Page images
PDF
EPUB

Un jeune Espagnol, nommé Diaz, fugitif à la suite d'un duel, avait trouvé à l'embouchure du fleuve Ozama, et sur sa rive occidentale une bourgade de naturels, commandée par une femme dont il avait su se faire aimer. L'Indienne prit tellement l'étranger en affection, qu'elle lui proposa de s'établir sur ses terres, après lui avoir fait remarquer la commodité du port formé naturellement par l'embouchure du fleuve, la beauté du pays, sa fertilité, et, ce qui surtout n'était pas indifférent pour un Espagnol, le voisinage des mines, qui n'étaient qu'à huit lieues de là.

Diaz, de retour au fort Isabelle, quand il n'eut plus à craindre les poursuites commencées contre lui, avait communiqué son aventure à Barthélemi, et, dix jours après ce rapport, le frère de Colomb traçait, sur la rive orientale du fleuve, le plan de la nouvelle ville et d'une bonne forteresse qu'il nomma San - Domingo, et qui fut bientôt peuplée de la plus grande partie des habitants d'Isabelle, empressés de s'établir autour du chef - lieu du gouvernement.

De nouvelles attaques des Indiens, fatigués encore une fois de souffrir sans se venger, armèrent Barthélemi contre eux. Aussi malheureux dans cette campagne que dans les précédentes, ces opprimés laissèrent leur roi au nombre des prisonniers.

Une autre rébellion donna des alarmes plus fortes; car cette fois ce ne furent seulement des sau

pas

vages nus et sans armes que les chefs de cette colonie eurent à combattre. L'amiral, en partant pour l'Espagne, avait revêtu de la charge de juge supérieur, François-Roldan Ximénès, qui avait été à son service, mais dont l'ambition et la violence expliquaient mal un tel choix. Persuadé que l'amiral ne reparaîtrait plus dans la colonie, Roldan rallia autour de lui tous les mécontents, souleva les Indiens, et tenta, mais en vain, de mettre les armes à la main du roi de Xaragua, à qui Barthélemi venait de rendre la liberté après l'avoir vaincu. Il réussit du moins à les faire prendre à Mayobanex, souverain d'un peuple aguerri, qui habitait vers le cap Cabron.

Barthélemi marcha contre les Indiens, les défit, et parvint à se rendre maître de leur chef; parmi les prisonniers, se trouvait une fille de Mayobanex, d'une rare beauté, et qui avait épousé un des premiers seigneurs du pays. Son époux, à peine instruit de sa captivité, rassembla ses sujets, se dirigea à leur tête, vers la Conception, dont les vainqueurs avaient tenu la route, et fit tant de diligence, qu'il y arriva presqu'en même temps que leur armée.

En abordant le frère de Colomb, l'Indien se jeta à ses pieds, les baigna de larmes, et le conjura de lui rendre son épouse, que Barthélemi lui fit mettre aussitôt, sans exiger de rançon. La reconnaissance porta ce seigneur à faire beaucoup plus

qu'on ne lui aurait pu demander. On fut très étonné de le voir revenir quelque temps après, avec quatre ou cinq cents hommes de ses sujets, tous porteurs de bâtons durcis au feu, dont ces peuples se servaient pour remuer la terre. Il demanda qu'on leur marquât un terrain pour le cultiver, et il fit faire, en très peu de jours, un défrichement que des gagistes espagnols, dit Herrera, n'eussent pas fait pour trente mille ducats.

La générosité de Barthélemi, à l'égard de la fille · de Mayobanex, avait beaucoup fait espérer aux Indiens pour le chef lui-même : prières, larmes, présents, tout fut employé par eux pour le sauver, et tout fut inutile. L'Espagnol crut devoir faire un exemple qui retînt les autres petits princes dans la soumission. Après avoir rendu la liberté à toute la famille du rebelle, il le fit conduire lui-même à la capitale, où son procès fut instruit dans les formes, et suivi de son exécution à mort.

Les choses étaient en cet état, lorsque Colomb, parti du port de San-Lucar, le 30 mai 1498, découvrit l'île de la Trinité le 2 août, et enfin le continent d'Amérique, qu'il prit pour une île; la disette des vivres, et le mauvais état de ses vaisseaux l'empêchèrent de poursuivre sa reconnaissance, et, le 22 août 1498, il débarqua à la capitale de l'île Espagnole, au milieu des acclamations de tous ceux de la colonie qui étaient demeurés fidèles à sa cause.

Informé de ce qui s'était passé pendant son ab

sence, il fit en vain tous ses efforts pour étouffer la rébellion, et gagner Ximenès, auquel il offrit même un sauf-conduit. Le traître ne profita de cette faveur que pour tromper l'amiral, et lui débaucher encore quelques soldats.

Roldan avait de nombreux amis à la cour d'Espagne, et les succès de Colomb lui avaient fait des ennemis implacables. On tourna contre lui les faits de la lutte qu'il soutenait contre cet insolent compétiteur. La cour, prévenue par les calomnies de toute espèce semées contre l'amiral, le rappela, et envoya dans la colonie Dom François de Bovadillo, commandeur de l'ordre de Calatrava, avec une commission d'intendant suprême de la justice : c'était, disait-on, dans le décret royal, pour déférer à la demande qu'avait faite l'amiral, d'un tribunal qui jugerait de son différend avec Roldan; et on ajoutait qu'en conséquence, on ne pourrait laisser dans la colonie, à l'arrivée du grand-juge, un homme qui, comme Colomb, était revêtu de deux charges aussi importantes que celles d'amiral et de vice-roi.

A son arrivée, Bovadillo, maître de la ville et de la citadelle de San-Domingo, se fit reconnaître en qualité de gouverneur-général, et envoya à Colomb une lettre du roi et de la reine, conçue en ces termes : « Dom Christophe Colomb, notre amiral « dans l'Océan, nous avons ordonné au comman« deur Dom François de Bovadillo, de vous dire,

qu'on ne lui aurait pu demander. On fut très étonné de le voir revenir quelque temps après, avec quatre ou cinq cents hommes de ses sujets, tous porteurs de bâtons durcis au feu, dont ces peuples se servaient pour remuer la terre. Il demanda qu'on leur marquât un terrain pour le cultiver, et il fit faire, en très peu de jours, un défrichement que des gagistes espagnols, dit Herrera, n'eussent pas fait pour trente mille ducats.

La générosité de Barthélemi, à l'égard de la fille · de Mayobanex, avait beaucoup fait espérer aux Indiens pour le chef lui-même : prières, larmes, présents, tout fut employé par eux pour le sauver, et tout fut inutile. L'Espagnol crut devoir faire un exemple qui retînt les autres petits princes dans la soumission. Après avoir rendu la liberté à toute la famille du rebelle, il le fit conduire lui-même à la capitale, où son procès fut instruit dans les formes, et suivi de son exécution à mort.

Les choses étaient en cet état, lorsque Colomb, parti du port de San-Lucar, le 30 mai 1498, découvrit l'île de la Trinité le 2 août, et enfin le continent d'Amérique, qu'il prit pour une île; la disette des vivres, et le mauvais état de ses vaisseaux l'empêchèrent de poursuivre sa reconnaissance, et, le 22 août 1498, il débarqua à la capitale de l'île Espagnole, au milieu des acclamations de tous ceux de la colonie qui étaient demeurés fidèles à sa cause. Informé de ce qui s'était passé pendant son ab

« PreviousContinue »