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sieurs années, sans interruption jusqu'à sa mort, arrivée le 16 juin 1841.

La question de savoir s'il était dû un droit de succession ou un droit de mutation, par suite du décès de la veuve Bloqueau, a été décidée en faveur de la perception du premier de ces droits, par un jugement du tribunal de Tournay, en dáte du 7 juin 1843, rendu en ces termes :

« Sur la première question : Vu l'art. 4er de la loi du 27 décembre 1847.....; En droit: Attendu qu'il s'agit dans cet article d'un domicile spécial combiné pour la perception de l'impôt spécial que cette loi établit; qu'il ne faut pas, aux termes de cet article, que le défunt ait été régnicole, ou qu'étranger, il ait eu son domicile autorisé en Belgique, pour que sa succession soit soumise à l'impôt, mais qu'il suffit qu'il ait eu à son décès le siége de sa fortune en Belgique pour que ses héritiers ou légataires universels, aux termes de l'art. 2 de ladite loi, seiont tenus envers l'État tant du droit dû pour la totalité de la succession que les amendes encourues pour contravention à cette loi, chacun en proportion de la part qu'il recueille; - En fait : Attendu que la défunte Rosalie Capette, veuve de Jean Bloqueau, qui avait épousé un Français au village de Flines-lezMortagnes (France), mais qui était née Belge et n'avait pas d'enfant, a quitté le village de Flines, peu après le décès de son mari, où elle n'a plus eu ni habitation ni mobilier, et est venue habiter le village de Wiers, lieu de sa naissance, où elle a demeuré chez son frère Gaspard pendant plusieurs années sans interruption jusqu'à sa mort, arrivée le 16 juin 1841; - Attendu que pendant ce long espace, d'une part, elle n'a plus figuré au nombre des habitants de Flines, et que, d'autre part, elle a été comprise en la liste des habitants de Wiers, dressée en 1839; Attendu que c'est au village de Wiers qu'elle avait sa garde-robe, ses titres et papiers, et ce qui pouvait lui rester de mobilier; que dans les baux qu'elle passait en France, et spécialement dans ceux qu'elle a accordés devant le notaire Baligaud, à Mortagnes, les 25 septembre 1832, 30 juin 1834 et 21 juin 1836, elle a pris la qualité de propriétaire demeurant à Wiers, que même dans ce dernier bail elle a stipulé que les fermages seraient payables en son domicile à Wiers; Attendu que de l'ensemble de ces diverses circonstances, il résulte que la défunte avait à son décès le siége de sa fortune à Wiers, et que, par conséquent, elle était alors habitante du royaume dans le sens de l'article 4er de la loi précitée; Par ces motifs, le tribunal dit pour droit, que Rosalie Capette, veuve de Jean Bloqueau, était à son décès habitante du royaume dans l'esprit et dans les termes de l'art. 1er de la loi du 27 décembre 1847, et que les opposants qui sont les héritiers doivent l'impôt établi par cette loi, sur tout ce qu'ils ont recueilli de la succession de la défunte. (Journal, 2926).

27. Le sieur Colins Deham, Belge d'origine, est décédé à Petit-Mont-Rouge, près Paris, le 29 mars 1835. Il avait quitté Bruxelles, en 1818, pour se rendre à Paris où, jusqu'en 1835, il a successivement occupé différents appartements garnis de ses meubles du chef desquels il a payé la contribution personnelle. Il y a été employé dans une administration particulière; de plus il y a manifesté l'intention d'y rester et il a sollicité du gouvernement français des lettres de naturalisation qui lui ont été refusées: son avoir consistait dans le mobilier qui garnissait son habitation et en rentes sur le grand livre de la dette publique de France. Mais lorsqu'il s'est agi de l'envoi en possession du légataire universel qu'il avait institué par testament olographe, le tribunal de la Seine s'est déclaré incompétent sur l'exception soulevée par l'héritière à réserve, fondée sur ce que le défunt avait son domicile en Belgique.

