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ils étaient porteurs. Le général Michel fut arrêté sur la route de Santo-Domingo au Cap: le chef de brigade Vincent, au Morne-Rouge sur celle de Santo-Domingo au Port-au Prince; la défiance de Toussaint était au comble, car un bruit accrédité par le gouvernement consulaire, s'était répandu qu'une flotte sortie des ports de France, sous le commandement du général Sahuguet et du contreamiral Gantheaume, et destinée réellement à renforcer les troupes de l'expédition d'Égypte, allait se diriger dans l'Océan du nord et sur Saint-Domingue.

Les députés arrivèrent cependant au Cap; ils donnèrent officiellement connaissance à ToussaintLouverture, des changements politiques que la révolution du 18 brumaire venait d'apporter dans le gouvernement de la métropole ; ils lui apprirent en même temps que les consuls le confirmaient dans son emploi de général en chef de l'armée de SaintDomingue.

:

Cette confirmation le flatta peu; et il se plaignit de ce que le premier consul ne lui avait pas

écrit

lui-même; les pièces suivantes ne lui paraissaient pas assez pleines de bienveillance.

Paris, le 4 nivôse, l'an 8 de la République française,

une et indivisible.

« Les consuls de la république arrêtent ce qui suit :

« ART. Ier Les citoyens Vincent, l'ingénieur

Raymond, homme de couleur, ex-agents, et le géral Michel, partiront sans délai; ils se rendront à Saint-Domingue.

« 2. Ils seront porteurs de la proclamation cijointe.

<«<3. Le citoyen Michel sera mis à la disposition de l'agent du gouvernement Roume, pour être employé dans son grade, dans les troupes de SaintDomingue, sous les ordres du général ToussaintLouverture.

« 4. Le citoyen Raymond sera employé pour le rétablissement de la culture, sous les ordres de l'agent du gouvernement Roume.

5. Ces agents partiront de Paris au plus tard le 5 nivôse, et de Brest douze heures après leur arrivée dans cette ville.

«6. Les mots suivants: Braves noirs, souvenezvous que le peuple français seul, reconnaît votre liberté et l'égalité de vos droits, seront écrits en lettre d'or sur tous les drapeaux des bataillons de garde nationale de la colonie de Saint-Domingue.

Le ministre de la marine et des colonies est chargé de l'exécution du présent arrêté. »

Le premier consul, signé Bonaparte. Par le premier le consul, le secrétaire-d'état,

Signé Hugues B. MARET.

Pour copie conforme, le ministre secrétaire de la

marine et des colonies, signé FORFAIT.

Paris, le 4 nivôse, l'an 8 de la République française,

une et indivisible.

Les consuls de la république française aux citoyens de Saint-Domingue.

Citoyens, une constitution qui n'a pu se soutenir contre des violations multipliées, est remplacée par un nouveau pacte destiné à affermir la liberté.

« L'article 91 porte que les colonies françaises seront régies par des lois spéciales.

« Cette disposition dérive de la nature des choses et de la différence des climats.

« Les habitants des colonies françaises situées en Amérique, en Asie, en Afrique, ne peuvent être gouvernée par le même droit.

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« La différence de habitudes, des mœurs des intérêts, la diversité du sol, des cultures, des productions, exigent des modifications diverses.

« Un des premiers actes de la nouvelle législation, sera la rédaction des lois destinées à vous régir.

<< Loin qu'elles soient pour vous un sujet d'alarmes, vous y reconnaîtrez la sagesse et la profondeur des vues qui animent les législateurs de la France.

« Les consuls de la république, en vous annonçant le nouveau pacte social, vous déclarent que les principes sacrés de la liberté et de l'égalité des

noirs, n'éprouveront jamais parmi vous d'atteinte ni de modification.

«S'il est dans la colonie des hommes mal intententionnés, s'il en est qui conservent des relations avec les puissances ennemies, Braves noirs, souvenez-vous que le peuple français seul, reconnait votre liberté et l'égalité de vos droits. »

Le premier consul, signé BONAParte.

Par le premier consul, le secrétaire-d'état,

Signé Hugues B. MARET.

Pour copie conforme, le ministre-secrétaire de la marine et des colonies, signé FORFAIT.

Cette proclamation était loin de pouvoir rétablir la tranquillité parmi les noirs, puisqu'elle remettait à une nouvelle législation le soin de statuer de l'état et du gouvernement civil des colonies. Toussaint-Louverture reçut froidement le général Michel; celui-ci avait espéré un tout autre accueil, et il ne tarda pas à revenir en France; Toussaint ne fit point imprimer la proclamation consulaire; il ne se pressa point de faire broder sur les drapeaux des diverses légions, l'inscription du gouvernement. Il partit pour le Sud, pour faire connaître à l'armée la confirmation de son grade de général en chef, et finir de soumettre la résistance du général Rigaud.

Cette dernière entreprise, aussi dangereuse que difficile, fut consommée par le chef de brigade

Vincent.Suivi seulement d'un noir et d'un homme de couleur, cet homme intrépide se jeta dans un esquif, ayant pour toute garantie dans son expédition, un sauf-conduit de l'agent Roume.

Le général Rigaud n'eut pas plutôt pris connaissance des ordres de la république, qu'il se livra à tous les emportements d'une colère aveugle. Vincent allait périr victime de ce premier éclat; mais il avait eu soin de se munir d'une lettre du jeune Rigaud, auquel il avait prodigué de tendres soins et qui témoignait à son père toute sa reconnaissance pour l'émissaire français. Le chef mulâtre lut avidement cette lettre: sa colère tomba tout-à-coup, ou plutôt la rage de ne pouvoir punir le bienfaiteur de son fils se tourna contre lui-même ; il voulut se frapper: ceux qui l'entourait arrêtèrent son bras.

Les habitants des Cayes étaient fatigués d'un long siége; l'espoir de la paix, apporté par la venue du député Vincent, acheva de ruiner leurs dispositions martiales, et Rigaud ne tarda pas à s'appercevoir que son crédit était perdu.

Contraint de céder à la force des circonstances et ne pouvant supporter l'idée d'obéir à un noir, il prit le parti de s'embarquer; il se réfugia en France avec Pétion et quelques-uns des lieutenants qui l'avaient secondé. Les autres chefs des hommes de couleur mirent à la voile et se répandirent dans l'Archipel des Antilles; ainsi finit la guerre du Sud

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