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» Voulons que vos charges passent, pour toujours, à vos enfants, de l'un à l'autre, avec tous «<les honneurs et prérogatives, droits et émolu«ments qui y sont attachés, et qui ont appartenu « à nos amiraux de Castille et de Léon.

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« Vous donnons pouvoir de mettre tels officiers, juges et capitaines que vous jugerez à propos, pour tel temps que vous voudrez, et de les cas« ser quand il vous plaira ; à condition néanmoins que les provisions que vous leur donnerez, se«ront en votre nom, et scellées de votre cachet.

« Voulons de plus, qu'en la qualité que nous « vous donnons, d'amiral de l'Océan, vous puis<< siez commander à tous ceux de nos vaisseaux que « vous trouverez dans l'étendue de nos mers; que « vous leur ordonniez de vous obéir, et de vous << donner tout ce que vous leur demanderez, sous «<les peines que vous leur imposerez, et que nous tenons, dès à présent, pour bien imposées.

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Enjoignons à tous ceux qui sont et seront « dans les Indes, d'y demeurer ou d'en sortir

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quand vous leur ordonnerez, nonobstant appel

lation, et sans qu'il soit besoin, pour vous faire « obéir, d'autres lettres que des présentes.

« Commandons à notre chancelier, et à tous les «< gens tenant notre sceau, de vous expédier, au plus tôt, nos lettres contenant la confirmation de

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« nos priviléges, en telle forme que vous voudrez, «‹ à peine de notre disgrace, et de trente ducats

«d'amende contre chacun des contrevenants; car << telle est notre volonté. Donné à Barcelone, le 28 « de mai 1493, signé moi, le Roi; moi, la Reine. Moi, Fernand Alvarez de Tolède, secrétaire « d'état, ai fait expédier les présentes, par le commandement de leurs Altesses. >>

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Cependant Colomb était impatient de revoir Hayti, et de poursuivre ses conquêtes; il se rendit à Cadix, où l'attendait une flotte de dix-sept navires. Outre les équipages ordinaires, cette flotte portait plus de quinze cents volontaires, la plupart gens de qualité, résolus de suivre la fortune de l'heureux navigateur. Colomb avait aussi chargé ses vaisseaux de chevaux d'Andalousie, d'armes de toutes espèces, de ferrements, d'outils pour le travail des mines, de graines, de légumes, et d'une quantité immense de vivres. Il quitta de nouveau l'Espagne, le 25 septembre 1493, toucha aux Canaries le 5 octobre, et le 27 du même mois, après avoir découvert dans sa route plusieurs des petites Antilles, jeta l'ancre à l'entrée du Port-Réal. Le lendemain Colomb aborda dans l'île ; mais au lieu du fort qu'il avait laissé, il ne trouva plus que des ruines, une terre fraîchement remuée, et couvrant des corps vêtus, qu'on reconnut pour ceux des Espagnols, dont aucun n'avait survécu pour raconter la triste fin de ses compagnons. Bientôt pourtant, le frère du roi de Marien se présenta devant l'amiral, et lui raconta que les Espagnols

ayant pénétré dans les états de Caonabo, où étaient situées les mines de Cibao, le cacique les avait poursuivis, s'était emparé de leur forteresse et les avait tous massacrés; en vain Guacanahari avait voulu venger ses alliés d'Europe, lui-même avait été grièvement blessé, en combattant Caonabo, et il se faisait excuser de ne pouvoir paraître devant l'Espagnol.

Ce malheureux événement détermina Colomb à chercher un endroit plus favorable pour y former un établissement sûr, et il alla camper à peu de distance de la Nativité, à l'est du Mont-Christ, vers l'embouchure d'une rivière qui lui parut arroser des terres fertiles. Là fut élevée la première ville bâtie par les Européens dans les nouvelles Indes. Colomb, en l'honneur de sa reine, lui donna le nom d'Isabelle.

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Bientôt les mines de Cibao devinrent aussi la possession des Espagnols, qui y trouvèrent plus d'or, qu'ils n'en avaient même osé espérer. Une forteresse ne tarda d'être élevée en cet endroit, pour défendre ce que Colomb regardait comme la plus précieuse partie de sa conquête; et, par un trait qui caractérise l'époque, il appela cette forteresse du nom de Saint-Thomas, dit un historien, pour railler l'incrédulité de ceux qui n'avaient pas voulu ajouter foi à l'existence de ces trésors enfin dé

couverts.

Cependant les vivres apportés d'Europe étaient

consommés, ou corrompus par l'insalubrité du climat, et la famine allait se joindre à d'autres dangers qui pressaient déjà la colonie espagnole, menacée d'une insurrection générale des indigènes. Heureusement quatre vaisseaux chargés de vivres arrivèrent d'Europe, qui écartèrent le premier ennemi qu'il fallait redouter, la faim : les autres ne paraissaient guère moins terribles, car toute la population de l'île, outrée des excès, des exactions et des cruautés des Espagnols, indignée surtout du traitement qu'ils avaient fait subir au roi Caonabo, envoyé dans les prisons d'Espagne, après qu'on l'eut arrêté par trahison, préparait la guerre de

un

tous côtés. Colomb eut encore le triste bonheur de faire échouer leurs efforts et d'anéantir leur armée. Il paraissait n'avoir plus rien à craindre, quand un coup vint le frapper, parti d'où il l'attendait le moins. Au nom de la cour de Barcelone, commissaire arriva dans l'île, avec la avec la charge d'informer sur sa conduite, d'après les plaintes portées contre lui en Europe, au nom de toute la colonie. Forcé de repasser en Espagne, il débarqua à Cadix, le onzième jour de juillet 1496, après une longue et pénible navigation.

Sa présence fit taire la calomnie; honorablement accueilli par ses souverains, il eut part aux délibérations de la cour, qui résolut de peupler la nouvelle colonie de militaires, de mariniers, de laboureurs et d'artisans payés et nourris aux frais

du gouvernement. On y envoya encore des religieux de Saint-François, autant pour la conduite spirituelle des Espagnols, que pour l'instruction des insulaires. Le Nouveau-Monde fut, en même-temps, ouvert à tous les sujets de la couronne d'Espagne qui voudraient en faire le voyage à leurs frais; on n'excepta nominativement que les procureurs et les avocats, « de crainte, disait l'édit, que la chi» cane ne s'introduise avec eux dans ce pays éloi»gné, où elle n'est point connue, et où elle pour» rait retarder beaucoup les établissements qu'on >> veut faire

Malheureusement les avocats et les procureurs n'étaient pas les seuls hommes qu'il fallût écarter de cet état naissant: malgré tous les avantages offerts aux colons, on ne trouva qu'un petit nombre d'artisans ou de cultivateurs laborieux disposés à aller tenter les chances d'un établissement hasardeux; mais tout ce que l'Espagne avait de vagabonds et de gens sans aveu, se jeta sur cette terre d'asile.

Pendant le séjour de Colomb en Espagne, Dom Barthélemi, son frère, demeuré dans la colonie comme son lieutenant-général, avait transporté le siége du nouvel empire espagnol, de la ville d'Isabelle, dont le sol n'avait pas répondu à l'attente des Européens, à San-Domingo qu'il venait de bàtir, et une tradition nationale raconte ainsi l'origine de cet établissement.

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