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montagnes, semble être en relation avec le développement des industries ou des occupations sédentaires, qui font plus ou moins obstacle au libre fonctionnement des organes respiratoires, on est amené à penser que, pour prévenir le développement de la tuberculose pulmonaire chez l'homme, il faut non-seulement un renouvellement constant de l'air ambiant, qu'il soit chaud ou froid, sec ou humide, à une pression barométrique basse ou élevée, mais il faut aussi que, par suite d'occupations actives, cet air, largement inspiré, pénètre profondément les vésicules pulmonaires. L'air INTUS et EXTRA semble être le meilleur prophylactique, non pas le curatif, de la phthisie pulmonaire.

(La suite au prochain numéro.)

SUR LA RÉSISTANCE DES BACTÉRIES

A LA CHALEUR,

Par M. le D' E. VALLIN,

Professeur d'hygiène au Val-de-Grâce.

La chaleur est un moyen puissant de détruire les organismes inférieurs; en général, l'ébullition continuée pendant un temps variable et assez court supprime sans retour toute manifestation de la vie dans les liquides organiques complétement soustraits au contact de l'air. Cependant, tout le monde était d'accord pour reconnaître que dans certaines conditions mal déterminées, malgré une ébullition prolongée plusieurs heures, des infusions contenues dans des tubes hermétiquement scellés à la lampe se troublaient au bout de peu de jours et se peuplaient d'organismes, en particulier de bactéries. Ces faits étaient invoqués par les uns comme un argument en faveur des générations spontanées, par les autres comme un obstacle à l'adoption des procédés de désinfection par la chaleur.

Dans un récent mémoire, J. Tyndall (1) jette un grand jour sur cette question, aussi bien au point de vue doctrinal qu'au point de vue des applications à l'hygiène pratique.

Au commencement de l'année dernière, l'atmosphère du laboratoire de Tyndall fut infectée par les poussières provenant de vieux foin desséché qui avait servi aux études optiques du célèbre physicien sur les particules en suspension dans l'air. Jusque-là, les infusions végétales et animales les plus diverses, après avoir été soumises à l'ébullition pendant cinq ou dix minutes dans des tubes à l'abri de l'air extérieur, restaient indéfiniment claires et limpides, aucun organisme ne s'y développait; l'infusion en un mot était stérilisée par la destruction de tous les germes contenus dans le tube. Depuis l'introduction du foin, au contraire, l'ébullition devait être prolongée pendant plusieurs heures, au moins pendant plus de cent quatre-vingts minutes; toutefois le liquide de certains tubes se troublait encore et se remplissait de bactéries, après avoir subi l'ébullition pendant quatre ou cinq heures, et même après trois cent trente minutes; quand on opérait sous un hangar, à six mètres du laboratoire, ou à Kiew, une ébullition de cinq minutes suffisait pour stériliser complétement la même infusion. Et cependant, dans aucun cas, les poussières suspendues dans l'air ne pouvaient rentrer dans l'appareil après l'ébullition. L'appareil représentait un très-gros tube à thermomètre; la partie renflée recevait le liquide; dans l'extrémité supérieure du tube rétréci on introduisait un tampon d'ouate purifiée, on effilait et l'on scellait à la lampe le tube de verre à quelques centimètres au-dessus du bouchon d'ouate; le liquide était soumis à l'ébullition pendant quelques mi

(1) Tyndall, Further Researches on the deportment and vital persistence of putrefactive and infective organisms from a physical point of view. (Philosophical transactions of the Royal Society, 1877, vol. 167, p. 149.

