Page images
PDF
EPUB

dans ces derniers temps), heureusement, dis-je, que nous pouvons poursuivre nos travaux dans un pays fondé sur la librerecherche, soutenu par la libre recherche, dont les enfants sont habitués à laisser une place au soleil à toutes les opinions, à toutes les croyances, à toutes les vérités, pourvu qu'elles convergent dans un seul but: le bien de

tous.

Certes, ce n'est pas sans peine que cette liberté de la pensée et de l'action, de la science et de la croyance a été conquise pour ce petit coin de terre que nous habitons, et ce n'est pas sans lutte qu'elle s'y soutient. Et si je rapproche de cette fête paisible d'un homme de science, que la force pouvait fléchir un instant, mais que sa conscience mathématique fit se redresser comme un ressort au moment où la pression cessait, - si je rapproche de cet anniversaire un autre qu'on voudrait nous faire célébrer ici même sur cette terre de liberté, anniversaire de l'intolérance incarnée, qui faisait bannir, pendre, brûler vifs même les hommes qui avaient le malheur de penser autrement, de concevoir autrement que le législateur implacable, ah! Messieurs, mon cœur se serre, surtout si je réfléchis que l'un venait après l'autre, et que la victime de l'inquisition n'était pas encore poursuivie quand le persécuteur de Servet venait au monde.

[ocr errors]

On aurait tort de croire, Messieurs et chers collègues, que ces luttes ont cessé, que la raison a triomphé et que la libre recherche ne rencontre plus d'obstacles. Même dans les pays qui, sous d'autres rapports; peuvent se dire les plus libres du monde, la lutte se renouvelle sans cesse, et si la forme de la persécution a changé, le fond en est resté le même.

L'intolérance cherche toujours à poser une limite que,

suivant elle, la libre recherche ne doit pas franchir, et, à l'exemple de ces défenseurs désespérés qui élèvent de nouveaux bastions derrière les remparts détruits par les agresseurs, elle recule seulement pas à pas en accumulant de nouvelles barricades lorsqu'une de ses positions est devenue insoutenable.

Je crois, Messieurs, que toute Société libre et indépendante est appelée à prendre sa part dans cette lutte incessante et toujours renouvelée, et que sa vie elle-même dépend de la part qu'elle y prend réellement. Voyez, en effet, combien dans tous les pays les Sociétés, libres comme la nôtre, se trouvent à la tête du mouvement scientifique, litté raire et artistique, tandis que là où une influence gouvernementale ou despotique gêne la liberté des mouvements, imprime une tendance déterminée, défend les écarts d'une ligne tracée d'avance, les travaux sont frappés de stérilité et les résultats minimes vis-à-vis des sacrifices que l'on fait !

Je le répète, Messieurs, nous devons nous réjouir d'exister dans un pays où toutes les tendances peuvent se faire jour, où toutes les opinions peuvent se faire entendre, et où les travaux, portant le cachet d'une recherche sérieuse de la vérité, trouvent un écho et une récompense dans les applaudissements des concitoyens. Nous devons nous réjouir même des attaques; ne sont-elles pas une preuve palpable de cette liberté, dont nous sommes fiers, que nous réclamons pour le bénéfice de tous, de nos amis et de nos adver saires, et sans laquelle nous ne voudrions pas exister?

-

Genève célébrera cette année la fête de son entrée dans la Confédération suisse. Ce n'est pas l'échange d'une domination étrangère contre une autre que nous fêterons en septembre, c'est la libre accession d'un petit peuple, fier de son

indépendance, à une réunion de frères, ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs. L'Institut, je puis vous en donner l'assurance positive, prendra sa place dans cette fête commémorative, pour laquelle une de ses Sections a déjà proposé un prix relatif à l'histoire de cette époque, tandis qu'une autre cherchera à la faire embellir par des productions poétiques.

