Page images
PDF
EPUB

gardait la desserte des paroisses qui leur étaient commises; pour tout le reste, ces hommes pieux ne reconnaissaient point de maîtres, ni séculier, ni régulier. Leurs supérieurs de France en étaient tellement convaincus, qu'en 1753, et sans attendre que le refus d'obéissance le mît dans le cas de recourir à l'autorité civile, le Provincial des dominicains demanda au roi que les administrateurs politiques de Saint-Domingue fussent chargés d'intimer aux missionnaires de l'île les ordres nécessaires pour l'exécution des arrangements que ce supérieur entendait faire dans le spirituel et dans. le temporel de la mission; mais la réunion même de ces deux pouvoirs était insuffisante à l'époque du dernier siècle, où les convulsionnaires mirent toute la France en rumeur.

Un missionnaire de la Martinique avait porté lefanatisme sur les affaires du temps, jusqu'à élever des convulsionnaires dans l'île; les représentations des administrateurs, les menaces qu'ils firent aux frères du fanatique, de prendre contre lui les mesures les plus sévères si on ne les chassait pas, n'aboutirent qu'à le faire envoyer sur une paroisse de Saint-Domingue.

En 1767, le syndic d'une mission dans la même île ne se contenta pas de se refuser aux recherches qu'on voulut faire des nègres marrons réfugiés sur ses domaines, il osa opposer la force et la violenceà l'officier qui commandait le détachement.

2

Les inconvénients de cette insubordination des prêtres prenaient un caractère plus grave, quand il s'agissait de l'état civil des personnes, dont le gouvernement avait cru devoir les faire dépositaires. Cependant les abus qui résultèrent de cet état de choses durèrent jusqu'au moment de la révolution française.

L'exercice du gouvernement civil, dans la colonie, avait été réglé par les lettres-patentes du mois d'août 1685, que nous avons pu retrouver et que nous transcrivons ici :

[ocr errors]

ÉDIT DU ROI,

En forme de lettres - patentes, pour l'établissement d'un conseil souverain et de quatre siéges royaux, dans la côte de l'île de Saint-Domingue, en l'Amérique.

[ocr errors]

Du mois d'août 1685.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut: Savoir faisons, que les peuples qui habitent l'île de Saint-Domingue, dans l'Amérique, ont témoigné pour notre service toute fidélité et obéissance, dont ils ont donné des marques en toutes les occasions à nos sujets qui ont servi à y établir une colonie très considérable; ce qui nous a porté à donner nos soins, et une application particulière afin de pourvoir à tous leurs besoins; nous leur avons envoyé plusieurs missionnaires pour les élever à la

connaissance du vrai Dieu, et les instruire dans la religion catholique, apostolique et romaine; nous avons tiré de nos troupes des officiers principaux pour les commander, les secourir et les défendre contre leurs ennemis; et ce qui nous reste à régler est l'administration de la justice, et l'établissement des tribunaux et des siéges en des lieux certains, en la même manière, et dans les mêmes termes, et sous les mêmes lois qui s'observent par nos autres sujets, afin qu'ils puissent y avoir recours dans leurs affaires civiles et criminelles, en première instance et en dernier ressort. A ces causes, de l'avis de notre conseil, et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale; nous avons créé et établi, créons et établissons par ces présentes, signées de notre main, dans la côte de l'île de Saint-Domingue en l'Amérique, un conseil souverain et quatre siéges royaux qui y ressortiront. Savoir: ledit conseil dans le bourg de Goave, à l'instar de ceux des îles de l'Amérique qui sont sous notre obéissance, lequel sera composé d'un gouverneur, notre lieutenant-général dans lesdites îles, de l'intendant de la justice, police et finances dudit pays; du gouverneur particulier de ladite côte, de deux lieutenants pour nous, deux majors, douze conseillers, nos amés; à savoir, les sieurs Moreau, Beauregard, de Maresuaud, de Dammartin, Boisseau, Coutard, Leblond, de la Gaupiere, Beauregard du Cap, des Chauderays, de Mérixfraude et

1

Bellichon; d'un nôtre procureur - général et un greffier. Donnons pouvoir audit conseil souverain de juger en dernier ressort tous les procès et différends, tant civils que criminels, mus et à mouvoir entre nos sujets dudit pays, sur les appellations des sentences de nosdits siéges royaux, et ce, sans aucuns frais; lui enjoignons de s'assembler pour cet effet, à certains jours et heures, et aux lieux qui seront avisés par eux les plus commodes, au moins une fois le mois. Voulons que le gouverneur, notre lieutenant - général auxdites îles, préside audit conseil; et, en son absence, le sieur l'intendant de la justice, police et finances; que le même ordre soit gardé en ladite ile; que le gouverneur particulier de ladite côte, lesdits lieutenant pour nous, les deux majors, et douze conseillers prennent leurs séances, et président en cas d'absence les uns des autres, dans le même rang que nous leur avons donné, et que l'écriture marque dans ces présentes et leur tienne lieu de réglement leur honneur. Voulons néanmoins l'inpour tendant de la justice, police et finances audit pays, lors même que le gouverneur, notre lieutenantgénéral auxdites îles, sera présent audit conseil, présidera, et qu'il demande les avis, recueille les voix et prononce les arrêts, et qu'il ait au surplus les mêmes avantages, et fasse les mêmes fonctions que le premier président de nos cours; et, en cas d'absence de l'intendant, que le plus ancien de nos

que

conseillers prononce; avec les mêmes droits, encore qu'il soit précédé par nos gouverneur, lieutenants et majors. Seront les quatre siéges royaux à l'instar de ceux de notre royaume : de chacun un sénéchal, un lieutenant, un nôtre procureur et un greffier seront établis, savoir: un audit lieu du petit Goave, où la juridiction se tiendra; sur le grand et petit Goave, le Rochelois, Nipes, la grande Anse et l'île des Vaches; et l'autre à Léogane, qui comprendra depuis les établissements de l'Arcahaye; un autre au Port-de-Paix, contiendra, depuis le Port français jusqu'au Môle St.-Nicolas, et toute l'île de la Tortue ; un autre au Cap, dont le ressort sera sur toute la côte du Nord jusquà la frontière de l'Est. Si donnons en mandement au gouverneur, notre lieutenant de l'île; en son absence, au gouverneur de la Tortue et côte de Saint-Domingue, qu'après lui être apparu de bonne vie et mœurs, conversation, religion catholique, apostolique et romaine, de ceux qui devront composer lesdits conseils souverains; qu'il aura pris le serment en tel cas requis et accoutumé, ils les mette et institue dans les fonctions de leurs charges, les faisant reconnaître, obéir de tous, ainsi qu'il appartiendra. Mandons particulièrement aux officiers dudit conseil souverain de faire de même, ensemble les officiers desdits siéges royaux. Car tel est notre plaisir; en témoin de quoi, nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes. Donné à Versailles, au mois

« PreviousContinue »