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tradition, jaillir de cette statue de pierre un ruisseau de sang. Le soldat fut pris, attaché à un poteau en face de la Vierge qu'il avait blessée, et frappé, depuis six heures du matin jusqu'au soir, avec une telle barbarie, que ses entrailles lui sortaient du corps. On lui perça la langue avec un fer chaud, et ensuite on le jeta au feu. C'est, diton, en mémoire de ce crime et de l'épouvantable supplice du criminel, que les habitans de la rue aux Ours promenaient autrefois un mannequin qu'ils jetaient ensuite au feu. — Un ancien historien rapporte qu'au bourg de Saint-Seurin (Severin), près de Bordeaux, en 1559, on trouva une croix rompue, ce qui se trouva, quelque temps après, avoir été fait par quelques mariniers anglais; il en survint grande rumeur, et fut le lendemain réparée cette croix, avec procession générale; de quoi non content encore, un nommé Delanta, abbé de Sainte-Croix, attira par trahison, en sa maison, un riche marchand de Bordeaux, nommé Feugères, feignant de le vouloir advertir, par amitié, qu'on le soupçonnait du brisement de cette croix; sur quoi ayant répondu le marchand quelques paroles sur l'idolâtrie de la croix, le bon abbé fit en sorte que le président Ruffignac, qui ne se souciait de la croix ni du crucifis, mais qui haïssait autant l'Évangile qu'il était adonné à toute vilenie, le fit saisir au lit le lendemain, et ayant éu sa confession, le fit brûler, non sans être bâillonné de peur qu'il ne parlât. Voyez à l'article Blasphémateur, t. II, p. 461, ce qui est relatif à l'exécution du chevalier de La Barre. - Toute la légis

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lation du sacrilége fut anéantie à l'époque de la révolution. Le Code pénal de 1810 se borne à protéger l'exercice des cultes autorisés, et à punir les outrages faits aux objets de ces cultes dans les lieux destinés à leur exercice ou aux ministres dans leurs fonctions: les deux premiers délits sont punis de l'amende et de l'emprisonnement, et le dernier du carcan, lorsque le ministre a été frappé. (Art. 260 à 263. ) Ainsi les objets de la vénération religieuse étaient spécialement protégés, sans que la pénalité attachée aux délits contraires blessât l'esprit de modération qui doit être l'essence de toute religion', et principalement du christianisme. Mais ce Code ne statuant pas d'une manière spéciale sur les vols commis dans les églises, et ne prononçant pas les peines les plus sévères contre les profanations, les évêques, qui déjà depuis 1806 réclamaient la puissance du glaive pour soutenir la religion, renouvelèrent leurs réclamations; elles furent prises en considération vers la fin de 1813, et le chef de l'empire ordonna qu'un projet de loi fût préparé sur cette matière. Il ne lui fut pas donné de la rendre. Depuis cette époque jusqu'en 1824, rien ne fut changé, pour cet objet, dans la législation, si l'on excepte la loi du 18 novembre 1814 qui, par des dispositions coërcitives, assura la célébration des jours de fêtes, et celle du 25 mars 1822, qui punit les outrages verbaux ou par écrit contre la religion de l'État, ou l'un des cultes légalement établis, ou les ministres de cette religion et de ces cultes, à raison de leurs qualités ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonc

tions. Toutes ces dispositions se rapportaient en effet à des infractions ou délits compris autrefois sous la dénomination générale de sacrilege et de profanation. En outre, la Cour de cassation jugea que les vols faits dans les églises entraient dans la classe de ceux qu'aggravait la circonstance d'avoir été commis dans un lieu habité, attendu que le Code pénal de 1810 ne définissant pas l'habitation, on devait recourir à celui de 1791 qui considérait tous les édifices publics comme habités. Mais plusieurs Cours royales adoptèrent néanmoins une jurisprudence contraire. En 1824, le 5 avril, il fut proposé à la Chambre des Pairs un projet de loi sur la répression des délits qui se commettent dans les églises et autres édifices consacrés au culte. Ce projet, où le mot sacrilége ne se trouvait pas, portait des peines trèsgraves contre les vols, les attentats à la pudeur commis dans les temples, et la mutilation ou dégradation des monumens, statues et autres objets. destinés au culte : il ne satisfit personne, et déplut surtout à ceux qui, voulant mettre absolument le culte entier dans la loi, n'y voyaient pas figurer la simple profanation. Aussi, ce projet, adopté avec quelques amendemens par la Chambre des Pairs, ne fut présenté que ministériellement à celle des Députés, et retirée presque furtivement sans 1 qu'on puisse dire comment ni quel jour. Enfin

