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impérieusement, n'importe par quels sacrifices, d'étouffer le

mal à son berceau.

Votre commission n'a pu entrer dans l'examen de toutes les nécessités qui pesaient alors sur ceux qui étaient chargés d'arrêter la rébellion. Elle croit que ces sacrifices ont été utiles à la France; à l'autre Chambre appartient d'examiner s'ils furent nécessaires.

Quel qu'en soit le résultat, la ville de Lyon offre un monceau de ruines et d'irréparables malheurs. C'est cette position seule que votre commision a envisagée. Elle ne s'est occupée que des personnes : elle a pensé que la France, qui accueille d'une manière si libérale les réfugiés de toutes les nations, ne pouvait être insensible au malheur de ses propres citoyens.

Il est des fautes que les lois sont impuissantes à punir, il est des dommages que toutes les condamnations ne sauraient réparer. Aussi nous avons laissé tout cela dans le domaine ordinaire des lois et des juridictions; et sans admettre aucun des principes du projet à cet égard, nous n'avons songé qu'à porter des secours dans une situation dont on ne pouvait contester l'urgence, et qui faisait exception à toutes les règles.

A cela on fait des objections diverses. La loi de vendémiaire an 4 est partout en pleine cxécution, pourquoi Lyon serait-il traité plus favorablement que plusieurs autres villes qui viennent de subir l'empire de cette loi? Faudra-t-il, au milieu de la détresse publique, charger les budgets de l'Etat de tous les fléaux que la Providence ou la main des hommes pourront infliger à nos malheureuses contrées?

Nous ne répudions pas le principe de la loi de vendémiaire, principe d'une sage et prudente politique. Mais, sans en provoquer ni en exclure l'application dans cette grave circonstance, nous faisons ce que l'Etat seul peut faire; la justice est toujours lente, elle est souvent incom

plètes et en attendant ses décrets, la seconde ville de France, depuis long-temps en état de crise, est menacée dans son commerce, dans le crédit, qui fait sa grandeur et sa prospérité. Ce n'est pas à des ruines encore fumantes que l'on viendra confier le soin de mettre en œuvre les trésors de la nature, même dans un intérêt général et dans un besoin de conservation. La politique nous commande d'ailleurs d'effacer toutes les traces de ce désordre; la paix et la prospérité de Lyon, c'est une partie de la fortune de la France. Toutefois, ce n'est pas à la commune que nous entendons apporter nos secours quelque obérée qu'elle soit, et malgré les agitations successives dont elle a été victime, nous ne pouvons rien pour elle l'Etat ne saurait être garant des dommages qu'elle a éprouvés; mais des hom mes, des femines, des enfans saus asile, errent à l'entour de leur demeure; ils sont sans pain et sans asile, et ce sont des secours que l'on vous demande pour eux. Existe-t-il sur aucun autre point de la France une semblable infortune?

8.

Au milieu des perturbations perpétuelles qui ont troublé notre patrie, est-ce un exemple nouveau que cette concession de secours, et la révolution de juillet n'a-t-elle pas été fertile en lois de cette nature, et qui offraient par la somme accordée une bien autre importance?

C'est ici une affaire de gouvernement, et non une affaire de commune, et votre commission a pensé, à une majorité de sept voix contre deux, qu'il y avait lieu à accorder des

secours.

Quelques opinions se sont élevées pour prétendre qu'il fallait attendre que l'on fût revenu du trouble profond qu'une commotion aussi violente a dû apporter dans les esprits, laisser à la justice ordinaire son cours, et, après le résultat des condamnations, en cas d'insuffisance du budget de la ville, fournir une subvention.

Ce système n'est pas le nôtre, messieurs. L'Etat ne doit

aucune subvention; il ne prend aucune part aux prétentions qui pourront s'élever devant les tribunaux, et il ne veut assumer sur lui aucune responsabilité.

Le mal est profond. Selon certains esprits, il convient de provoquer une enquête sur les évènemens, sur leur direction et sur leurs causes ; il faut savoir qui doit assumer sur sa tête la responsabilité d'un système de ravage et de des

truction.....

Ces vœux sont déjà remplis : l'un des grands pouvoirs de l'Etat est appelé à prononcer à la face du pays. Il le fera avec cette haute sagesse, cette raison profonde et cette noble indépendance qui ne redoutent ni le présent, ni l'avenir, ni les hommes, ni leurs passions, ni leur puissance, ni leur position sociale.

Mais cette enquête, quelque imposante qu'elle soit, ne peut répondre aux besoins de secours qui nous sont exprimés par une population malheureuse. L'enquête sera longue; ce ne sera qu'après de mûres réflexions qu'une résolution de la Cour des pairs apprendra à la France si elle s'est trompée dans l'opinion unanime qu'elle a portée sur les évènemens de Lyon.

