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deux Etats, le réglement final en sera déféré à un tribunal d'arbitres nommés suivant les usages, les lois et les exigences constitutionnelles de chacun des deux Pays.

3o Revision et réforme du traité de 1874.

Si ces dispositions discrètes, rationnelles et pratiques agréent au Gouvernement de Votre Excellence, on peut être d'avance assuré que de la part du Gouvernement Dominicain régnera toujours le plus vif désir d'arriver à une solution de justice et de compensations réciproques dont la garantie incontestable se trouve dans la nature même et la facile exécution du procédé proposé.

Et dans cette espérance, j'ai l'honneur d'assurer, une fois de plus, Votre Excellence des sentiments de la plus distinguée considération avec lesquels je suis, de Votre Excellence, le très obéissant serviteur.

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J'ai dû mettre sous les yeux de mon Gouvernement la note qu'au nom du sien Votre Excellence m'a adressée le 4 janvier dernier par suite de la demande que, le 18 décembre 1894, cette Légation a faite au Gouvernement Dominicain de nommer les Commissaires appelés avec ceux d'Haïti, et aux termes de l'article 4 du traité de 1874, à conclure le traité spécial du tracé des lignes frontières qui séparent les possessions actuelles des deux Républiques.

Et la réponse de mon Gouvernement est celle qui suit:

Il constate d'abord avec plaisir que la note de Votre Excellence débute par l'assurance que le Gouvernement Dominicain, pour sa part, fait également sien (hace suyo tambien) l'appel cordial que contient la demande haïtienne.

Ce témoignage réciproque de bonnes dispositions, je me plais à le redire, est un heureux présage du prochain accord auquel nous travaillons, sans doute, l'un et l'autre, sérieusement et loyalement.

Cependant, tout en vous déclarant disposé à nommer vos Commissaires, vous demandez qu'il soit préalablement adopté les trois points plus bas transcrits.

Le motif que vous en donnez, c'est pour que la cordialité et les hautes vues de justice et de bon accord" qui animent les deux peuples limitrophes" ne prêtent à aucune interprétation équivoque".

Ici, Monsieur le Ministre, et avant d'entrer dans l'examen de vos trois propositions, je vous prie de considérer que la nature même et la notoriété de l'objet qui nous occupe, la justice, comme vous dites, de ces hautes vues jointes à la nécessité indistinctement reconnue d'une prompte solution réclamée par les intérêts impérieux de l'une et de l'autre République, tout cela ne peut laisser place à aucune appréciation équivoque capable d'arrêter l'un ou l'autre Gouvernement dans l'accomplissement obligatoire. de leur tâche utile, consciencieuse et équitable.

Car enfin, de quoi s'agit-il? N'est-ce pas simplement de mettre à exécution une convention conclue il y a vingt ans, c'est-à-dire longtemps avant l'avènement du Président Heureaux aussi bien que du Président Hyppolite, et depuis cette époque invariablement affirmée à Santo Domingo? N'est-ce pas, en effet, du traité de 1874 dont la reconnaissance et l'exécution précisément ont été constamment réclamées et exigées par tous les Gouvernements et Pouvoirs publics dominicains, l'un après l'autre, quels qu'ils fussent? Joint à cela que le patriotisme connu du Chef actuel de la République serait au besoin une réponse victorieuse à toute appréciation équivoque.

D'où il suit déjà que la voie la plus correcte en même temps que la plus simple et la plus naturelle dans laquelle peuvent et doivent marcher nos négociations, c'est celle qui commence par la nomination des Commissaires.

Nous allons encore le voir mieux par l'examen séparé des trois points que pour plus de méthode nous reproduisons et analysons successivement et comme suit:

A adopter, écrit Votre Excellence :

1o La proposition et l'acceptation préalable d'un accord préliminaire au moyen duquel se compromettront les deux Hautes Parties contractantes à établir, dans le plus bref délai possible et conformément au droit qui appartient à chaque peuple, la ligne frontière qui sépare le territoire des deux Etats; devant servir comme point de départ pour le tracé de la ligne frontière provisoire, les possessions que les deux Etats occupaient respectivement dans l'année 1856, sous la condition que cet arrangement préliminaire et provisoire ne préjudicie en aucune façon aux droits que peut avoir chacun des deux Etats sur quelque portion que ce soit du territoire de la frontière.

