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SORCELLERIE, SORCIERS, SORTILEGE. C'est une croyance aussi ancienne que le monde, et consacrée par toutes les religions, sans en excepter le christianisme, que des hommes peuvent se livrer au démon ou esprit du mal, être possédés par lui et opérer par son moyen des prodiges et des maléfices. Ceux qu'on suppose avoir acquis ce pouvoir ou être immédiatement sous celui du diable ont été nommés magiciens ou sorciers. On leur attribue une multitude d'opérations miraculeuses telles que le sortilége ou maléfice, l'enchantement, l'évocation des morts ou des mauvais esprits, la découverte des trésors cachés, celle des plus grands secrets, la divination, le don de prophétie, celui de guérir par des pratiques mystérieuses les maladies les plus opiniâtres, la fréquentation du sabbat, etc. Une idée de cette dernière cérémonie sera donnée plus bas au paragraphe FRANCE. L'idée de l'existence de deux principes influens sur cet univers, l'un en bien, l'autre en mal, est la source unique d'où sont découlées la magie, l'astrologie qu'on a nommée judiciaire, et la sorcellerie. Les deux premières, antérieures à l'autre, font voir par leur nom seul qu'il faut remonter au premier des Zoroaste pour trouver l'origine de cette croyance en un pouvoir surnaturel. Mais cet ancien adorateur du ciel ne l'eût-il-pas fondée, il est vraisemblable que le penchant naturel des hommes vers le merveilleux l'eût établie plus tard. On l'a trouvée, en effet, chez la plupart des nations sauvages; elle accompagne spécialement l'ignorance et la barbarie. Aujourd'hui même, que le démon a reculé devant

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la saine philosophie et les lumières répandues par le progrès des sciences naturelles, on voit encore dans les campagnes des restes de cette antique superstition. - Il paraît que les anciens magiciens, loin d'être persécutés comme ils le furent depuis, jouissaient au contraire d'une grande considération. On en voit des exemples dans la Bible même qui contient les premières lois faites contre eux. Le christianisme, en établissant d'une manière positive l'existence de l'esprit malin et son commerce avec certains hommes, arma contre ceux-ci toute la rigueur de la loi politique, influencée par le zèle religieux. La peine du feu fut généralement décernée contre le crime de magie et de sortilége, et l'on ne doit pas s'en étonner après avoir vu ce supplice infligé à l'hérésie. La condamnation des sorciers était au moins, dans presque tous les cas, et sauf les injustices commises sous ce prétexte, assez motivée par les vrais délits et les crimes dont se rendaient coupables ceux qui affectaient un tel pouvoir. Leurs opérations, en effet, consistaient souvent en empoisonnemens réels, frayeurs dangereuses, vols, etc. Comme la plupart des détails relatifs aux différens genres d'opérations magiques ont été donnés dans différens articles de cet ouvrage, je me bornerai ici à indiquer la pénalité qui y a été attachée dans les pays où la législation s'en est plus spécialement occupée.

ALLEMAGNE. Sous l'empire des lois encore en vigueur au dernier siècle, la sorcellerie était considérée comme un crime tellement dangereux et punissable que, pour donner la question à celui qui

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en était prévenu, il suffisait des indices suivans : l'offre d'apprendre la sorcellerie aux autres, la menace d'ensorceler quelqu'un, lorsqu'il s'ensuivait quelque effet; une liaison particulière avec des gens réputés sorciers, l'usage de choses suspectes de sortilège, enfin tout ce qui, dans la contenance, les paroles ou la conduite, pouvait faire induire l'un des indices déjà indiqués. La peine du feu était décernée par les mêmes lois contre celui qui causait dommage à quelqu'un pour sortilège. Hors le cas de dommage, le sortilége était puui selon l'exigence et la nature des circonstances du fait la peine était ordinairement le bannissement à perpétuité. En 1749 ou 1750, dans l'évêché de Würtzbourg, en Franconie, on brûla une femme convaincue d'être sorcière: cette sorcière était une jeune dame de qualité, abbesse d'un couvent. De parcils faits si rapprochés de nous étonnent aujourd'hui au point qu'on a peine à les croire. ANGLETERRE. Blackstone, dans son Commentaire sur le Code criminel d'Angleterre, s'écrie, à propos de la sorcellerie: Nos ancêtres étaient de robustes croyans. » Il aurait pu en dire autant des jurisconsultes et des théologiens contemporains qui tous s'accordent à admettre l'existence des sorciers, qu'on ne peut, il est vrai, nier d'une manière générale sans nier également les Écritures. Ainsi Barron, Tillotson, Stillingfleet, Jenkin, Prideaux, Clarcke, Loke, Vossius, ce dernier surtout, reconnaissent et affirment la possibilité du commerce des hommes avec le démon. Le roi Jacques, surnommé par Henri IV maître Jacques, ce grand en