Pendant que les parties plaidaient devant le tribunal de Bruxelles, relativement à l'exécution du testament, le légataire sollicita et obtint de l'administration plusieurs délais pour faire sa déclaration de succession en cette ville, tout en reconnaissant implicitement que le défunt y avait eu son dernier domicile. Plus tard cependant, et alors qu'une déclaration provisoire avait été déposée, le légataire excipa vis-à-vis de l'administration une fin de nonrecevoir fondée sur ce que le sieur Colins Deham ne pouvait être considéré comme habitant de ce royaume dans le sens de la loi.

La question de domicile ayant fait l'objet d'un procès, elle fût résolue contre la demande du droit de succession, intentée par l'administration à charge du légataire, par un jugement du tribunal de première instance de Bruxelles, en date du 4 août 1843, dont la teneur suit:

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• Attendu que si l'opposant a cru devoir respecter le jugement rendu par le tribunal du département de la Seine (France), le 17 juin 1836, en portant son action en délivrance de legs devant les tribunaux belges, les décisions qui sont intervenues entre l'opposant et les héritiers de Colins Deham, ont été rendues entre d'autres parties et ne peuvent profiter à l'administration poursuivante à l'égard de laquelle ces décisions n'ont pas l'autorité de la chose jugée; — Attendu qu'en sollicitant une prolongation de délai pour faire la déclaration de succession, l'opposant n'a formulé cette demande que dans le but d'éviter des amendes et des suppléments de droits pour le cas où, étant reconnu légataire, il aurait, contre son attente, été tenu du paiement de quelque droit en Belgique. Qu'il ne serait donc pas exact de déclarer que l'opposant a reconnu au profit de l'administration que Colins

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Deham était domicilié en Belgique; qu'il était habitant de ce royaume au moment de son décès, et que par suite de ce décès il était dû un droit de succession au trésor belge; - Attendu qu'il résulte tant des termes de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1847, que de la discussion à laquelle cet article a donné lieu, que pour l'établissement de l'impôt, le législateur n'a pas eu égard à la nationalité des individus décédés mais à leur qualité d'habitants ou de non habitants du royaume ; Qu'il faut considérer comme habitant du royaume celui qui, né en Belgique, y a sa demeure, et celui qui, né en pays étranger, a établi en Belgique le siége principal de sa fortune; Qu'on ne peut donc envisager comme habitant du royaume, par rapport au droit de succession, le Belge décédé dans le pays étranger où il avait transféré son domicile ou le siége de sa fortune; - Attendu que d'après les art. 403, 104, 105 du Code civil le changement de domicile s'opère par le fait d'une habitation réelle dans un autre lieu joint à l'intention d'y fixer son principal établissement; que la preuve de l'intention résulte d'une déclaration expresse faite tant à la municipalité du lieu que l'on quitte qu'à celle du lieu où l'on transfère son domicile et qu'à défaut de déclaration expresse l'intention dépend des circonstances; — Attendu qu'il n'est pas méconnu au procès que, depuis 1848, époque à laquelle il a quitté la Belgique pour se rendre en France, jusqu'au 29 mars 1835, le sieur Colins Deham a constamment habité la ville de Paris, où il est décédé; qu'il y a occupé différents appartements garnis de ses meubles du chef desquels il a payé la contribution personnelle; qu'il y a été employé dans une administration particulière. Que le 24 novembre 1828 il a déclaré devant le maire du 5e arrondissement de la même ville, que son intention était d'y rester toujours et de s'y établir définitivement; qu'à la même époque il a sollicité en France des lettres de naturalisation et l'obtention d'un emploi public; que c'est à Paris que le défunt a fait et déposé son testament, et que toute la fortune connue qu'il a délaissée consiste dans le mobilier garnissant son habitation et en rentes inscrites au grand livre de la dette publique de la France; Attendu que l'administration nc prétend pas que postérieurement à son départ de la Belgique, en 1818, Colins Deham y a conservé un domicile, ou du moins une habitation réelle, ni qu'il y a délaissé des immeubles ou autre fortune; Attendu qu'il résulte de ces divers faits et circonstances réunis que Colins Deham avait transféré sa demeure et le siége principal de sa fortune en France et qu'au jour de son décès il n'était pas habitant de la Belgique; Par ces motifs - Le tribunal reçoit l'opposition et y faisant droit, annulle la contrainte signifiée à l'opposant, le 9 mars 1843, condamne l'administration au dépens.

