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Grégoire de Tours rapporte que Chilpéric Io, qui se piquait d'être théologien, poète et grammairien, ayant voulu, en cette dernière qualité, introduire une nouvelle orthographe, deux maîtres d'école aimèrent mieux se laisser essoriller (couper les oreilles) que d'accepter cette innovation.

Il est parlé de ce genre de peine dans deux anciennes ordonnances, l'une du mois de mars 1498, et l'autre du 24 juillet 1534. Jean Doyac, dont les services, comme espion et délateur, avaient mérité la faveur de Louis XI, fut essorillé et fustigé en 1584, pour avoir attenté sur les biens et les personnes de quelques princes. Cette peine se trouve établie dans nombre de coutumes, notamment dans celle d'Anjou, art. 148, et dans celle de Loudunois, chapitre 39, art. 12. La coutume de la Marche la prononce contre ceux qui, ayant été bannis à perpétuité, osent reparaître dans le pays. Il paraît qu'autrefois ce supplice était particuliè rement infligé aux voleurs. Les patiens subissaient cette opération au haut d'une potence permanente, qu'on appelait alors échelle. Voy. ce mot, t. III, p. 445. Voici ce qu'en rapporte Sauval: A un serviteur larron, ou coupeur de bourses, on lui coupait l'oreille pour la première fois, et pour la seconde, l'autre, après quoi la mort suivait la troisième. Quand le vol de la première fois était considérable, on leur coupait l'oreille gauche, d'autant qu'il y a en icelle une veine qui répond aux parties naturelles, laquelle étant coupée, rend l'homme incapable de pouvoir engendrer, afin telle race de gens ne laissassent au monde une

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engeance vicieuse et méchante, dont il n'y en a que trop.... A Paris, en ce petit carrefour que l'on voit entre le bout du pont Notre-Dame, la Macque, Saint-Jacques de la Boucherie et la Grève, où jadis il y avait une échelle comme celle du Temple, cette place était nommée le carrefour GuigneOreille, à cause de cette exécution, et en langage corrompu, Guillori, par le vulgaire. (Le carrefour dont parle Sauval porte encore aujourd'hui le même nom.) Une ordonnance du 24 juillet 1484, tendant à réprimer les excès des clercs, pages et laquais qui s'entrebattaient dans les rues, insultaient les passans, et portaient des armes meurtrières, prononce contre les coupables la peine du fouet, jointe à celle d'avoir les oreilles coupées. - Le supplice de l'essorillement est encore en usage dans nos colonies, à l'égard des esclaves fugitifs. Voy. AMPUTATION, t. I, p. 525; ADULTÈRE, t. I, p. 102; ABIGEAT, t. I, p. 37; Bourgeois, t. III, p. 49; DÉLATEUR, t. III, p. 350.

OREILLES ARRACHÉES. Voyez TRAHISON (haute).

OREILLES (CLOUÉ PAR LES). On trouve ce supplice en usage en Turquie. Le marchand qui vend à faux poids est condamné à l'amende, à la bastonnade, et on le cloue par l'oreille à la porte de sa boutique. - En Angleterre, le statut v d'Elisabeth, ch. 9, a attaché à la subornation l'infamie perpétuelle avec une amende de 40 liv., et, à défaut de paiement, six mois de prison, après avoir été cloué au pilori par les oreilles.

OREILLES PERCÉES. Chez les Romains, il n'y

avait, outre les dames, que les esclaves, les affranchis et leurs enfans, qui eussent l'oreille percée. C'était une marque de servitude. Voy. ADULTERE, t. 1, p. 102.

ORGE. Au rapport de Polybe, un des châtimens militaires en usage chez les Romains était de donner aux soldats de l'orge au lieu de blé, ce qui était réputé une honte pour eux. On infligeait principalement cette peine à ceux qui avaient abandonné leur poste, et que la décimation, peine ordinaire de ce crime, n'avait pas atteint.

