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ses successeurs, cède et abandonne, en toute propriété, à la république française, toute la partie espagnole de l'île de Saint-Domingue aux Antilles.

« Un mois après que la ratification du présent traité sera connue dans cette île, les troupes espagnoles devront se tenir prêtes à évacuer les places, ports, et établissements qu'elles y occupent, pour les remettre aux troupes de la république française, au moment où celles-ci se présenteront pour prendre possession.

« Les places, ports, et établissements, dont il est fait mention ci-dessus, seront remis à la République française, avec les canons, munitions de guerre, et effets nécessaires à leur défense, qui y existeront au moment où le présent traité sera connu à SaintDomingue.

<< Les habitants de la partie espagnole de SaintDomingue, qui, par des motifs d'intérêt ou autres, préfèreraient de se transporter avec leurs biens dans les possessions de sa Majesté Catholique, pourront le faire dans l'espace d'une année, à compter de la date de ce traité.

« Les généraux et commandants respectifs des. deux nations se concerteront sur les mesures à prendre pour l'exécution du présent article.

« X. Il sera accordé respectivement aux individus des deux nations, la main-levée des effets, revenus, biens, de quelque genre qu'ils soient, déte

nus, saisis ou confisqués à cause de la guerre qui a eu lieu entre la république française et sa Majesté Catholique, de même qu'une prompte justice à l'égard des créances particulières quelconques, que ces individus pourraient avoir dans les États des deux puissances contractantes. »

A la nouvelle de cet arrangement, l'Angleterre crut qu'il fallait tenter un dernier effort contre Saint-Domingue. Elle expédia de ses ports une escadre dirigée contre cette île, sous la conduite du brigadier-général Howe; mais plus de six mois s'écoulèrent entre le départ de la flotte du port de Corck, et son arrivée au cap Saint-Nicolas. Ces troupes débarquèrent au mois de décembre de la même année, au nombre de 3,000 hommes, et allèrent bloquer par terre la ville de Léogane, qui était demeurée au pouvoir des Français, tandis que la flotte de l'amiral Parker la bloquait du côté de la mer; mais cette double attaque fut sans succès, et l'ennemi ne tarda pas à se retirer.

Cependant Rigaud accusait secrètement le général de Laveaux de favoriser spécialement les nouveaux libres : les hommes de couleur du Nord voyaient, comme ceux du Sud, avec jalousie la confiance et les faveurs accordées au chef noir; et le commandant Villate, homme de couleur, venait de faire arrêter le général de Laveaux et l'ordonnateur en chef Perroud dans la ville même du Cap, et les avait jetés tous deux dans un cachot. Heu

reusement Toussaint, à la tête de dix mille noirs, était venu les délivrer; et le commandant Villate et ses partisans avaient été forcés de se réfugier au camp de la Martillère, où ils se tenaient sur la défensive; tandis que Laveaux, reconnaissant du service que Louverture venait de lui rendre, le nommait son lieutenant au gouvernement de Saint-Domingue, et qu'il annonçait, dans sa proclamation,

Qu'il était ce Spartacus, prédit par Raynal, et « dont la destinée était de venger les outrages faits << à toute sa race; qu'il le proclamait vengeur des « autorités constituées, et déclarait que rien ne « serait entrepris désormais que de concert avec « lui et par ses conseils >>. Cette association de Toussaint-Louverture au gouvernement améliora sensiblement l'esprit des noirs; dès ce moment, l'autorité des blancs ne leur fut plus suspecte, et le plus grand nombre d'entre eux en vint à une parfaite soumission.

Ce fut alors qu'on vit débarquer Santhonax, accompagné de quatre nouveaux collègues; car cet agent, qui avait facilement triomphé en France des accusations portées contre lui, était de nouveau en faveur auprès du Gouvernement; Polverel était mort en France; Roume rentrait avec lui dans la colonie les trois autres commissaires étaient Giraud, dont le rôle fut peu important; Leblanc, qui ne tarda pas à mourir, avant d'avoir pu s'accorder avec son collègue; et Raymond, homme de

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couleur, qui était, depuis 1784, agent de sa caste à Paris. Ces commissaires trouvèreut la colonie dans un état presque prospère, ou qui donnait de grandes espérances de prospérité. Au lieu de proAú fiter des dispositions dans lesquelles il trouvait les esprits, et de la bienveillance particulière avec laquelle il fut reçu, pour réunir tous les partis, Santhonax préféra soulever de nouveau les passions. Il commença par se débarrasser de deux de ses collégues, Giraud et Leblanc. Les deux autres ne lui portaient point ombrage; l'ancien commissaire civil, Roume, était chargé d'aller résider auprès de l'audience de Santo Domingo, jusqu'à l'en-, tière cession de la partie espagnole acquise à la France par le traité de Bâle; et Raymond lui semblait un homme faible et facile à gouverner.

Il avait conçu le projet de dominer les hommes de couleur par les lois son premier acte fut de publier une proclamation qui mettait le commandant Villate hors la loi ; il nommait en même-temps Toussaint-Louverture général de division, pour la conduite distinguée qu'il avait tenue pendant les derniers troubles.

Ces mesures irritèrent au dernier point les hommes de couleur et surtout le général Rigaud, qui, toujours prévenu contre les noirs, ne voyait qu'avec la plus grande jalousie Toussaint-Louverture élevé à un grade supérieur. Le Sud lui obéissait presque entièrement il s'opposa, ainsi que les

siens, à l'arrestation du président Pinchinat, or-. donnée dans le même temps par Santhonax. Les délégués de la commission crurent alors qu'un appel franchement adressé à ce chef mulâtre l'attacherait par l'honneur à leurs intérêts. Tandis qu'il se tenait envers eux comme sur la défensive, ils demandèrent son assistance dans une attaque contre la Grande-Anse; ils croyaient trouver d'ailleurs dans cette expédition une diversion utile au mécontentement excité par l'ordre porté contre Pinchinat. Mais Rigaud, sans vouloir prendre part à une action dont le succès eût relevé la fortune de ceux qu'il regardait comme les ennemis de sa caste, se retira snr Tiburon; et, peu de temps après, sollicité de nouveau d'arrêter une révolte des noirs, qui s'étaient soulevés aux Cayes, il prit le brusque parti de se jeter dans le fort de l'Islet, occupé par les insurgés, dont l'audace s'en accrut. Il allait peut-être rompre avec la France, pour sortir de la position dangereuse où il s'était placé, lorsque le commissaire Santhonax et le général de Laveaux furent nommés par la colonie députés au CorpsLégislatif. Il pensa que par leur départ, le commissaire mulâtre Raymond demeurerait seul à Saint-Domingue. Alors, conçevant l'espérance de lui faire embrasser ses intérêts, et que la retraite de tous les agents du Gouvernement le laisserait seul dans le Sud, il soumit entièrement à son obéissance cette partie de l'île; mais, sans affecter le suprême

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