-

L'administration a fait exécuter ce jugement, par décision du 16 septembre 1843.

28. Par une fiction du droit des gens, les ministres des puissances étrangères sont dans leurs hôtels, près les cours qui les

reçoivent, comme s'ils étaient dans les états du gouvernement qui les accrédite. Cette fiction faisant participer aux priviléges des ministres étrangers, leurs femmes et leurs enfants, ceux-ci ne peuvent être réputés habitants du royaume pour l'application de la loi.

SECTION III.

DE LA TRANSMISSION PAR DÉCÈS.

§ Ier.

DE L'OUVERTURE DES SUCCESSIONS.

SOMMAIRE:

29. La succession considérée par le Code comme l'un des moyens d'acquérir.

30. Des causes diverses de l'ouverture des successions.

34. Caractère des successions.

32. De la preuve du décès et de la preuve des objets transmis.

33. Des présomptions du décès.

34. De la succession d'absents.

35. De la mort civile en pays étranger.

36. La date de la transmission est celle de l'ouverture de la succession.

29. La succession, considérée par le Code comme l'un des moyens d'acquérir, est l'action de succéder à une personne, c'està-dire, de prendre la place qu'elle laisse vide par son décès, et de la représenter dans tous ses biens, dans tous les droits et dans toutes les charges qui peuvent passer à un successeur. (Toullier, t. 2, n° 64.)

30. Les successions sont légitimes ou testamentaires. Elles s'ouvrent par la mort naturelle et par les effets de l'absence. La mort civile qui est aussi une cause de l'ouverture des successions, reconnue par l'art. 718 du Code civil, a été abolie par l'art. 13 de la Constitution; néanmoins les immeubles situés en Belgique, dépendant de successions ouvertes par la mort civile, dans les pays où elle existe encore, sont soumis au droit de mutation, parce qu'elle opère transmission.

31. Il y a deux manières de succéder : l'une par la disposition de la loi; c'est ce qu'on appelle succession légitime, parce qu'elle

fait passer les biens du défunt aux personnes qui s'y trouvent appelées par la proximité du sang ou de la parenté, selon l'ordre établi par la loi. L'autre, par la volonté de l'homme; elle vient des institutions d'héritier, lesquelles ont lieu par testament ou par contrat de mariage; on les appelle ou testamentaires ou contractuelles. (V. Toullier, t. 2, nos 67 et 68.)

32. Lorsque la régie demande des droits de succession ou de mutation, elle est soumise, comme tout demandeur, à justifier son action; non-seulement elle doit prouver qu'il y a eu décès, mais encore l'existence des objets transmis. C'est un principe de droit naturel consigné dans l'art. 1315 du Code civil, que celui qui prétend qu'un autre est obligé envers lui, doit établir cette obligation.

La preuve du décès résulte des actes prescrits par les art. 78 et suivants du Code civil.

33. Si l'acte de décès ne pouvait pas être représenté par l'administration, elle serait admise à y suppléer par des présomptions que les juges apprécieraient. Ainsi l'enregistrement d'un testament, un inventaire après décès, une acceptation faite au greffe, un acte de partage, des actes de propriétaire, faits par les héritiers présomptifs, des prises de possession, une délivrance de legs, une déclaration faite pour une partie de la succession, pourraient servir à prouver que la succession est ouverte, si d'autres circonstances expliquaient comment l'acte de décès n'est pas produit. Le naufrage d'un navire, ne suffirait pas pour prouver le décès des personnes qui étaient à bord; la régie serait obligée d'attendre que les héritiers présomptifs eussent fait déclarer le décès ou eussent fait prononcer leur envoi en possession des biens, ou d'autres circonstances ci-dessus indiquées. (V. Traité des droits d'enregistrement no 2529.)

34. Lorsqu'il s'agit de la succession d'un absent, l'administration peut exiger le paiement des droits, après les six mois du jugement d'envoi en possession définitive; sans devoir prouver le décès. (V nos 48 et suivants.)

35. Quant aux successions ouvertes par la mort civile, dans les pays où elle existe encore, c'est à l'administration à prouver, comme pour le cas de successions ouvertes par la mort naturelle, que les conditions voulues par la loi sont accomplies.

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