De cet accord préalable devra résulter également la déclaration de ce que les Gouvernements des deux Peuples devront avoir déterminé, dans le délai d'un an au plus tard, quels ont été les points qu'ils occupaient respectivement en 1856, et la ligne qui devra les joindre entre eux les uns aux autres; devant cet arrangement provisoire recevoir la sanction des Pouvoirs constitutionnellement compétents dans chaque Pays et être ainsi publié en entier aussitôt qu'il aura dûment reçu l'approbation respective."

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Or, Monsieur le Ministre, la proposition par laquelle commence ce paragraphe est tout simplement de convenir ce qui est déjà longtemps convenu entre les Parties, et convenu solennellement et formellement (art. 4, traité de 1874). Ce nouvel accord serait donc pour le moins inutile comme chose déjà consentie et sanctionnée en due forme.

Et il pourrait même faire croire à une sorte de caducité de la convention antérieure, puisque les deux Parties contractantes auraient jugé nécessaire de la renouveler.

ce dont nous prenons acte

Mais, outre cela, vous ajoutez ensuite et à quoi il nous faut répondre que le Gouvernement Dominicain demande et propose que les possessions que les deux Etats occupaient respectivement dans l'année 1856 servent de base pour le tracé de la ligne frontière, idée d'ailleurs qu'a déjà émise plus d'une fois le Gouvernement Dominicain, s'appuyant, pour le faire, sur l'avis conforme du Congrès consulté.

Vous voudriez de plus donner un caractère préliminaire et provisoire au nouvel arrangement pour, dans le délai d'un an au plus tard, être déterminé quels ont été les points occupés respectivement en 1856 et la ligne qui devra les unir, etc.

Bien que, en fait, Monsieur le Ministre, la limite des territoires dont les deux Etats avaient la ferme possession en 1856 ou 1858 soit restée la même en définitive que celle qui existait au moment où était signé le traité de 1874, le Gouvernement Haïtien, dans tous les cas, pour l'honneur des principes et le respect dû à des stipulations librement, justement et valablement consenties, ne peut que maintenir sa manière de voir sur l'époque du statu quo convenu, c'est-à-dire l'uti possidetis de 1874, qui est la juste formule, qui est la seule interprétation raisonnablement possible de l'engagement contracté.

En somme, revenir ainsi sur une chose déjà faite et en même temps changer les termes et conditions dans lesquels cette chose a été conclue, c'est, plus qu'implicitement modifier et abroger, au lieu de l'exécuter, le pacte existant entre nous et dont vous avez toujours été les plus attentifs à proclamer le caractère sacré.

Second point.

„20, dites-vous: Dans un accord complémentaire du précédent qui sera également soumis à l'approbation respective des Pouvoirs précités, il sera spécifié très clairement quels sont ou devront être les points par où devra passer la ligne définitive de la frontière et aussi le mode, la forme et conditions requises d'après ou dans lesquels elle devra être tracée; en convenant aussi préalablement que s'il venait à surgir à cet égard un désaccord entre les deux Etats, le règlement final en sera déféré à un tribunal d'arbitres nommés suivant les usages, les lois et les exigences constitutionnelles de chacun des deux pays." "

la

Là encore, Monsieur le Ministre, le paragraphe commence par proposition d'une chose déjà prévue et convenue; car la matière en est précisément ce qui est déjà visé par le même article 4 comme devant constituer le mandat des commissaires.

Il n'y a donc aujourd'hui qu'à les nommer.

Il est vrai que vous ajoutez dans votre note une proposition d'arbitrage pour le cas de désaccord provenant des opérations de ces commissaires-là.

