capitaine adjudant-major, docteur en droit. - In-8°, VII et 256 p. Paris, Pedone

Lauriel, 1881.

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L'auteur rappelle au début de son livre la célèbre lettre du maréchal de Moltke à M. Bluntschli sur le moyen le plus sûr de diminuer les horreurs de la guerre; ce moyen, c'est l'éducation pour les masses, pour les chefs une loi à

laquelle ils se conforment autant que le permettent les circonstances de la guerre, et enfin l'exclusion dans la lutte des moyens condamnables. «Quelle sera cette éducation en vue de la guerre, quelle doit être cette loi que s'imposera le chef militaire et enfin quels sont les moyens condamnables auxquels il est interdit de recourir? » Le présent livre a pour but de répondre à ces trois questions. L'auteur avait pour cela une compétence spéciale, puisqu'il est militaire, et nous sommes heureux de voir les militaires s'occuper de ces questions, non seulement au point de vue technique, mais aussi au point de vue juridique. Il ne peut y avoir que d'excellents résultats à attendre de cette étude; les jurisconsultes auront autrement de chance de voir triompher leurs idées, quand les hommes du métier les auront déclarées compatibles avec les nécessités de l'attaque ou de la défense. L'exposé de M. Guelle est très simple et très clair; il est fait avec une grande modération; toutes les questions importantes sont étudiées; des exemples bien choisis, ordinairement empruntés aux dernières guerres, sont donnés pour expliquer les solutions. Ce livre serait excellent à répandre dans l'armée; il servirait de développement au petit Manuel de droit international à l'usage des officiers de l'armée de terre, dont l'usage est autorisé dans l'armée française. Il serait à désirer qu'un enseignement oral eût lieu sur ces matières; il serait, du reste, très facile avec ces deux ouvrages pour points d'appui.

36.

L. RENAULT.

Du blocus maritime. Étude de droit international et de droit comparé, par PAUL FAUCHILLE, avocat, docteur en droit. - In-8°, 406 p. - Paris, Arthur Rousseaux, 1882.

L'auteur a divisé son travail en trois chapitres, dans lesquels il examine successivement la légitimité et le fondement du blocus maritime, les conditions du blocus, les effets du blocus et de sa violation. On ne saurait trop louer la conscience avec laquelle il a étudié les questions si nombreuses et si importantes, dont quelques-unes si délicates, que présente son sujet. Nous ne connaissons rien d'aussi complet, d'aussi au courant des publications faites dans les différents pays. M. Fauchille constate les progrès très sérieux qui ont été réalisés en ce siècle dans la pratique du blocus et, en même temps, il indique les réformes qu'il conviendrait d'apporter à la pratique actuelle. Il donne des renseignements intéressants, inédits en partie, sur le fameux blocus continental et l'élaboration des décrets qui l'ont établi; il examine les questions les plus actuelles, telles que celles du blocus du canal de Suez et du canal de Panama; dans cet ordre d'idées, il convient de signaler les pages où l'auteur se demande quel sera l'effet, au point de vue du droit de la guerre, du tunnel projeté entre la France et la Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne étant en guerre et la France étant neutre, l'adversaire de la Grande-Bretagne, bloquant ses côtes, aurait-il le droit de détruire le tunnel? M. Fauchille répond négativement. Si nous avions quelques réserves à faire au sujet de ce travail remarquable, ce serait notamment en ce qui concerne le caractère absolu de certaines solutions qui tient probablement au penchant de la jeunesse pour la logique à outrance. C'est ainsi qu'après avoir examiné, d'une manière approfondie, du reste, la question des blocus pacifiques, l'auteur conclut ces termes : « Il ne peut pas y avoir de blocus en temps de paix; un blocus établi sans une déclaration de guerre ne devient même pas un blocus de guerre légitime; il constitue un acte de piraterie et de brigandage, qui doit faire mettre son auteur au ban des nations. »

Une table analytique détaillée permet de retrouver facilement les nombreux faits consignés dans l'ouvrage.

L. RENAULT.

37. Les consuls en Orient et les tribunaux mixtes. Thèse de doctorat (Université de Genève). Par GEORGES MIKONIOS, licencié en droit.- In-8°, 122 pages. Genève, 1881.

Voici encore une bonne dissertation, propre à donner une idée avantageuse de l'enseignement du droit international dans l'université de Genève. On peut se demander, cependant, si le sujet qu'a choisi M. Mikonios convient précisément aux débutants qui ont à fournir un spécimen de savoir juridique. Sauf exception, ils n'ont ni l'expérience ni la maturité nécessaires pour résoudre les questions si complexes du régime consulaire et du régime mixte en Orient; ils sont forcés de puiser à des sources secondaires, aux ouvrages principaux très connus; leurs appréciations, enfin, sont souvent empreintes d'une certaine naïveté. J'aime à constater que ceci ne s'applique nullement à M. Mikonios qui fait preuve, au contraire, de jugement et d'un esprit très sérieux.

Il traite d'abord de l'institution consulaire, en général, et en donne un aperçu historique intéressant. Puis il étudie spécialement l'institution en Orient, tant en Chine et au Japon que dans les pays musulmans. Un troisième livre est consacré à la réforme égyptienne, dont il est partisan, mais qu'il n'en critique pas moins sur divers points. Sa dissertation est bien ordonnée et écrite simplement. L'imprimeur a estropié deux ou trois noms propres.