OS BRULÉS. Sous le régime de l'inquisition ancienne, on brûlait sur un bûcher les ossemens des hérétiques morts avant d'avoir été réconciliés, c'est-à-dire, absous par les inquisiteurs, et ayant subi certaines pénitences publiques à la porte de l'église pendant trois, cinq ou sept ans. Lors de l'exécution des Templiers, sous Philippe-le-Bel, la rage superstitieuse fut poussée jusqu'à attaquer les morts: leurs ossemens furent déterrés, brûlés et leurs cendres jetées au vent.

OSSELETS, en latin cudiculæ, petit bâton au travers duquel on passait une corde formant un nœud coulant dont on serrait les doigts, le poignet, et quelquefois le cou de ceux qu'on menait en prison.

OSTAGER. On nommait ainsi, dans l'ancienne jurisprudence, le débiteur forain que son créancier constituait prisonnier. On l'appelait ostager parce qu'il était retenu par forme d'ostage. Voy. DÉBITEUR, t. III, p. 325.

OSTRACISME, loi par laquelle le peuple athé

nien condamnait, sans flétrissure ni déshonneur, à dix ans d'exil, les citoyens dont il craignait la trop grande puissance, et qu'il soupçonnait de vouloir aspirer à la tyrannie. Le premier Athénien frappé par cette loi fut Hypparchus, parent de Pisistrate. C'était la tyrannie de ce dernier qui avait occasioné l'établissement de l'ostracisme. Ce mot dérivait du grec orтpazov, qui signifie coquille; on l'employa pour désigner les suffrages en cette occasion, parce que chaque citoyen écrivait sur une coquille le nom de celui qu'il jugeait devoir être banni. Voy. BANNISSEMENT, t. II, p. 296.

OTAGES, citoyens qui se livrent eux-mêmes, ou qui sont livrés par l'État auquel ils appartiennent, à un autre État ou souverain, pour garantie de l'exécution d'une convention politique. On a agité la question de savoir si celui à qui sont donnés des otages, peut les faire mourir, au cas d'inexécution des engagemens. On répond que les otages eux-mêmes n'ont pu donner à l'ennemi aucun pouvoir sur leur propre vie, dont ils ne sont pas les maîtres; et que, pour ce qui est de l'État qui les a livrés, il ne peut pas plus les rendre responsables de son infidélité au péril de leur vie, qu'il ne peut faire que l'innocent soit coupable. Tout droit à leur égard demeure borné à les retenir prisonniers jusqu'à ce que les conditions du traité soient remplies. Il y a une troisième sorte d'otages: ce sont ceux que l'on prend de force. Le 12 juillet 1799, il fut rendu en France unc loi appelée loi des otages; elle prescrivait des mesures contre les parens d'émigrés et les nobles,

et autorisait les administrateurs des départemens à les prendre comme otages, en cas de troubles, et de séquestrer leurs biens.

OUBLIETTES. C'était un lieu, dans certaines prisons, en France, où l'on mettait autrefois ceux qui étaient condamnés à une prison perpétuelle. Ces cachots, humides et obscurs, étaient appelés ainsi, à cause que ceux qu'on y enfermait, ne paraissant plus, étaient entièrement oubliés. Hugues Aubriot, prévôt de Paris, qui fit bâtir la Bastille, en 1369, par ordre de Charles V, ayant été poursuivi en jugement, par le clergé et l'Université, pour crime d'impiété et d'hérésie, fut condamné à être prêché et mitré publiquement au parvis de Notre-Dame, et, après cette exposition, à être mis en l'oubliette au pain et à l'eau. Ce fut à la prison du Fort-l'Évêque, d'où il fut tiré depuis par les Parisiens insurgés. La prison de l'Officialité avait aussi alors ses oubliettes.- Lorsque l'assemblée

nationale établit ses bureaux dans le couvent des capucins, évacué d'après son décret du 6 juillet 1790, en parcourant ce bâtiment, on découvrit dans un lieu secret, à gauche et au fond d'un corridor qui communiquait au cloître, ce que les religieux nommaient oubliettes ou in pace. C'était deux cachots étroits, pratiqués dans deux des angles d'une pièce à demi-souterraine, et formés par une forte cloison composée de gros madriers de chêne, unis entre eux par des liens de fer, le tout recouvert de maçonnerie. La seule ouverture par laquelle les vivres et le jour pouvaient momentanément pénétrer dans ce cachot, avait environ un

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