nemi de la communion romaine et du pouvoir papal, avait fait imprimer sa Démonologie, ouvrage dans lequel il reconnaît des ensorcellemens et des démons incubes et succubes. On vit, à Londres, la duchesse de Glocester accusée d'avoir attenté à la vie de Henri VI par des sortiléges. Une malheureuse devineresse et un prêtre imbécille ou scélérat qui se disait sorcier, furent brûlés vifs pour cetto prétendue conjuration. La duchesse fut heureuse de n'être condamnée qu'à faire une amende honorable en chemise, et à une prison perpétuelle. L'esprit de lumière et de philosophie qui, depuis, a fait tant de progrès en Angleterre, en a chassé les démons et la superstition, comme dans tous les pays où il a pénétré; mais dans la législation anglaise on retrouve les traces de l'ancienne barbarie. Ainsi le statut 33 de Henri VIII, ch. 8, et le 1o de Jacques 1, ch. 12, décernèrent la peine de mort contre tous les coupables de pratiques diaboliques ces lois en font une longue énumération, dans laquelle figure le fait d'avoir nourri et récompensé les esprits malins ! On pendait des malheureux accusés de pareils délits, même lorsqu'ils n'avaient par là causé aucun dommage; et, jusqu'au milieu du dernier siècle, plusieurs vieilles femmes ont été sacrifiées aux préjugés de leurs voisins ou à leurs propres illusions : quelquesunes ont poussé la folie jusqu'à s'avouer sorcières à la potence. Les exécutions pour ce crime douteux n'ont cessé que lors de la publication du statut 9 de Georges II, ch. 5, imité de celui de Louis XIV. Le pilori et l'emprisonnement pour un

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an remplacèrent la peine de mort. Déjà un sage magistrat, lord Mansfield, avait réussi à sauver, malgré la fureur de la populace, une vieille femme accusée de sorcellerie et contre laquelle les témoins ne produisaient autre chose sinon qu'ils l'avaient vue marcher en l'air, la tête en bas et les pieds en haut. « Je ne doute pas du fait, dit le lord, mais cette femme est Anglaise et libre: je ne connais pas de loi qui défende de se promener en l'air la tête en bas et les pieds en haut. Ce discours calma les esprits, et la vieille femme sortit sans être inquiétée. CEYLAN. Voyez Vol. ESPAGNE. L'inquisition condamnait, sous l'influence de la cour de Rome, tous les genres de sorcelleries fort communs dans le moyen âge, et surtout celui qui consistait à invoquer les démons pour en obtenir des faveurs. Cette pratique s'était fort répandue en Catalogne dans le quatorzième siècle : il paraît certain qu'un grand nombre de personnes, auxquelles on fit leur procès, rendaient à Satan, qu'elles honoraient comme une divinité ennemie de Dieu et revêtue d'une puissance au moins égale à la sienne, un culte de latrie avec toutes les cérémonies qu'emploient les catholiques. Il existait même alors un livre intitulé la Clavicule de Salomon, sur lequel on jurait lorsqu'on voulait s'engager à quelque chose par serment, comme les chrétiens jurent sur l'Évangile. Tel est le degré de folie où peut conduire la superstition; mais les bûchers en étaient-ils le remède, lorsque ceux qui les allumaient affirmaient hautement que la sorcellerie était non-seulement possible mais réelle? Les juges étaient eux-mêmes tellement

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