38. Le droit criminel belge au point de vue international, par MM. MAURICE GODDYN et ÉDOUARD MAHIELS, avocats à la cour de Bruxelles. 1 vol. de -Bruxelles, Larcier, 1880.

400 p.

Le livre de MM. Goddyn et Mahiels n'est pas, comme ils le disent eux-mêmes, un cours de droit répressif international. Il traite des actions naissant des infractions commises par des étrangers; de l'exécution des jugements étrangers en matière répressive et de leurs effets en Belgique; du renvoi, de l'expulsion, de l'extradition; c'est surtout cette dernière matière qui a été l'objet des études des deux auteurs.

Ils n'ont pas eu la prétention de produire une œuvre nouvelle, ils n'ont pas non plus approfondi les grandes controverses ou les difficultés que font naître les dispositions éparses de la législation belge sur les étrangers; ils ont voulu vulgariser, sous une forme pratique et un peu superficielle, l'état actuel de la loi et de la jurisprudence, et, à ce point de vue tout relatif, on peut accorder à leur livre une certaine valeur.

A. P.

SCIENCES AUXILIAIRES. HISTOIRE, DIPLOMATIE.

-

39. La diplomatie française vers le milieu du XVIe siècle, par Jean Zeller, professeur suppléant à la Faculté des lettres de Nancy. In-8°. XIII, Paris, Hachette, 1881.

412 p.

M. Zeller s'est proposé d'étudier le rôle de la diplomatie française vers la fin du règne de François 1er; après une introduction générale consacrée à la politique extérieure de ce prince, il s'occupe spécialement d'un diplomate généralement peu connu, Guillaume Pellicier, qui fut longtemps ambassadeur de France à Venise. Cette ambassade avait une très grande importance, parce

qu'elle servait de poste d'observation à la fois pour les affaires d'Italie, auxquelles s'intéressaient particulièrement les rois de France depuis Charles VIII, et pour les relations avec l'Orient, qui venaient d'entrer dans une période nouvelle par suite de l'alliance de François 1er avec Soliman. Grâce à de nombreux documents extraits des archives de Venise, de la bibliothèque d'Aix et de la bibliothèque nationale, M. Zeller nous fait connaître beaucoup de faits utiles pour l'histoire générale, ainsi que pour l'histoire du droit des gens et de la diplomatie. On verra que nous avons fait des progrès, quoi qu'on en dise, et que les relations internationales sont aujourd'hui plus loyales qu'à cette époque. L'auteur nous expose le résultat de ses recherches d'une façon toujours claire et intéressante; il appartient à cette école moderne d'érudits consciencieux qui croient n'être jamais assez complets ni assez précis. Dans de nombreuses notes, il indique avec détail les sources où il a puisé et permet ainsi de contrôler ses assertions.

40.

L. R.

Correspondance diplomatique du baron de Staël-Holstein, ambassadeur de Suède en France, et de son successeur comme chargé d'affaires, le baron Brinkman, publiée avec une introduction par L. LEOUZON LE DUC. - In-8°, XLVI, 416 p. - Paris, Hachette, 1881.

A l'époque de la révolution, M. de Staël était depuis dix ans le représentant de la Suède auprès de la France; il était bien vu de la cour, en même temps que, par son mariage avec Mademoiselle Necker, il était en rapport avec les financiers, les magistrats, les littérateurs et les savants. Il était donc dans la meilleure situation possible pour suivre les événements et pour connaître les personnages qui y étaient mêlés comme auteurs ou comme victimes. Aussi sa correspondance est-elle un complément utile des nombreuses informations que nous avons déjà sur la révolution; M. Taine, dans son si important ouvrage, a donné avec raison une grande place aux observations faites par les étrangers, tels que Gouverneur Morris, Arthur Young, Dumont de Genève. M. de Staël, par son impartialité et sa perspicacité, par la finesse de ses aperçus, mérite d'être rapproché de ces éminents voyageurs. On doit remercier M. Léouzon Le Duc de nous avoir donné cette correspondance, qu'il a complétée et éclairée par des documents empruntés aux archives suédoises. Les futurs historiens devront en tenir compte et le baron de Staël, un peu trop écrasé par la réputation de son illustre femme, nous apparaît comme un diplomate vraiment distingué. L. R.

41. La Turquie et le Tanzimat, ou Histoire des réformes dans l'empire ottoman depuis 1826 jusqu'à nos jours, par ED. ENGELHARDT, ministre plénipotentiaire. In-8°, 283 p. - Paris, Cotillon et C°, 1882.

Il y a longtemps que les affaires intérieures de la Turquie sont devenues des affaires internationales et que, sous des prétextes divers, les puissances européennes ont été appelées à s'en occuper. L'organisation administrative et judiciaire de la Turquie, la situation faite à ses sujets de nationalité et de religion diverses, jouera un grand rôle dans l'histoire diplomatique de ce siècle. Leur étude présente des difficultés spéciales tenant à des causes multiples; on doit être reconnaissant à M. Engelhardt, qui n'a pas reculé devant ces difficultés. Il était exceptionnellement préparé pour un pareil travail; il a beaucoup séjourné en Orient où il a occupé, avec distinction, des postes importants. Les lecteurs de

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