les partisans de l'intolérance religieuse triompherent, la loi du 20 avril 1825 consacra formellement des dispositions sur lesquelles la législation ancienne elle-mème n'avait parlé qu'en termes

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vagues et généraux. Le titre Io de cette loi qui nous régit encore répute sacrilége la profanation des vases sacrés et des hosties consacrées; elle punit le coupable de MORT, dans le cas de réunion des deux circonstances suivantes : 1° si les vases sacrés renfermaient, au moment du crime, des hosties consacrées; 2° si la profanation a été com'mise publiquement. Dans le cas où une seule de ces conditions a lieu, la peine est celle des travaux forcés à perpétuité. L'article 6 de ce titre rétablit l'amende honorable abolie par l'article 35 du titre 1o du Code pénal de 1791. Elle la prononce pour la profanation publique des hosties consacrées. Le titre II traite du vol sacrilege. La mort, les travaux forcés perpétuels, les travaux forcés à temps, la réclusion, telles sont les peines décernées contre les coupables. La dernière atteint ceux qui auront volé dans un édifice consacré à l'exercice d'un culte des objets non sacrés, mais seulement destinés à la célébration des cérémonies de ce culte, et sans que le crime soit accompagné d'aucune circonstance aggravante (1). — Le titre Ill de la loi du sacrilége prévoit l'outrage à la pudeur commis dans un édifice consacré au culte : il

(1) Depuis que cette loi est rendue, deux affaires se sont présentées dans lesquelles un vol de cette nature était non-seulement prouvé, mais avoué : le jury a déclaré l'individu non coupable. La conscience et la loi se trouvaient sans doute en contradiction dans l'esprit de ceux qui étaient appelés à juger cette culpabilité. Sous l'empire des dispositions du Code pénal, le vol eût au moins été puni.

punit ce délit d'un emprisonnement de trois à cinq ans et d'une amende de 500 à 10,000 fr. La mutilation ou la destruction des monumens, statues ou autres objets consacrés au culte, est punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 200 à 2,000 fr. Lorsque le délit a lieu dans l'intérieur d'un temple, l'amende et la durée de l'emprisonnement sont augmentées au-delà du double. A côté de ces peines infligées aux profanateurs des images, figure celle décernée pour le trouble apporté à l'exercice du culte, et celle-ci est bornée à une amende de 16 à 300 fr. et à un emprisonnement de six jours à trois mois. Telle est la loi du sacrilége. En la comparant au Code, qu'elle modifie, on voit que la simple protection du culte, comme faisant partie de l'ordre public, n'est pas son but; mais qu'elle tend à imprimer le respect par la terreur. Elle semble appuyée sur ce motif qu'il est nécessaire à la société qu'une croyance religieuse, quelle qu'elle soit, trouve dans le prince, non-seulement un protecteur, mais un vengeur, et le vengeur le plus sévère. C'était ainsi que raisonnait l'inquisition. J'ai démontré (1) que la législation du sacrilege, ouvrage des cultes païens et barbares, avait d'abord été repoussée par la loi de l'Evangile; que les mœurs altérées par une longue habitude de superstitions cruelles et persécutrices, en faussant le christianisme, l'avaient forcé d'accepter, avec l'empire, les lois sanguinaires des anciens peuples. Celui qui enseigne le pardon des

(1) Législation historique du Sacrilege, Paris, 1823.

V.

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