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menaçant; il soulève les vagues, excite les tempêtes, et, de sa main puissante, disperse et détruit les flottes, Les lois de la nature obéissent à sa formidable voix; les maux, la peste, la famine, le feu, le poison sont toujours à ses ordres. Mais pourquoi compter sur le secours du climat et des éléments? Ai-je oublié que je commande un peuple dont le courage repousse les obstacles et s'accroît par les dangers! Laissez-les venir ces cohortes homicides! je les attends de pied ferme et d'un œil tranquille. Je leur abandonnerai librement le rivage et les lieux où les villes ont existé; mais malheur à ceux qui approcheront trop près des montagnes; il eût mieux valu pour eux d'être engloutis dans les abîmes de la mer que d'être déchirés par les mains furieuses des enfants d'Hayti.

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Toujours guerre à mort aux tyrans! c'est ma devise; liberté, indépendance, c'est notre cri de ralliement.

« Généraux, officiers, soldats, différent de celui qui m'a précédé, l'ex-général Toussaint-Louverture, j'ai été fidèle à la promesse que je vous ai faite lorsque j'ai pris les armes contre la tyrannie, et, tant que je vivrai, je tiendrai mon serment. Jamais un colon ni un Européen ne mettra le pied sur ce territoire avec le titre de maître ou de propriétaire. Cette résolution formera désormais la base fondamentale de notre constitution.

Si les autres chefs, après moi, en suivant une

conduite entièrement opposée, creusent leur tombeau et celui de leurs compatriotes, alors vous n'aurez qu'à accuser la loi du destin qui m'aurait empêché de rendre libres et heureux mes concitoyens. Puissent mes successeurs suivre le plan que j'ai tracé pour eux; c'est le système le mieux établi pour consolider leur pouvoir; c'est le plus grand hommage qu'ils puissent rendre à ma mémoire.

par

« Comme il est dérogatoire à ma dignité et à ma mémoire de punir l'innocent pour les crimes du coupable, une poignée de blancs, recommandables les sentiments qu'ils ont toujours professés, et qui ont en outre fait le serment de vivre avec nous dans les bois, ont éprouvé ma clémence. J'ordonne qu'on les laisse vivre et qu'ils ne soient point maltraités.

« Je recommande de nouveau, et j'ordonne à tous les généraux des départements, de garantir secours, encouragement et protection à toutes les nations neutres ou alliées qui désireraient établir des relations commerciales dans cette île. »>

Un Américain qui s'est souvent entretenu avec Dessalines sur le massacre du 20 avril, après son exécution, rapporte que ce dernier donna pour excuse la nécessité où il se trouvait de satisfaire ses troupes par la mort des assassins de leurs pères, de leurs enfants et de leurs amis. Pour encourager ses soldats au siége du Cap-Français, il leur avait promis le pillage de la ville et la destruction des

monstres qui l'habitaient; ils avaient été mécon

tents de ce que cette été assez promesse n'avait pas tôt remplie, et il paraît qu'il n'entra pas dans la pensée du général noir que cet engagement eût pu être détruit en aucune manière par ses promesses subséquentes aux habitants, lors de la capitulation. Un petit détachement de Français était resté en possession de la ville de Santo Domingo; et les Espagnols de la côte orientale de l'île, qui, à l'évacuation du Cap, avaient reconnu le nouveau gouvernement, avaient, depuis ce moment, sous l'influence de leurs prêtres, secoué la promesse d'obéissance aux noirs, et épousé la cause des Français. Le premier objet qui occupa l'attention de Dessalines après le massacre du mois d'avril, fut la soumission des Espagnols et l'expulsion des Français de la dernière de leurs places fortes. Il se détermina aussi à parcourir toute la côte, à examiner toutes les positions, et à renforcer partout où il pourrait être nécessaire, les postes qu'il avait établis.

Peu de jours après le commencement de cette campagne, il fit une proclamation adressée aux habitants de la partie espagnole de l'île; il les accusait de trahison, et les invitait à revenir à leurs traités violés. Il leur annonçait son approche à la tête de ses légions victorieuses, les engageait à la soumission par des assurances de protection et de faveur, et les menaçait de frapper leur infidélité et leur résistance des plus terribles châtiments.

« Encore quelques instants, et j'accablerai le reste des Français sous le poids de ma toute-puissance. Espagnols! vous à qui je m'adresse, parce que je désire vous sauver; vous qui, quoique coupables de désertion, pouvez préserver votre existence, et trouver ma clémence prête à vous épargner, il en est encore temps, abjurez une erreur qui peut vous être fatale, brisez tous les liens qui vous attachent à mes ennemis, si vous voulez que votre sang ne soit pas mêlé avec le leur. Je vous donne quinze jours, à partir de la date de cette signification, pour me faire part de vos dernières intentions, et pour vous rallier sous mes drapeaux. Vous savez ce que je puis faire et ce que j'ai fait; pensez à votre conservation. Recevez la promesse sacrée que je fais de ne jamais rien tenter contre votre sûreté et contre vos intérêts personnels, si vous saisissez l'occasion de vous montrer dignes d'être comptés parmi les enfants d'Hayti.

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Le 14 mai, Dessalines partit du Cap-Français par le chemin du môle du Port-de-Paix et des Gonaïves, s'occupant aux différents endroits à réparer les injures de la guerre, et à mettre l'ordre partout où l'intervention et l'autorité du chef étaient nécessaires. Après avoir traversé les provinces de l'Ouest et du Sud, il s'avança vers la partie occupée par les Espagnols, avec une confiance de succès que rien ne semblait justifier.

Ses cruautés récentes, malgré la proclamation.

dans laquelle il promettait de ne jamais attenter aux intérêts des Espagnols, ne leur avait inspiré que de l'horreur, et ils n'avaient pas, comme les Européens, à combattre l'influence du climat, auquel leur race était depuis long-temps accoutumée. L'esclavage était encore maintenu dans cette partie de l'île; mais le nombre des esclaves était de beaucoup inférieur à celui des colons libres, et la servitude y était si douce, que les noirs étaient, en général, attachés à leurs maîtres; et, d'ailleurs, les uns et les autres avaient hérité d'une haine nationale invétérée contre les habitants de l'autre partie de l'île.

Dessalines assiégea la ville de Santo-Domingo, dont il n'avait pas prévu la vigoureuse résistance. Pendant le siége, une escadre française vint renforcer la garnison de la place assaillie; et le général noir, qui avait peu d'espoir d'un prompt succès, leva le siége, et s'en retourna sans avoir atteint au cune des fins de son entreprise.

Son retour au Port-au-Prince fut bientôt suivi

de la révolution pacifique qui fit pour quelques mois un empire de l'État d'Hayti, et plaça sur le trône le premier magistrat de cette ci-devant république.

Le 8 octobre 1804, toutes les troupes de la garnison se rendirent au Champ-de-Mars, à deux heures précises de relevée, et se formèrent en bataillon carré.

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