En attendant, songez au préjudice immense et chaque jour irréparable que les évènemens de Lyon ont porté à notre commerce et à notre industrie, arrêtez votre pensée sur la triste influence que ces mêmes évènemens auront sur l'état actuel et sur l'avenir de cette ville désolée. Votre haute raison peut d'avance prévoir les tristes conséquences d'une révolte aussi criminelle qu'insensée. Mais s'il ne nous est pas donné de les réparer, du moins ne demeurons pas contemplateurs stoïques des maux incalculables que cette catastrophe a produits. Ne laissons pas livrés aux convulsions de la misère et du désespoir des hommes sans pain, sans asile, dont nous n'avons brisé la fortune que pour assurer le salut de l'Etat et notre repos.

Les secours une fois consacrés, je ne m'arrêterai pas long-temps pour savoir quelle doit en être la quotité : ce n'est pas par des détails plus ou moins exacts qu'on peut procéder, c'est ce vaste ensemble qui doit fixer notre attention. Des rapports faits au sein de la commission lui ont fait craindre que le gouvernement ne se fît illusion sur l'étendue du dommage. Les accidens consécutifs semblent le prouver. Des maisons restées debout s'écroulent, d'autres qui paraissent intactes font un mouvement qui annonce une cause de ruine. Dans une rue du faubourg de la Guillotière, dans le quartier le plus pauvre de Lyon, huit maisons consécutives ont été détruites ou incendiées. Il est des citoyens qui pourront n'être que médiocrement affectés de ces pertes, et ce n'est pas cette position de fortune qui détermine notre vote : mais tous ne sont pas à même de supporter ces sacrifices.

Le principe que votre commission a adopté ne lui permettrait pas de s'étendre au-delà des limites que le malheur scmble prescrire. Et même, en estimant le mal plus considérable, elle a cru devoir réduire à un million la somme réclamée. Des avis se sont ouverts pour des sommes inférieures, mais la majorité s'est réunie à l'opinion que j'ai l'honneur de

vous soumettre.

Nous aurions voulu qu'il nous fût permis d'effacer du projet la disposition qui excepte du secours ceux qui auront pris part à la rébellion; mais nous avons senti que dans cette circonstance la générosité devait céder à une haute leçon de morale publique. Aussi bien les veuves et les enfans des coupables ne sont pas, dans notre système, deshérités de toute pitié, et c'est un motif de plus pour maintenir une exception qui ne frappe que la personne des rébelles.

Si la ville de Lyon a eu des torts, ne les a-t-elle pas cruellement expiés, et ses habitans ne sont-ils pas bien à plain

dre? N'est-ce rien que la terreur et la douleur de toutes les familles, que de voir la propriété insultée, envahie, détruite, l'existence de tous menacée, et d'être exposé à périr par les ravages des factieux ou par la protection du pouvoir ?

Espérons que ces milices nationales, ces légions de citoyens armés pour la défense de l'Etat, le maintien de la paix et la conservation des lois, préviendront le retour de ces tentatives criminelles qui ont ébranlé la société tout entière; espérons que nous n'éprouverons plus ces secousses terribles qui ne présenteraient bientôt dans la France entière que les tristes débris d'un honteux naufrage.

La liberté n'aurait-elle lui un instant à nos yeux que pour s'éloigner en nous laissant le sentiment amer que nous ne sommes pas dignes de la posséder? Je ne le pense pas. Après les violentes épreuves que notre révolution a subies, l'avenir est à nous. Avec un sol si fertile, une industrie si féconde, avec un commerce tel que le nôtre et tant de moyens de prospérité, la paix intérieure, l'ordre et la sécurité de tous ramèneront aussi dans nos finances un équilibre nécessaire et désiré. Qu'on nous laisse le repos intérieur, et loin de surcharger les peuples, il sera facile d'améliorer leur sort.

En voyant que la France, toujours grande et généreuse, a consulté plutôt leur infortune que les ressources du trésor, les Lyonnais sentiront que, sauve-garde de l'une de nos frontières, ils eurent l'honneur de la défendre contre une invasion étrangère, et que, dépositaires du commerce et de la richesse de la France, ils ne doivent pas les livrer à nos ennemis intérieurs. Les troubles et les séditions tent une atteinte porgrave à la fortune de leur cité, qui ne peut prospérer qu'à l'ombre d'un gouvernement régulier et à des conditions d'ordre et de paix que les factions sont dans l'impuissance de lui donner.

Puissent tous les Français, contemplant avec douleur la

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