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des noirs, pour laquelle le gouvernement qui venait de cesser avait stipulé le privilége jusqu'à l'année 1819. En même temps Bonaparte envoyait à Saint-Domingue des propositions pour la réunion à la métropole sans lois exceptionnelles. Il demeura trop peu de temps sur le trône pour recevoir une réponse; et quand il l'aurait reçue, les efforts qu'il avait à soutenir contre l'Europe coalisée, l'occupaient trop pour qu'il pût mettre à exécution les menaces qui accompagnaient sa dépêche.

Dès que la seconde restauration eût eu lieu, les ex-colons renouvelèrent leurs intrigues; mais plusieurs mois s'écoulèrent avant que le gouvernement pût s'occuper de leurs sollicitations. Enfin, au milieu de l'année 1816, sur le rapport du ministre de la marine, une ordonnance fut émise, qui nommait plusieurs commissaires chargés de l'administration des affaires civiles et militaires dans l'île, sans mention aucune du gouvernement de fait qui régissait cette ancienne possession. Ces commissaires, qui étaient tous des colons en horreur au peuple noir, partirent pour exécuter leur mission, et longeant la côte à bord d'un navire américain, ils envoyèrent à terre des lettres adressées au général Christophe. Cette désignation, qui insultait à l'ordre de chose établi dans l'ile, fit renvoyer sur-le-champ les missives sans qu'elles fussent

ouvertes.

Les agents français recoururent alors à l'expé

dient d'enfermer leurs dépêches dans une enveloppe adressée au commandant du port des Gonaives; mais l'effet qu'ils attendaient de cette ruse fut à peu près nul. On rendit leurs communications publiques, et ils n'en furent pas moins obligés de retourner en France, sans avoir pu faire d'autre acte de la singulière autorité qui leur était commise; car, après s'être présentés dans la partie républicaine de l'île, ils avaient également été repoussés par Pétion; et ce chef avait déclaré qu'il ne recevrait ni eux ni quelqu'autre agent étranger que ce fût, s'il n'était préalablement autorisé à reconnaître l'indépendance d'Hayti.

Pétion avait été réélu, en 1815, président pour quatre ans, mais avant le terme de cette nomination, fatigué de la vie, tourmenté de vives douleurs physiques, et craignant que la langueur où ces souffrances plongeaient son esprit, n'influât bientôt sur ses facultés morales et sur le sort du peuple qu'il était appelé à gouverner, il mit fin à son existence, ou plutôt il se laissa mourir. Après s'être privé de nourriture pendant sept jours, il expira, le 29 mars de l'année 1818, à l'âge de quarante - huit ans moins quatre jours, en désignant pour son successeur Jean-Pierre Boyer, associé par lui depuis long-temps aux soins de l'administration de la république.

Alexandre Pétion était mulâtre quarteron, fils d'un riche colon du Port-au-Prince, nommé Sa

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bès, et d'une mulâtresse libre. Il prit les armes pendant les premiers troubles qui éclatèrent entre la caste de couleur et les blancs, et se distingua au milieu des horreurs des guerres qui suivirent, par son humanité autant que par son courage militaire. Sous la dictature de Toussaint, il suivit le parti des chefs de sa couleur, et s'attacha surtout à celui de Rigaud, dont il était un des principaux lieutenants; il s'embarqua en même temps que ce chef, quand la prise des Cayes et de Jacmel eut rendu toute résistance inutile; il rentra dans la colonie avec le titre de colonel dans l'armée commandée par Leclerc, et fut un des chefs qui contribuèrent à faire proclamer l'indépendance de Saint-Domingue, quand la mort du capitaine-général eut laissé Rochambeau investi du droit de commander et abusant de tous les pouvoirs que ce droit lui donnait. C'est à partir de cette époque que le nom de Pétion figura au premier rang dans les fastes historiques d'Hayti.

LIVRE DIXIÈME.

JEAN-PIERRE BOYER, né au Port-au-Prince, et plus jeune que Pétion de quelques années, était déjà chef de bataillon dans la légion Égalité, quand les Anglais furent appelés à Saint-Domingue par le parti contre-révolutionnaire. Alors cet officier se déclara pour les commissaires français Polverel et Santhonax, et se retira avec eux à Jacmel. Durant toute la guerre du Sud, Boyer combattit, sous les ordres de Rigaud, l'ambitieux ToussaintLouverture, et accompagna son chef lors de sa retraite en France, après l'entière soumission de la partie méridionale de Saint-Domingue à l'autorité du chef noir. L'armée expéditionnaire ramena en 1802 Boyer et tous les hommes de couleur qu'un attachement véritable ou des vues personnelles avaient fait demeurer dans le parti de la France. Après la mort de Leclerc, il suivit la fortune de Pétion, à qui il ne cessa de rester fidèle jusqu'à la mort de celui-ci. Appelé à le remplacer,

il persista avec ardeur dans un système de gouvernement à la création dequel il n'avait pas été étranger. L'histoire de sa présidence est tout entière dans les améliorations qu'a subies sous lui le gouvernement de l'île, et dans les événements qui, après avoir réuni sous un même pouvoir, celui de la république, le royaume du nord et la partie de l'Est, redevenue depuis la chute de Bonaparte une colonie d'Espagne, ont enfin amené la métropole française à proclamer l'indépendance, de droit, d'une colonie depuis vingt ans et à jamais affranchie, par le fait, de son obéissance.

Dès le mois de juillet 1820, des bruits alarmants pour le maintien de la royauté dans le nord d'Hayti avaient pénétré jusqu'en Europe: on y parlait d'une conspiration vraie ou supposée ourdie par sept des principaux dignitaires de Christophe, pour l'établissement d'une république semblable à celle du sud. Un nouvelle plus extraordinaire se répandit: on assura que le roi Henry 1er était mort dans les premiers jours de ce mois, et que sa famille cachait cet événement dans le but d'éviter une révolution qui aurait pu écarter du trône le prince royal Victor Henry. Il est certain à présent que Christophe vivait encore au commencement du mois d'octobre 1820; mais une attaque de paralysie le tenait enfermé dans le château de Sans-Souci, sa retraite favorite. Dans ce temps à peu près, l'ordre de la dégradation d'un colonel, aimé de ses soldats,

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