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LIVRE ONZIÈME.

ON a diversement jugé l'ordonnance du 17 avril; on a discuté la compétence du pouvoir dont elle est émanée : on l'a présentée comme intempestive, et surtout comme d'un mauvais exemple pour les colonies insulaires, voisines d'une république noire élevée comme un phare, sur une mer partout semée des cases de noirs encore esclaves. Nous n'argumenterons pas pour savoir s'il vaudrait mieux en humanité, et peut-être même en politique, que l'exemple contraire fût donné, et que les nègres d'Hayti rentrassent sous la verge des commandeurs, pour inaugurer la restauration de la traite et la perpétuité de l'esclavage; nous ne chercherons pas si, en droit, les habitants actuels de l'ancien SaintDomingue doivent plus aux colons qu'ils ont poussés hors du sol qu'ils occupent, que ceux-ci ne croyaient devoir eux-mêmes aux Espagnols avant la cession de la paix de Riswick; nous ne demanderons pas si les atrocités sans nombre commises par

ces esclaves déchaînés n'ont pas été compensées avec usure pendant l'occupation de Rochambeau et de ses dogues, qu'il repaissait de chair humaine nous reconnaîtrons hautement dans l'acte d'émancipation proclamé le 8 juillet au Port-auPrince, un grand pas fait en politique, une grande victoire remportée sur des préjugés encore puissants, et une vaste carrière ouverte à l'avenir de la civilisation dans les deux mondes. Il eût été à desirer, sans doute, qu'une vaine étiquette eût été oubliée, et que le gouvernent français, par une marche plus franche, n'eût pas affecté de donner ce qu'il ne possédait pas, et de rétribuer quand il traitait. Ces formes diplomatiques, empruntées à des usages heureusement tombés en décrépitude, crouleront bientôt de leur propre poids, il n'en faut plus douter. La jeune Amérique a aussi à présent sa diplomatie; ses traités ne se concluent plus à deux mille lieues de son sol, et entre des maîtres si éloignés. Depuis peu de temps, le NouveauMonde qui, biens et maux, avait tout reçu de l'ancien, lui a beaucoup appris et beaucoup donné à son tour; l'Amérique instruira jusqu'aux ambassadeurs de l'Europe, et tout notre continent se tourne aujourd'hui vers Panama, pour savoir quels résultats on peut attendre d'un congrès.

Notre histoire d'Hayti se termine nécessairement au grand acte de l'émancipation. On aura apprécié les motifs qui nous ont fait passer rapi

dement sur les circonstances les plus récentes des annales de cette île. A mesure qu'on se rapproche des temps où l'on écrit, les hommes et les choses peuvent être moins biens jugés, et c'est témérité, selon nous, d'oser plus qu'un simple récit des faits dans tout ce qui tient aux événements et aux intérêts du moment. Nous croirons notre travail complet, quand nous aurons ajouté aux récits qui précèdent, une notice succincte sur l'état actuel de la république haytienne.

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GÉOGRAPHIE.

L'île d'Hayti est située entre les îles de la Jamaïque et de Cuba, à l'ouest, et de Porto - Rico, à l'est; elle s'étend entre les 15" 59' et 17" 56' degrés, lat. N., entre les 40' et 76" 55' 52 degrés. Nous avons dit qu'elle était, après Cuba, la plus grande des Antilles. Trois petites îles la Tortue : au nord, la Gonaïve à l'ouest, et à l'est Saona, font, depuis la découverte, partie de son territoire; mais la Tortue est la seule qui ait jamais été habitée. Sous l'ancien régime, la Tortue et la Gonaïve appartenaient aux Français; Saona faisait partie des possessions espagnoles.

L'étendue totale de l'île d'Hayti est de 3,846 lieues carrées, qu'il faut répartir par 1,455 lieues carrées pour l'ancienne partie française; 2,281 lieues carrées pour l'ancienne partie éspagnole, et 110 lieues carrées pour les îles adjacentes.

