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cusés seulement de conserver un secret attachement pour l'ancien régime, avaient été inscrits. Polverel et Sonthonax, demeurèrent à Saint-Domingue, l'un dans le Nord, l'autre dans l'Ouest; Ailhaud ne fût pas plus tôt arrivé dans le Sud, qu'il repartit pour la France, croyant ses pouvoirs et ceux de ses collègues insuffisants pour la mission qui leur avait été confiée.

Ceux-ci embrassèrent ouvertement le parti des hommes de couleur : ils placèrent six d'entre eux dans une commission appelée intermédiaire, et composée de douze membres, qui remplaçait provisoirement l'assemblée coloniale: on leur offrit en outre, tous les emplois vacants dans les corps administratifs et militaires. Ces mesure amenèrent dans la ville du Cap, un soulèvement qui fut comprimé presque à l'instant; les chefs de l'émeute furent déportés avec une centaine de soldats du régiment du Cap. Après ce mouvement, les hommes de diverses couleurs semblèrent alors se réunir pour frapper l'ennemi commun, les noirs révoltés; tandis que dans l'Ouest, la guerre reprise avec succès par l'attaque du camp des Platons, était forcé par le général Harty, dans le premier mois de l'année 1793.

Les commissaires avaient confié le commandement des divisions du Nord au général de Laveaux, en remplacement du général Rochambeau, qui venait de partir de Saint-Domingue pour aller prendre le gouvernement de la Martinique.

Le camp de la Tannerie qui ferme l'entrée des mornes du Dondon et de la Grande-Rivière, était devenu la place d'armes de Bcasson; ce camp, retranché avec plus d'art qu'on n'en peut supposer à des gens nourris dans l'esclavage, fut pourtant forcé par les troupes du général de Laveaux. Les noirs abandonnèrent cette position sans s'y défendre, mais aussi sans que l'ennemi pût les poursuivre ou les entamer.

Les troupes blanches victorieuses environnèrent le quartier de la Grande-Rivière où commandait Jean-François, et l'assaillirent: il fut forcé comme celui de Biassou ; mais on n'atteignit guère qu'une vingtaine de fugitifs noirs et un mulâtre libre, nommé Coco-Laroche, qui fut passé par les armes ainsi que les autres prisonniers.

Après cet acte de rigueur, la terreur se répandit parmi les rebelles; on publia alors une amnistie dont les effets furent promptement ressentis; plusieurs milliers de révoltés et plus de 14,000 vinrent demander leur grâce.

L'insurrection parut un moment anéantie: les chefs, que l'on n'avait pu atteindre, s'étaient réfugiés dans les mornes de Sainte-Suzanne et de Vallière, où on les croyait en proie à des dissensions intestines; et deux prêtres, le curé du Dondon et celui de la Grande-Rivière avaient été amenés captifs dans la ville du Cap. Tous deux étaient coupables d'avoir servi le camp des noirs, avec le titre

d'aumôniers des chefs de la révolte ; et l'un d'eux, l'abbé de la Haye, avait depuis long-temps élevé une voix courageuse en faveur des esclaves et contre leurs tyrans. Le peuple blanc demandait à grands cris leur supplice, qu'on lui promit; néanmoins, ils obtinrent leur grâce, et Santhonax essaya sans succès, d'user de leur influence sur les noirs, pour parvenir à la pacification de la colonie; car la guerre les Anglais venaient de déclarer à la France, ayant rendu les troupes de l'île nécessaires à la défense des côtes, les insurgés, ou plutôt ceux qui les faisaient agir, pensaient mettre à profit cette cir

que

constance.

Borel, toujours possédé de sa manie aventureuse, s'était établi au Port-au-Prince avec des pouvoirs militaires usurpés ; et, de son chef, il avait convoqué des assemblées primaires pour la réorganisation de l'assemblée coloniale.

Cette occupation violente fut de courte durée : le général Lassalle, que Borel avait chassé pour se mettre à sa place, revint débarquer devant le Port-au-Prince avec une troupe dévouée d'hommes de couleur, et pendant qu'il investissait la ville du côté du Nord, le général Beauvais à la tête de 500 mulâtres, arrivait du côté du Sud. La résistance ne fut pas longue: le 14 avril 1793, les commissaires civils entrèrent dans le Port-au-Prince, mais sans avoir pris Borel, dont on les soupçonna d'avoir ménagé la retraite, dans la crainte peut-être d'être

forcés de faire un exemple sur un homme qui tenait à tout ce qu'il y avait de considérable dans la colonie.

Cependant vers le Nord, les noirs s'étaient ralliés, et ils ravageaient de nouveau la plaine du Cap; l'on envoya contre eux quelques troupes, qui furent battues, et qui laissèrent même leur artillerie de campagne au pouvoir de ces ennemis.

C'en eût été assez de cette insurrection pour inquiéter les commissaires; mais dans le même temps, la révolte de la Grande-Anse continuait de prendre un caractère sérieux. On envoya pour l'apaiser, Pinchinat et le général Rigaud; mais aucune négociation n'amena le résultat qu'on en attendait. L'orgueil des blancs et la jactance des hommes de couleur, chez qui cette affection si naturelle redoublait par le sentiment de la mission dont ils étaient chargés, firent tout échouer, au lieu d'amener un concordat; ces pourparlers finirent par une action, dans laquelle les blancs eurent l'avantage, malgré le nombre qui était pour leurs ennemis.

On était alors au mois de mai 1793: les commissaires venaient d'apprendre la défaite de Rigaud, lorsque Galbaud, nommé commandant-général de la colonie, arriva à Saint-Domingue. Le pouvoir des Commissaires civils était si peu respecté, qu'il crut pouvoir le méconnaître lui-même; de nouvelles divisions et de nouveaux désastres naquirent

de ce conflit de tant d'autorités, dont aucune n'était assez établie pour planer au-dessus des

autres.

Tandis que le commandant-général frappait sur l'île des réquisitions, dont il n'avait pas le pouvoir d'exiger la levée, et qu'il s'aliénait ainsi tous les esprits, les Commissaires profitaient de ses fautes pour faire oublier les leurs. Enfin, quand ils se crurent assez forts de la haine qu'on lui portait, ils commencèrent par le frapper dans son frère, qu'ils privèrent de sa place d'adjudant-général, sous prétexte d'incivisme: bientôt ils le déclarèrent luimême déchu de son commandement, comme ayant laissé ignorer au conseil exécutif de la république qu'il possédait de grands biens dans la colonie, et surtout comme ayant méconnu leur autorité.

On l'envoya à bord d'un des bâtiments qui se trouvaient en rade. Cependant son frère, homme de cœur et de tête, était resté dans la ville et soulevait les esprits contre les Commissaires, tandis qu'à bord des vaisseaux, chargés la plupart de prisonniers que le gouvernement y avait envoyés toutes les têtes s'exaltaient en faveur du commandant-général.

Le 20 juin, à quatre heures de relevée, tous les captifs de la rade débarquèrent au Cap, après avoir brisé leurs fers; ils étaient 1,200 quand ils prirent terre leur troupe ne tarda pas à se grossir, et se dirigea d'abord vers la maison du gouvernement,

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