En lieu et place de notre secrétaire général, éloigné depuis longtemps de nous et des affaires publiques par une maladie cruelle, je dois vous rendre compte de nos travaux pendant l'année écoulée. Certes, Messieurs, ces travaux se sont ressentis de la circonstance pénible que je viens de mentionner. Le secrétaire général est, il ne faut pas l'oublier, la cheville ouvrière de l'Institut entier; c'est de son activité, de son intelligence que dépend la marche harmonieuse des Sections, l'expédition des affaires, la publication des Mémoires et des Bulletins, la tenue régulière des comptes, l'échange des correspondances et des publications avec d'autres Sociétés savantes. Vous savez tous, Messieurs, quel intérêt vouait M. Viridet à tous ces travaux si variés; quel zèle il mettait pour remplir les obligations attachées à son poste, et combien, l'Institut en général et la Section d'Agriculture en particulier, doivent à son dévouement sans bornes. C'est avec un vif regret que nous voyons notre honorable confrère se retirer de nous: en faisant des vœux pour que cet éloignement ne soit que de courte durée et que sa santé puisse bientôt lui permettre de reprendre ses travaux scientifiques, nous agissons certainement dans les vues de tous, en lui exprimant les remerciements de l'Institut entier pour les services qu'il lui a rendus.

La publication des Mémoires et des Bulletins, interrompue à cause des fréquentes absences que réclamait la santé de

[ocr errors][ocr errors]

notre cher confrère, a été reprise avec énergie, grâce au concours que nous ont prêté MM. Vaucher et Menn. Le premier s'est surtout chargé de la révision des épreuves et de tous les travaux en rapport avec l'imprimerie, et nous lui exprimons ici notre gratitude.

Quant à M. Menn, il s'est chargé spécialement de la bibliothèque et des soins administratifs, qui regardent nos collections, notre ameublement et notre installation dans les salles que nous occupons maintenant. Votre comité de gestion a reconnu, par l'expérience, qu'un partage des fonctions du secrétaire général dans ce sens aurait de grands avantages M. Menn ayant déjà son occupation journalière dans le bâtiment même où se trouve son atelier, il vous est proposé une modification qui réglera à l'avenir les fonctions de bibliothécaire-adjoint.

Les meubles destinés aux Sections et à l'Institut en général sont maintenant installés. La bibliothèque s'est considérablement accrue par 250 numéros à peu près, reçus cette année; les relations avec les autres Sociétés savantes en Suisse et à l'étranger ont été étendues, et les échanges de nos publications avec celles de ces Sociétés se sont multipliées. Les Académies de Savoie, de Vienne, de Palerme, les Sociétés de biologie à Paris, d'histoire naturelle de Bâle, les Instituts de New-York et de Washington, et plusieurs Sociétés d'agriculture en France et en Allemagne, ont déjà répondu à notre appel, et bien d'autres Sociétés savantes sont dans ce moment en négociation avec nous pour l'échange de nos publications. Les relations nouées jadis avec d'autres Sociétés ont été reprises, et nous pouvons espérer que sous peu notre bibliothèque offrira des séries de publications utiles à consulter, et qu'il est souvent difficile de se procurer ailleurs.

Presque toutes les Sections se sont adjointes des membres nouveaux, actifs, honoraires ou correspondants; - ces derniers choisis parmi les hommes illustres en Suisse et à l'étranger, et qui ont contribué aux travaux de l'Institut par des communications ou des envois.

La marche des Sections est en général satisfaisante. Je placerai en première ligne la Section des Sciences morales et politiques, qui s'est distinguée, cette année, par des séances nombreuses, par des lectures intéressantes des membres sur des sujets variés, et par des discussions vives et approfondies sur ces travaux et sur plusieurs autres sujets de son domaine. Parmi les Mémoires lus, nous citerons ceux de M. Cambessedes, sur l'instruction publique dans le canton de Genève; de M. Dameth, sur la philosophie de l'histoire; de M. Disdier, sur l'éducation intellectuelle et morale du genre humain; de M. George, sur l'association et l'Etat, et sur la définition de l'Etat; de MM. Meun et Thioly, sur la convention littéraire conclue avec la France; de M. Oltramare, sur l'histoire de l'enseignement public; de M. Verchère, sur la bataille d'Alcacir et sur un catéchisme révolutionnaire; de M. Vuy, sur des chartes inédites et sur la villa Quadruvium. Plusieurs de ces Mémoires ont été publiés, d'autres vont être livrés à l'impression.

La discussion la plus importante, peut-être, qui a occupé la Section pendant trois séances consécutives, a eu lieu sur l'instruction publique dans le canton, à propos de la loi récemment proposée au Grand Conseil. On sait que le Congrès de Gand s'était occupé de cette question, et que l'état de l'instruction publique à Genève y avait valu au canton, de la part de MM. Jules Simon et d'autres juges compétents, les éloges les plus flatteurs. La grande majorité de la Section s'est prononcée, après une discussion remarquable, pour la

« PreviousContinue »