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CHAPITRE PREMIER.

Des Expertises en général.

§ I.

I. De la mission des experts.

SOMMAIRE.

1. La mission des experts ne constitue pas une profession.

2. L'expert doit être capable.

3. Le choix des experts est libre.

4. L'expert doit être impartial.

5. Il est de toute prudence de n'accepter des expertises à l'amiable que sous la foi du serment.

1. La profession d'expert est-elle une réelle profession ? Nous disons non; l'homme n'est pas universel, quelle que soit la somme de ses connaissances. Tel est expert hors ligne dans certaine branche de l'activité humaine, qui ne voit souvent que du feu dans une autre des plus simple. Il faut que l'expert soit avant tout un homme du métier. Ce serait donc une utopie de créer, comme le demande un confrère dans certaine revue, une école d'experts, dont le nombre ne serait pas limité, et pour cause; il faudrait y enseigner et faire apprendre à fond des centaines de professions.

L'expert doit avoir la pratique des affaires; être observateur et adroit pour faire exposer par les parties en cause leurs droits

et leurs revendications qui jettent bien souvent amplement de lumière sur les difficultés à trancher.

3. C'est pour ces diverses considérations que le législateur a donné au juge le pouvoir de conférer la mission d'expert à toute personne qu'il reconnait apte à remplir ce mandat ;il ne relève à cet égard que de sa conscience.

Aucune disposition, dit un arrêt de la cour de cassation, du 29 avril 1869, n'astreint le juge à prendre parmi telle ou telle spécialité d'experts; il est entièrement libre dans son choix.

« L'arrêté royal du 31 juillet 1825 n'est applicable qu'à l'exercice de la profession de géomètre, indépendamment de toute mission du tribunal. Cet arrêté ne peut modifier en rien les règles concernant les expertises judiciaires dont il s'agit dans les art. 302 et suivants du code de procédure civile ni celles qui concernent les expertises en matière criminelle. » (Avis donné par le Procureur général Gilmont, le 6 décembre 1883, au Ministre de la Justice et au Ministre des Finances, lesquels s'y sont ralliés.)

4. Trop souvent des experts, désignés par une des parties. et après avoir prêté serment, perdent de vue que leur premier devoir est d'être impartiaux ; que la mission leur confiée l'a été de par la loi et qu'ils se doivent tout entier à la recherche de la justice, du bon droit.

Cela n'empêche nullement qu'ils fassent valoir, dans les délibérations, les revendications de ceux qui les ont commis et apportent à cet effet tous les éclaircissements qu'ils auraient pu recueillir.

Il ne suffit donc pas que l'expert soit instruit et intelligent, il doit avant tout être loyal et faire preuve dans sa mission de toute la délicatesse que ses collègues peuvent exiger de lui. Il gagnera ainsi leur confiance et dans la défense des intérêts de son commettant sa parole sera plus persuasive et mieux écoutée.

Il doit d'ailleurs se rappeler, en toute circonstance, le serment qu'il a prêté de procéder aux opérations dont il s'agit avec impartialité....

De cette façon les discussions entre experts seront ce qu'elles doivent être courtoises, dignes, succinctes et franches.

Nous avons constaté pendant notre longue carrière, que malheureusement, certains experts, après être parvenus à se former une opinion sur les questions à élucider, tiennent mordicus à leur manière de voir, sans souffrir les contradictions, sans vouloir se laisser persuader en sens contraire par les meilleurs arguments. Dès ce moment les délibérations deviennent aigres, longues, infructueuses. Ces experts oublient que c'est un honneur de reconnaître son tort et que la lumière qu'ils ont la mission de rechercher doit jaillir, non pas directement de leur cerveau, mais surtout du choc de leurs idées.

5. Ce qui précède se rapporte aux expertises judiciaires. Que dire des expertises amiables, dépendant donc d'une convention entre parties?

