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d'août, l'an de grâce mil six cent quatre-vingtcinq, et de notre règne le quarante - troisième ; signé Louis, et plus bas, par le roi, COLBERT, visa LE TELLIER; et scellé du grand sceau de cire verte, 'en lacs de soie verte et rouge. »

Comme on le voit, les fonctions du gouverneur et celles de l'intendant de la justice, souvent réunies dans leur exercice, avaient aussi des attributions distinctes. L'un et l'autre étaient nommés par le roi sur la présentation du ministre de la marine, et la durée de leur gouvernement était de trois ans. Ils s'occupaient conjointement de porter les lois, de nommer aux offices vacants dans l'administration civile et dans l'administration judiciaire, et de concéder les terres de la couronne. Les colons n'avaient aucun recours contre l'abus du pouvoir commis à ces chefs. Heureusement le peu d'accord qui régnait entre les gouvernants leur donnait souvent quelques moments de repos. Le gouverneur réunissait d'ailleurs plus d'autorité que l'intendant de la justice; il avait le droit de faire mettre en prison qui bon lui semblait,sans rendre compte à qui que ce fût des motifs de sa détermination. Les forces de terre et de mer n'obéissaient qu'à lui seul; les ordres émanés des autres autorités de la colonie n'avaient de force qu'après qu'il les avait approuvés, et il avait le pouvoir de suspendre le cours de la justice.

L'intendant était préposé à l'administration des

finances et des revenus de la colonie; les opérations des collecteurs et des receveurs des droits et des taxes étaient soumises à son contrôle, et il avait seul le maniement et la disposition des deniers publics.

Les impôts et les taxes étaient réglés par un conseil composé du gouverneur général, de l'intendant, des présidents des conseils provinciaux, de l'ordonnateur de la marine et de quelques-uns des commandants de la force armée. On donnait à ce conseil le nom d'assemblée coloniale, quoique aucun colon ne fût admis à y délibérer.

Pour faciliter l'administration de la justice, la répartition des impôts et la collection des revenus, la colonie française était divisée en trois départements, celui du nord, celui de l'ouest et celui du sud. Chacun de ces départements avait un député gouverneur, et des cours de justice, qui ressortissaient de deux cours supérieures; l'une au Cap, pour la province du nord, l'autre au Port-au-Prince pour les provinces de l'ouest et du sud. Ces cours étaient composées du gouverneur, de l'intendant, des députés gouverneurs, des lieutenants de roi, de douze conseillers, de quatre auditeurs, d'un procureur-général et d'un greffier. Les juges de ces cours suprêmes n'étaient pas plus indépendants du gouverneur, que les autres membres de l'administration coloniale. Sous le gouvernement du prince de Rohan, six conseillers qui avaient osé déplaire

à

се chef de la colonie, furent arrachés de leur siége et envoyés en France à la Bastille, où ils n'obtinrent la faveur d'être mis en jugement.

même

pas Le nombre des troupes envoyées dans la colonie était communément de deux à trois mille hommes; mais chacune des cinquante-deux paroisses formées par les trois provinces, avait une milice composée d'une ou de plusieurs compagnies de blancs, d'une compagnie de mulâtres et d'une compagnie de nègres libres. Le gouverneur donnait les commissions provisoires des officiers des troupes réglées et des milices; mais ces commissions étaient soumises à l'approbation du roi. Les milices ne recevaient aucune solde.

La population des établissements français de Saint-Domingue était, comme dans la partie espagnole, divisée en plusieurs classes, les Européens, les créoles, les hommes de couleur, dénomination sous laquelle on comprenait les mulâtres nés de l'union des blancs et des noirs, et les noirs en état de liberté, enfin les noirs et les mulâtres esclaves.

Avec de ridicules préjugés sur la supériorité de leur espèce, et l'orgueil ridicule qui en est la conséquence, les créoles blancs avaient des qualités aimables, et on leur reconnaissait une grande pénétration d'esprit. On distinguait deux sortes d'Européens établis dans l'île : les employés du gouvernement et les membres de l'armée étaient comme

isolés du reste de la population qu'ils opprimaient. Les autres habitants venus d'Europe se mêlaient plus volontiers avec le reste des colons; mais les créoles, oublieux sans doute de l'histoire de leurs pères, témoignaient peu de considération à ces nouveaux hôtes, poussés le plus souvent parmi eux par les suites d'une vie déréglée. Toute cette population blanche était du reste autant distinguée par ses occupations que par son origine. Les planteurs ou habitants résidaient dans les campagnes, ou y étaient représentés par des procureurs, tandis qu'ils jouissaient en France des revenus de leurs possessions d'outre-mer. Les négociants habitaient les villes aussi bien que les petits blancs, c'est-à-dire tous ceux qui exerçaient dans la colonie les arts mécaniques et le commerce de détail. Quelques hommes de couleur étaient propriétaires de riches possessions; mais leurs richesses, et les vertus domestiques à l'aide desquelles ils les avaient acquises, ne pouvaient attirer à leur personne une considération basée uniquement sur la couleur du visage. Leur prospérité n'excitait que la jalousie et la haine, surtout chez les petits blancs. Bien que la loi les affranchît de la domination des individus, les hommes libres de couleur étaient considérés, dans toutes les possessions françaises, comme une propriété publique, et, comme tels, ils étaient exposés aux caprices de tous les blancs. Ils n'étaient pas régis par la même législation que les Européens.

Quand ils avaient atteint l'âge d'homme, on les obligeait à un service de trois ans dans la maréchaussée, milice instituée contre les nègres marrons, mais que la prudence des gouvernants réforma, quand ils se furent aperçus qu'un fréquent contact entre les esclaves en état de rébellion et les noirs libres qu'on opprimait, pouvait devenir dangereux pour l'existence de la colonie. Les hommes de couleur étaient en outre, pendant une grande partie de l'année, sujets à la corvée, pour la réparation des chemins; et dans les compagnies de milices dont ils faisaient partie après l'expiration de leur service régulier, les officiers ne leur épargnaient aucune des vexations qu'ils pouvaient exercer contre eux, soit au profit des blancs, soit seulement dans le désir de nuire et de tourmenter.

Un arrêté les avait depuis long-temps exclus de toutes les charges publiques, même de toutes les professions dont l'exercice suppose une éducation libérale: ils ne pouvaient être ni avocats, ni médecins, ni prêtres, ni pharmaciens, ni instituteurs; et ce préjugé qui proscrivait la couleur de la peau, poursuivait la race noire jusqu'à ce que l'union du sang blanc l'eût purifiée, pendant six générations consécutives.

En 1789, la population de Saint-Domingue, était composée de 30,826 blancs, de 27,548 hommes de couleur libres, et de 465,429 esclaves, selon l'estimation de Ducœur-Joly, que nous supposons bien in

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