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No II.

BULLETIN D'UNE BARRICADE.

Mercredi 9 avril, je fus forcé par les circonstances de me, retirer à la côte des Carmélites. La consternation était sur tous les visages; néanmoins les ouvriers travaillaient avec activité à former des barricades; peu d'hommes armés protégeaient les travaux. A trois heures de l'aprèsmidi, la Grand'-Côte, la côte des Carmélites, le bas de la rue de Flessclle, le clos Casati et la rue Vieille-Monnaie furent en état de défense.

La caserne du Bon-Pasteur fut prise. M. Meunier, aidemajor au 27o, fut arrêté par un poste au moment où il se rendait à ses fonctions; il fut reconduit chez lui sur parole, et sominé de panser les blessés. Les ouvriers n'ont qu'à se louer de la conduite de cet officier; les matelas et les sommiers de la caserne furent portés aux barricades.

Le jeudi 10, à cinq heures du matin, la rue des PetitsPères fut garnie d'une forte barricade. Vers midi, la troupe fit mine de vouloir monter nous débusquer, mais nous nous portâmes en avant et nous emparâmes de la place Sathonnay. Les hommes sans armes entrèrent dans différentes maisons et s'en munirent. Peu après, il partit un feu roulant des croisées; nous n'eûmes que deux blessés; c'est alors que nos camarades remontèrent aux barricades et s'y maintinrent d'une manière toute militaire; la caserne fut aussitôt crénelée, ce qui garantissait le jardin des Plantes d'une invasion; dès lors on fit la cuisine dans les postes.

Dans l'après-midi, le courrier de la malle-pošte fut arrêté et conduit au grand poste; quatre autres personnes furent également arrêtées; tous les égards leur ont été prodigués, elles peuvent en rendre témoignage.

Tout se passa ainsi jusqu'au dimanche 13, en escarmouches de coups de fusil; c'est alors qu'on adressa aux habitans du quartier la demande suivante :

« Citoyens!

« Vous êtes invités par les amis de l'ordre et de la liberté à coopérer à la subsistance des citoyens armés pour la cause publique. Divers individus sans qualité se sont permis de recueillir des dons en en faisant leur propre profit, et nous voulons prévenir de si lâches infamies: les chefs de postes sont spécialement chargés de recevoir et de partager entre les postes de la division. »

Le lundi 14, après cinq jours de résistance, sans communication et presque sans armes, on assembla un conseil composé de vingt-cinq citoyens, où on délibéra sur les moyens de retraite; l'état des armes et des hommes y fut soumis. En voici le résultat :

Soixante-dix mauvais fusils pour deux cents hommes, étaient les moyens de défense.

tels

Celui qui présidait ce conseil fit l'allocution suivante :

« Citoyens!

« Dans la position où nous nous trouvons, en face d'une armée, la résistance est inutile. Votre courage, loin de s'affaiblir, semble s'augmenter. Vous ne voudriez pas être la cause de la destruction des familles qui nous entourent ; ce serait du sang français qui coulerait de plus et inutilement, L'humanité nous commande de chercher les moyens d'une retraite honorable. On peut faire une retraite, mais

on n'est pas pour cela vaincu; nous pouvons encore être utiles au pays. Nos efforts, j'en suis convaincu, feront ouvrir les yeux à ceux qui n'ont pas suivi notre exemple; mais il faut tout attendre du temps. Si cependant vous vouliez combattre encore, je serais le premier à vous en donner l'exemple; et si ma vie pouvait payer ce que nous demandons, je suis prêt à la livrer à la bouche du canon. »

On délibéra pour que la retraite se fît dans la nuit du 14 au 15; on délibéra également pour renvoyer les prisonniers, et chacun d'eux put retourner chez lui. Après la délibération, on travailla aux barricades comme si on ne songeait qu'à la défense. On se dit adieu en s'embrassant; des larmes coulèrent sur le sort de nos frères morts pour la liberté, ce qui est pour l'histoire des peuples encore une leçon.

P. S. Dans ces cinq jours, nous avons eu un homme tué chez lui et cinq blessés (1).

(1) Extrait du Précurseur.

No III.

JUGEMENT

RENDU PAR LE 1er CONSEIL DE GUERRE PERMANENT DE LA 7 DIVISION MILITAIRE.

DE PAR LE ROI:

LOUIS-PHILIPPE Ier, ROI DÉS FRANÇAIS, A TOUS PRÉSENS

ET A VENIR SALUT :

Aujourd'hui vingt-six du mois de mai mil huit cent trentequatre, le 1er Conseil de guerre permanent de la 7o division militaire, créé en vertu de la loi du 13 brumaire an 5, et composé, conformément à cette loi, de

MM. Canuet, colonel de la 19e légion de gen

darmerie,

Maillart, chef de bataillon au 15e léger,`

Leblond, capitaine au 15o léger,

Président;

Rhéal, capitaine au 27o de ligne,

Juges;

Thevenet, lieutenant au 6o de ligne,

Goueslin, sous-lieutenant au 6o de ligne,

Chenu, sergent au 15e léger,

Geoffroy, capitaine au 6e de ligne, remplissant les

fonctions de commissaire du roi;

Septans, lieutenant au 6e de ligne, remplissant celles de rapporteur; substitut.

Tous nommés par M. le lieutenant-général commandant ladite division,

Assisté de M. Figuière-Devaux, greffier, nommé par le rapporteur;

Lesquels, aux terms des articles 7 et 8 de la loi du 13 brumaire an 5, ne sont parens où alliés, ni entre eux, ni des prévenus, au degré prohibé par la loi;

Ledit Conseil, convoqué par l'ordre de M. le commandant de la division, s'est réuni dans le lieu ordinaire de ses séances, à l'effet de juger les nommés :

1o Kinder, Jean, fils de Nicolas et de Marguerite Engelbert, domiciliés à Obergailbach, département de la Moselle, né le 22 novembre 1810, à Obergailbach, département de la Moselle, domicilié, avant d'entrer au service, à Obergailbach, département de la Moselle, taille de 1 mètre 800 millimètres, cheveux et sourcils roux, front ordinaire, yeux grisbleus, nezgros, bouche moyenne, menton pointu, visage ovale;

vre,

I

20 Robert, François, fils de Pierre et de Reine PetitImbert, domiciliés à Montreuillon, département de la Ñièné le 28 novembre 1811, à Montreuillon, département de la Nièvre, y domicilié avant d'entrer au service, taille de i mètre 702 millimètres, visage long, front couvert, yeux gris, nez effilé, bouche petite, menton rond, cheveux et sourcils bruns;

3o Leloy, Jacques, fils de Pierre et d'Anne Pessart, domiciliés à Jarzay, département de Maine-et-Loire, né le 1er novembre 1811, à Jarsay, département de Maine-etLoire, y domicilié avant d'entrer au service, taillé de 1 mètre 695 millimètres, visage ovale, front rond moyen, yeux bleus, nez gros, bouche grande, menton rond, cheveux et sourcils châtains; tous trois dragons au 7* régiment,

Accusés de vol dans une maison habitée, le douze avril dernier, de divers effets appartenant au sieur Farnoux, marchand de pierres aux Brotteaux.

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