Je vous dirai là-dessus que le Gouvernement Haïtien a toujours pensé qu'un arbitrage international n'avait pas la chance d'aboutir à des résultats complets et satisfaisants, que Dominicains et Haïtiens étaient seuls aptes à faire une délimitation de leurs frontières, en se basant, comme le témoigne le traité, sur les faits de l'histoire, sur les possessions actuelles des deux Républiques, sur les vœux des populations. Et, selon toute apparence, ce n'aurait pas été par simple inadvertance que le traité a gardé le silence sur un arbitrage éventuel; les Parties contractantes agissaient, on peut le croire, dans la pensée que les commissaires ne manqueraient pas, dans leurs opérations, de s'inspirer de l'intérêt bien entendu. des deux pays et de se pénétrer donc de l'esprit de conciliation qu'il faut; de façon qu'il ne leur semblait pas probable qu'il se produisît un désaccord capable de rendre nécessaire un appel à des tiers étrangers comme arbitres. Et, que dans tous les cas, la chose advenant, il serait toujours assez temps de pourvoir aux moyens de se mettre d'accord entre soi, les deux Parties, à n'en pas douter, restant toujours animées des meilleures intentions.

Quant au troisième numéro qui propose la revision et réforme du traité de 1874", je ne puis mieux faire, en vertu du principe d'égalité et de réciprocité, que de vous rappeler les propres termes du décret du Congrès national dominicain (avril 1881) qui a déclaré que le traité ne pourra être revisé avant qu'on lui rende l'hommage qui lui est dû et qu'on se reconnaisse obligé au fidèle accomplissement des devoirs qu'il prescrit".

A ces paroles, le Gouvernement Haïtien n'eut rien à objecter, pensant qu'en effet, ce n'est pas au moment d'exécuter et sans avoir encore aucunement rempli l'engagement contracté, qu'on peut parler de revision et de réforme. Ce n'est donc qu'après le règlement définitif des frontières que, s'il y a lieu, il pourrait être question de revision.

Au résumé, Monsieur le Ministre, votre note du 4 janvier remettant tout en question, dans ce qui fait l'objet de ces trois points, suppose et implique ou l'absence ou la caducité de toute convention antérieure sur la matière.

Or, le traité de 1874 est-il oui ou non encore en vigueur?
Si oui, il n'y a qu'à l'exécuter.

Et l'article 4 de ce traité prescrit-il, oui ou non, la nomination des commissaires au plus tôt, pour la délimitation des frontières?

Si encore oui, il n'y a qu'à les nommer.

Le Gouvernement d'Haïti demeure persuadé que le Gouvernement Dominicain, qui a déclaré s'associer à l'appel cordial contenu dans la demande haïtienne, n'hésitera pas à prendre en considération les amicales observations que je viens d'avoir l'honneur de lui transmettre, et que

vous n'insisterez pas, Monsieur le Ministre, sur des propositions dont vous voudrez bien reconnaître l'incompatibilité avec les liens conventionnels existant.

Et, pour tous ces motifs, j'ai l'honneur de renouveler ici à Votre Excellence la demande que j'ai faite, au nom de mon Gouvernement, de la nomination des commissaires dominicains appelés avec ceux d'Haïti, et aux termes de l'article 4 du traité de 1874, à conclure le traité spécial du tracé des lignes frontières qui séparent les possessions actuelles des deux Républiques.

Je saisis cette occasion pour vous prier d'agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance réitérée de ma considération la plus distinguée.

P.-S.

Le Ministre d'Haïti,
Signé: Dr. Jn-Joseph.

Veuillez noter, Monsieur le Ministre, que la date d'aujourd'hui s'explique par la convenance que nous avons trouvée d'attendre quelques jours, en raison des complications de la question franco-dominicaine, heureusement aujourd'hui en bonne voie d'accord.

Son Excellence Monsieur Enrique Henriquez, Ministre des Relations extérieures, Santo Domingo.

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J'ai soumis à l'appréciation de mon Gouvernement la série d'objections que, dans l'estimée note officielle en date du 4 mars courant, fait Votre Excellence, en réponse aux moyens proposés dans la mienne du 4 janvier dernier pour le règlement et fixation de la ligne frontière définitive qui devra séparer les respectives limites territoriales appartenant à la République Dominicaine et à celle d'Haïti.

Et c'est de cette appréciation que naissent les contre-objections que, en résumé, j'ai l'honneur de soumettre à Votre Excellence.

Le traité de 1874 est-il ou non en vigueur?

Votre Excellence pose là une question que le Gouvernement d'Haïti résout affirmativement dans l'intérêt peut-être d'en faire le fondement légal de la nomination immédiate des Commissaires qui doivent s'occuper du

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