C'est ici que l'expert doit être sur ses gardes et n'accepter de remplir sa mission que sous la foi du serment. Sinon la partie commettante ne lui laissera aucun repos, trouvera tous ses chiffres ou trop bas ou trop hauts, voudra lui imposer sa manière de voir et finira par lui devenir hostile en le traitant d'incapable et d'homme partial.

Nous en avons eu au début de notre carrière une seule expérience, qui nous a suffi pour ne pas oublier le proverbe : chat échaudé craint l'eau froide.

§ II.

De la nomination des experts.

SOMMAIRE.

6. Personne ne peut être contraint à accepter la mission d'expert.

7. En matière d'expropriation chaque partie a le droit de désigner son expert.

8. Si le rapport est incomplet ou aunulé, le juge peut nommer les mêmes experts pour procéder à une expertise nouvelle ou supplémentaire.

9. Quid quand un expert ne se présente pas.

6. La fonction d'expert est essentiellement et indéfiniment. libre et n'est pas regardée comme une charge publique; on ne peut, en vertu de l'axiome nemo cogi potest ad factum, contraindre personne à accepter la mission d'expertiser un bien.

Ce n'est que lorsqu'il a prêté serment, que l'expert peut être obligé de remplir ses fonctions, sous peine de paiement. des frais frustatoires et même de dommages-intérêts.

(Carré-Chauveau, no 1189, tome 3. p. 111).

Même après sa prestation de serment, un expert peut être dispensé de remplir sa mission, s'il prouve qu'il a une cause valable de dispense qui le met dans l'impossibilité de concourir à l'expertise sans éprouver un préjudice notable.

(Carré-Chauveau, n° 1191, tome 3. p. 112).

7. En matière d'expropriation pour cause d'utilité publique le juge ne doit pas spécialement accorder en termes exprès aux parties la faculté de désigner les experts à l'amiable; ce droit leur est concédé par la loi. - Gand, 26 décembre 1862.

8. Le juge, ayant le droit de choisir les experts, peut désigner, pour procéder à une expertise judiciaire, des experts qui ont déjà pris part à une première expertise volontaire. concernant d'autres biens appartenant à la même succession. Cassation, 13 avril 1877.

Il apprécie également si après l'annulation d'un rapport d'experts, ou lorsque ce rapport est incomplet, les premiers experts, sont dans le cas d'être exclus. Cassation, 6 mai 1833.

Si les mêmes experts sont nommés, ils peuvent procéder sous la foi du serment déjà prêté par eux. Liége, 11 février 1836.

9. Si quelque expert n'accepte pas la nomination, ou qu'il ne se présente pas aux jour et heure indiqués, les parties s'accordent sur le champ pour en nommer un autre à sa place; sinon la nomination pourra être faite d'office par le tribunal.

§ III.

Du nombre d'experts.

SOMMAIRE.

10. Les tribu: aux le commerce peuvent désigner un ou trois experts. 11. Eo justice de paix et en matière civile, il faut trois experts.

12. E matière d'expropriation la cour d'appel peut ne désigner qu'un expert pour un supplément d'expertise.

13. Les partier peuvent convenir de ne nommer que deux experts au lieu de trois.

14. La nomination de trois experts ne s'impose que lorsqu'il s'agit d'une expertise proprement dite.

10. Les tribunaux de commerce, lorsqu'il y a lieu à visite ou à estimation d'ouvrages, peuvent nommer un ou trois experts. Ils ne sont pas obligés de prendre le consentement des parties pour ordonner que l'expertise sera faite par un expert unique. Tribunal de Bruxelles, 18 mars 1895.

Le jugement qui désigne des experts, sans réserver aux parties la faculté de convenir du choix des experts, ne doit pas être annulé lorsqu'il est constant qu'elles n'auraient pas usé de cette faculté, parce qu'il est certain qu'aucun accord ne pouvait intervenir entre elles pour le choix des experts.

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