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Les conditions de validité du mariage touchent au fond ou à la forme, d'où deux séries de dispositions.

Conditions de fond.

Le principe général est posé en ces termes par l'article premier : Le droit de contracter mariage est réglé par la loi nationale de chacun des futurs époux...

Ce n'est que l'application d'un principe plus général encore concernant ce que l'on appelle le statut personnel. Depuis très longtemps, on admet que l'état et la capacité d'une personne doivent être régis par une loi unique et par une loi stable; un individu, par exemple, doit être considéré comme majeur ou mineur d'une manière absolue, quel que soit le pays où il se trouve momentanément. Mais, cette loi unique, quelle est-elle? Jusqu'à une époque récente, deux systèmes différents se partageaient les auteurs et les pays: les uns tenaient pour la loi nationale, c'est-à-dire la loi du pays dont l'individu est le ressortissant (national ou sujet), les autres pour la loi du domicile, c'est-à-dire la loi du pays où l'individu a son principal établissement, encore que ce ne soit pas sa patrie. La loi nationale a gagné de plus en plus de terrain dans ces dernières années; elle a remplacé la loi du domicile dans un pays où cette dernière a été longtemps prépondérante, je veux parler de l'Allemagne. La règle a finalement triomphé à La Haye où elle n'a donné lieu à des réserves que de la part des délégués scandinaves.

Ainsi, dans les États contractants, le mariage des étrangers sera régi, lors de sa formation et pour les conditions intrinsèques de validité, soit par la loi étrangère commune, en tant que loi nationale, aux deux époux, soit, si les époux sont de nationalité différente, par les deux lois étrangères en présence, chacun des époux étant soumis à sa propre loi nationale. Pour les Français qui veulent se marier à l'étranger, ce n'est que la reconnaissance des dispositions expresses de notre législation (art. 3, al. 3, art. 170 du Code civil). Pour les étrangers qui veulent se marier en France, il n'y a pas de

texte dans notre Code, mais la jurisprudence et la doctrine admettent la même règle.

Cette règle paraît fort raisonnable. Si l'état et la capacité d'une personne ne doivent pas dépendre du hasard, mais d'une loi unique, cela est surtout vrai pour le mariage, parce que c'est pour le contracter que les individus seront le plus. tentés de se soustraire aux prescriptions de leur loi d'origine qu'ils peuvent trouver gênantes et il ne faut pas se prêter aux facilités de fraude procurées par un déplacement peutêtre momentané. Si un individu, incapable de se marier d'après sa loi d'origine, peut dans un pays étranger arriver à se marier, non seulement il commet une violation grave de sa loi, mais souvent il trompe l'autre partie qui peut croire que l'union ainsi célébrée sera reconnue partout, spécialement dans le pays auquel appartient son conjoint. Cela se présentera particulièrement dans le cas d'un étranger épousant une femme du pays où il se trouve. Cette règle reçoit des applications fort étendues; les plus importantes se réfèrent à la capacité proprement dite, par exemple aux conditions relatives à l'âge, au consentement de la famille. Un individu qui a besoin de l'autorisation de ses parents jusqu'à 25 ans d'après sa loi nationale, ne peut se passer de cette autorisation en allant se marier dans un pays dont la loi laisse les enfants libres de se marier comme ils l'entendent à partir de 21 ans.

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Certaines lois laissent plus de latitude à leurs nationaux, telle la loi fédérale suisse du 24 décembre 1874 sur l'état civil dont l'article 25 est ainsi conçu : « Sera reconnu comme valable dans toute la Confédération le mariage conclu dans les cantons ou à l'étranger, conformément à la législation qui y est en vigueur ». Si des Suisses se marient en France, qu'ils soient capables de se marier d'après la loi française, mais non d'après leur loi nationale, pourrait-on, par application de la règle générale, déclarer le mariage nul? Ce serait peu raisonnable. La préoccupation de la loi suisse ou des lois

analogues est que le mariage de leurs ressortissants à l'étranger ait le plus de chances possibles d'être valable. Il n'y a aucune raison de n'en pas tenir compte et c'est ce que fait l'article 1er dans sa disposition finale.

Ce qui est important à constater pour nous, c'est que les pays dont la législation s'attache au domicile pour déterminer le statut personnel s'obligent, en signant la Convention, à abandonner cette règle pour les nationaux des pays qui s'attachent, au contraire, à la loi nationale. Les Français, dans les divers États contractants, seront donc uniquement régis par la loi française pour le droit de contracter mariage. L'empire de notre loi se trouve ainsi assuré dans une matière importante.

Si on s'en était tenu au principe de l'article 1er, les conséquences suivantes se seraient produites:

1o Les étrangers, capables de se marier d'après leur loi nationale, ne doivent pas pouvoir se marier dans un pays, quand même ils seraient incapables d'après la loi de ce pays.