Une chaîne élevée de montagnes, appclée les monts Cibao, commence près du cap Saint-Nicolas, s'étend à travers l'île vers le sud-est, et se termine près le cap Espada. Trois sommets, vers le centre de la chaîne, passent pour avoir près de 1,000 toises d'élévation au-dessus du niveau de la mer. Une division de la principale chaîne s'étend vers l'ouest et se ter

mine au cap Saint-Marc. Une chaîne dans le nord-est, celle Mont Christ, commence à la baie de ce nom, et se termine à celle de Samana. Dans la partie orientale de l'île, sont de vastes savannes, ou prairies naturelles, favorables à l'entretien des chevaux et des bêtes à cornes. Ces savannes s'étendent à l'est de la ville de Santo-Domingo, dans une longueur de 26 lieues, sur 6 à 8 lieues de largeur. Le sol, en général, est bien arrosé et très fertile. Les plaines seules sont susceptibles de donner, en sucre et autres denrées de prix, plus de produits que toutes les possessions anglaises dans les Indes occidentales.

CAPS, CAIES ET RIVIÈRES.

A l'extrémité nord-ouest de l'île, est le cap Saint-Nicolas, ou le mole; au nord est, le vieux cap Français ; au sud-est, le cap Eugano; et au sud-ouest, le cap Tiburon. Au côté oriental de l'île, entre le vieux cap Français et le cap Eugano, les points les plus avancés sont le cap Cabron, le cap Samana et le cap Raphaël. Du côté méridional sont le cap Espada, un peu au sud-ouest du cap Eugano; le cap Mougon, le point le plus méridional de l'île, et la pointe Abacou, un peu au sud-est du cap Tiburon. Sur la côte occidentale sont le cap Dame-Marie, un peu au nord des caps Tiburon et Saint-Marc, environ à 16 degrés de latitude-nord. La pointe Isabelle, sur la côte septentrionale, est la partie de cette île, la plus avancée vers le nord.

La baie de Samana est située à l'extrémité orientale de l'île, entre le cap Samana, vers le nord, et le cap Raphaël, vers le sud; elle a 20 lieues de long et environ 5 de large. Une grande baie triangulaire, appelée la baie Écossaise, est au nord de la baie de Samana, entre le cap Cabron et le vieux cap Français. Le golfe de Gonaïve, fort avancé dans les terres, est situé à l'extrémité occidentale de l'île, entre le cap Dame-Marie, au sud, et le cap Saint-Nicolas, au nord. Ces caps ne sont pas

distants de moins de 40 lieues, et la longueur de la baie est de 50 lieues. Au fond du golfe est située l'importante baie du Port-au-Prince

La rivière Yuna parcourt 70 milles dans la belle et fertile vallée de Vega-Real, suit la direction est - sud-est, et va se jeter dans la baie de Samana. Ele est navigable pendant 13 lieues, depuis Cotuy. La Mont-Christ, ou le Yaqui, prend sa source près de la Yuna, parcourt, dans la direction Ouest-nord-ouest, environ la même distance, et vient se décharger dans la baie de Mancenille. L'Ozama coule dans la direction sud-est, et se décharge un peu au-dessous de la ville de Santo-Domingo; elle est navigable pendant environ trente milles, et porte à la mer un grand volume d'eau. La Neybe, une des plus longues rivières de l'île, fournit sa course de l'est au sud, et se vide dans la baie d'Occoa, un peu au nord-est du cap Mougon. L'Artibonite naît environ au centre de l'île; et, coulant à l'ouest, se décharge dans le golfe de Gonaïve, un peu au nord du cap Saint-Marc.

CLIMAT.

Le climat est humide et chaud; mais il varie suivant les localités, avec cette différence entre la température des plaines et celle des montagnes, que sur les points les plus élevés, le thermomètre ne monte guère qu'à 17 degrés, dans le même temps qu'il en dépasse 25 en rase campagne. L'ardeur du soleil est souvent modérée par ·la mer et par les brises de terre, qui soufflent successivement. Sur quelques-unes des plus hautes montagnes de l'intérieur, le climat est tel que le feu y est souvent nécessaire. Les plus grosses pluies tombent en mai et en juin : les ouraganз sont moins fréquents à Hayti que dans le reste des Antilles.

VILLES PRINCIPALES.

Le Cap Haytien, ou Henry, autrefois le Cap Français, est situé sur la côte nord de l'île, environ 30 lieues à l'est du Môle

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