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poser des réglements concernant les rapports commerciaux et autres rapports communs; et les décrets rendus à cette occasion par l'assemblée nationale, n'auront force de lois dans la colonie, à moins qu'ils n'aient été consentis par l'assemblée coloniale

7. Dans le cas d'extrême nécessité, l'importation d'objets pour la subsistance des habitants ne sera pas regardée comme une brèche au système des réglements commerciaux entre Saint- Domingue et la France, pourvu que les arrêtés pris, en pareil cas, par l'assemblée générale, aient été soumis à la révision du gouverneur-général, aux conditions et modifications prescrites dans les articles 3 et 5.

« 8. Pourvu aussi que tout acte de l'assemblée générale, exécuté provisoirement en cas d'urgence, soit transmis à la sanction du roi; et si le roi refuse sa sanction à un pareil acte, l'exécution en sera suspendue aussitôt que le refus du roi aura été légalement notifié à l'assemblée générale.

«9. L'assemblée générale sera renouvelée tous les deux ans, et aucun des membres qui auront siégé dans l'assemblée précédente ne sera éligible à la

nouvelle.

10. L'assemblée générale arrête que les articles précédents, comme formant une partie de la constitution de la colonie française de Saint-Domingue, seront immédiatement transmis en France, pour y recevoir la sanction du Roi et de l'Assemblée

nationale. Ils seront aussi transmis à tous les districts et à toutes les paroisses de la colonie, et notifiées au gouverneur-général. »

Ce décret, qui devait servir comme de base à la constitution de Saint-Domingue, effraya plusieurs des membres de l'assemblée, qui donnèrent leur démission sans avoir voulu le signer. Débarrassée du petit nombre d'hommes modérés qu'elle comptait dans son sein, elle ne mit plus de frein à ses fougueuses prétentions; elle organisa de son chef des comités de la guerre, de la marine et de diplomatie, et elle osa même appeler à sa barre les chefs du gouvernement colonial.

De son côté, le comte de Peynier profitant du mécontentement qu'avaient inspiré parmi quelques-uns la déclaration du 28 mai; de la jalousie des autorités constituées, et du zèle des divers employés de l'administration coloniale qui avaient été enrégimentés; plaignant et accueillant avec bonté et avec intérêt les hommes de couleur, répandait partout la division.

Il était d'ailleurs aidé dans toutes ces menées par le chevalier Mauduit, nouvellement placé à la tête du régiment du Port-au-Prince, et qui doit jouer un grand rôle dans les récits qui vont suivre.

Cependant l'assemblée générale se portait ellemême un coup aussi funeste que ceux qu'on méditait contre elle, en rendant son décret contre l'usure des négociants et des hommes de loi, qui remplis

saient en grande partie l'assemblée provinciale du Nord. Ce décret juste au fond, mais que la haine plus que la justice avait fait rendre, humilia les membres de cette assemblée, qui se vengèrent en se déclarant en opposition ouverte avec l'asseniblée générale : ils méconnurent les principes qui servaient de base à la déclaration du 28 mai, et refusèrent presque de recevoir au Cap les six commissaires conciliateurs que l'assemblée générale y envoya, afin de ramener les esprits, quand elle eut commencé à sentir le danger de sa position.

L'on vit alors s'élever de fait deux gouvernements distincts; l'un se composait de l'assemblée générale; l'autre du gouverneur, du conseil supérieur du Port-au-Prince et de l'assemblée provinciale du nord.

Rentrés dans le sein de l'assemblée générale, ses commissaires demandèrent satisfaction de l'affront qu'ils avaient reçu : l'indignation fut au comble, et l'assemblée qui se croyait puissante, déclara traîtres à la patrie les membres de l'assemblée provinciale du nord, leurs adhérents et tous ceux qui ne reconnaîtraient pas son autorité; elle ouvrit les ports de la colonie à toutes les nations; licencia les deux régiments coloniaux, et en ordonna la réorganisation sous une autre forme: elle promettait aux sóldats une augmentation de paie; mais cet appât ne fut pas suffisant; un seul détachement du régiment du Port-au-Prince fut séduit par ces brillantes pro

messes; on l'organisa en gardes nationales et le marquis de Cadusch en fut fait colonel.

Cependant le vaisseau de ligne le Léopard, se trouvait en vue du Port-au-Prince; le marquis de la Galissonnière, qui commandait ce navire, était l'ami et le partisan du comte de Peynier. C'en fut assez pour que son équipage déjà animé de l'esprit révolutionnaire, se révoltât contre lui, en faveur de l'assemblée. Celle-ci, en retour, vota des remerciements à l'équipage du Léopard, lui recommandant l'ordre, en même temps, de tenir le navire en rade et d'attendre ses ordres. Les matelots promirent obéissance, et firent placer au grand mât du vaisseau l'acte de remerciement.

Les choses étaient allées plus loin encore, puisque les partisans de l'assemblée s'étaient rendus maîtres du magasin à poudre de Léogane, quand, le 30 juillet, Peynier prononça, dans une proclamation, la dissolution de l'assemblée générale, accusant ses membres de tendre au renversement de l'état, et d'avoir traîtreusement corrompu l'équipage d'un des vaisseaux du Roi, et les troupes de terre de Sa Majesté.

Déjà, dans la nuit qui précéda la publication de ce manifeste, le chevalier de Manduit avait été envoyé avec cent soldats pour disperser le comité provincial de l'Ouest, réuni au Port-au-Prince, et zélé partisan des menées de l'assemblée générale. Au moment où il allait entourer, à minuit, le lieu de leurs

séances, il le trouva défendu par un parti nombreux de gardes nationales; il les fit sommer de se retirer en proclamant la loi martiale. Un feu vigoureux fut la seule réponse de l'ennemi : quinze des soldats de Mauduit tombèrent à ses côtés dans cette première décharge; mais la garde coloniale prit bientôt la fuite, laissant son chef et deux des siens sur le champ de bataille et quarante prisonniers à peu près. Un seul membre du comité se trouvait dans ce nombre. On leur rendit à tous la liberté, acte de modération qui s'accorde peu avec la conduite de Mauduit, qui fit porter chez lui en triomphe les drapeaux de la garde nationale du Port-au-Prince, enlevés dans la salle du comité provincial, où on les déposait d'ordinaire.

Cependant la province du Nord, après avoir répondu par une proclamation violente au décret du 28 mai, préparait des moyens de vengeance plus puissants. Elle faisait marcher un corps d'armée assez nombreux, sous les ordres du baron de Vincent. Peynier de son côté, dirigeait le chevalier Mauduit sur le même point, avec les instructions les plus précises.

A mesure que l'instant décisif approchait, l'animosité des partis s'exhalait dans les accusations les plus amères. Le gouverneur et les siens accusaient hautement l'assemblée générale d'avoir vendu la colonie aux Anglais, pour une somme de quarante millions. On n'a jamais bien su si cette accusation était

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