2o Les étrangers, incapables de se marier d'après leur loi nationale, doivent pouvoir se marier dans un pays, quand même ils seraient capables de le faire d'après la loi de ce pays.

Ces deux conséquences logiques n'ont pu être acceptées dans toute leur rigueur, parce qu'elles se seraient heurtées à des principes regardés comme essentiels dans le pays de la célébration. La difficulté a consisté à préciser les cas dans lesquels de tels principes s'opposent à ce que les conséquences indiquées se produisent. Ce n'est pas aisément qu'on est arrivé à une entente et les textes adoptés gardent la trace des difficultés de la transaction. Ils sont assez compliqués ; malgré cette complication, je voudrais analyser ces dispositions pour montrer dans le détail la nature délicate du problème à résoudre.

Voyons d'abord les restrictions que comporte la première conséquence du principe; elles sont mentionnées dans l'article 2.

'Tout le monde admet bien que le pays où il s'agit de célébrer un mariage ne peut être contraint de laisser procéder à cette célébration, par cela seul que le mariage est possible d'après la loi nationale des futurs époux; un tel mariage serait, dans certains cas, de nature à constituer un véritable scandale dans le pays. L'accord n'est pas aussi unanime quand il s'agit d'arrêter une disposition en ce sens. Les formules générales laissant trop de place à l'incertitude ont été rejetées et les cas exceptionnels où la règle pourrait être écartée ont été énumérés. Après bien des tâtonnements, on a fixé de la manière suivante les empêchements qui, établis pour les nationaux dans la loi locale, seraient opposables aux étrangers eux-mêmes. La loi du lieu de la célébration peut interdire le mariage des étrangers qui serait contraire à ses dispositions concernant : 1° les degrés de parenté ou d'alliance, pour lesquels il y a une prohibition absolue; 2° la prohibition absolue de se marier, édictée contre les coupables de l'adultère, à raison duquel le mariage de l'un d'eux a été dissous; 3° la prohibition absolue de se marier, édictée contre des personnes condamnées pour avoir de concert attenté à la vie du conjoint de l'une d'elles. >

Il faut remarquer que, dans les trois cas, on suppose une prohibition absolue. Si, en effet, la prohibition pouvait être levée par des dispenses, elle ne s'imposerait pas aux étrangers dont la loi nationale ne la connaîtrait pas; elle n'a plus le même caractère et est d'un ordre plus contingent. Ainsi un oncle et une nièce appartiennent à un pays d'après la législation duquel leur mariage est licite; ils pourront se marier en France, puisque la disposition du Code civil qui interdit cette union peut être écartée par une dispense du Chef de l'État (art. 163 et 164). Si, dans le pays d'origine, le mariage de l'oncle et de la nièce devait être spécialement autorisé

comme c'est le cas en Belgique, il faudrait et il suffirait que l'oncle et la nièce belges produisissent à l'autorité française les dispenses accordées par l'autorité belge. Ces solutions sont, à mon avis, très raisonnables; elles s'écartent un peu de ce qu'en l'absence de texte on admet actuellement en France. L'un des cas prévus permet de constater la divergence des points de vue même dans des questions qui touchent à la morale. D'après l'article 298 de notre Code civil dans le cas de divorce admis en justice pour cause d'adultère, l'époux coupable ne pourra jamais se marier avec son complice. » Certains voient là une mesure de haute moralité destinée à empêcher qu'on ne cherche dans l'adultère un moyen de rompre un mariage pour en contracter un autre ; d'autres reprochent à la disposition de perpétuer le scandale en empêchant l'époux coupable de régulariser à l'avenir sa situation; quelques-uns vont jusqu'à dire que mieux vaudrait obliger les complices à se marier, ce pourrait être parfois le châtiment le mieux adapté à la faute. Il n'est donc pas étonnant qu'une pareille prohibition ne se retrouve pas dans toutes les législations et que récemment notre Chambre des Députés ait voté à la muette l'abrogation de l'article 298.

Qu'arrivera-t-il si les empêchements qui viennent d'être signalés n'ont pas été respectés par des époux dont la législation ne les connaît pas ? Quelle est la sanction du manquement à la loi locale ? En l'absence d'un texte exprès, il serait tout naturel d'appliquer les sanctions ordinaires de la loi du pays de la célébration; cette loi a été méconnue, elle peut annuler ce qui a été fait au mépris de ses prescriptions. Au contraire, dans le pays d'origine, le mariage n'ayant rien de contraire à sa loi doit être tenu pour valable. Quant aux pays tiers, ils n'ont aucune raison décisive pour annuler le mariage qui serait sans conteste valable pour eux, s'il avait été célébré dans le pays d'origine des époux; la situation n'est pas à leur égard sensiblement différente parce que le mariage a été célébré dans un autre pays. Tout d'abord, on avait proposé

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