nutes ou plusieurs heures, et quand il était refroidi on brisait la pointe effilée du tube; l'air pouvait alors entrer librement dans le réservoir, mais la ouate le filtrait de la façon la plus absolue, elle retenait toutes les particules qu'il aurait pu entraîner. Cette difficulté extraordinaire et accidentelle de stériliser ses infusions inspire à Tyndall de justes réflexions dont peut bénéficier l'hygiène; c'est un avertissement, pour ceux qui se livrent à la préparation des conserves de légumes ou de viandes, d'avoir à se préserver, pendant ces opérations, des poussières si tenaces du vieux foin desséché; il aurait pu blâmer, à ce point de vue, l'usage souvent adopté d'entourer de foin les flacons de verre remplis de fruits ou de légumes préparés en conserve, avant de les soumettre à l'ébullition terminale; il croit que cette infection de l'air par les poussières de foin donne l'explication d'un grand nombre de déboires industriels. Tyndall rapproche surtout les circonstances contre lesquelles il a eu à lutter, des influences épidémiques et nosocomiales que le chirurgien rencontre dans les hôpitaux : il va même plus loin, et il se demande si les mêmes germes qui amenaient la putréfaction de ses infusions, qui putréfient aussi bien le poisson, la viande, ne seraient pas capables, introduits dans une salle d'hôpital, de rendre les plaies putrides; s'il en était ainsi, dit-il, les désinfectants ordinaires seraient-ils capables de détruire ces germes si rebelles?

Quoi qu'il en soit, pendant plus de trois mois Tyndall se proposa pour but unique la solution de ce problème : Pourquoi, dans le cas actuel, la résistance à l'ébullition varie-t-elle d'une façon aussi extraordinaire? La solution lui paraissait d'autant plus désirable, que déjà ses adversaires voyaient dans ces faits la confirmation d'opinions qu'il n'a jamais cessé de combattre. Voici l'ingénieux raisonnement qui le conduisit à un procédé opératoire tout

nouveau, à l'aide duquel il put désormais détruire avec certitude toute vitalité dans les liquides les plus réfractaires.

Les bactéries nous sont connues sous deux formes : à l'état de graines ou de gernies microscopiques, on pourrait presque dire ultramicroscopiques, et sous l'état de bactéries complètes ou adultes. Ces germes sont d'une petitesse extrême, ne paraissent pas avoir de structure appréciable par les microscopes actuels; ils ne se différencient pas des poussières qui voltigent dans l'air, sinon par ce fait que, lorsqu'on les sème dans un milieu favorable, ils donnent naissance à des bactéries. Lorsqu'on nous demande de déterminer la nature de graines très-fines et très-variées qu'on nous met dans la main, dit ailleurs Tyndall, au lieu d'en examiner des coupes sous le microscope, nous les semons, et par les plantes qu'elles produisent nous reconnaissons exactement à quelles espèces elles appartenaient. C'est ainsi que nous distinguons les germes de bactéries des grains de poussière au milieu desquels ils voltigent dans l'atmosphère. Les bactéries adultes, beaucoup plus volumineuses, ne se rencontrent jamais dans l'air ; la dessiccation peut les détruire, et c'est ce qui a conduit BurdonSanderson (1), Bastian et Cohn, à dire que la bactérie, non plus que la matière germinale dont elle procède, n'existent pas dans l'air ordinaire, qu'elles n'existent que dans l'eau ; ce qui est une erreur, mais une erreur mêlée de vérité.

La vitalité de la bactérie est précaire, limitée, elle est détruite par une température inférieure à celle de l'ébullition et même par celle de +60 degrés centigrades.

La bactérie-germe, au contraire, a une résistance extraor dinaire aux agents physiques et chimiques; cette résistance

(1) On the Origin and distribution of Bacteria in water. Appendix to the 13o Report of the med, officer of the Privy Council for 1871.

est d'autant plus grande que les germes sont plus anciens. et qu'ils ont été plus complétement desséchés.

Dans ces grains de blé trouvés dans les tombeaux des Pharaons et que Tournefort réussit à faire germer, la vie ne se réveillait-elle pas plus lentement que dans les graines provenant de la récolte de l'année ? Les infusions faites par Tyndall avec du foin récent étaient stérilisées par une ébullition de 5 à 10 minutes; l'ébullition prolongée 5 et 6 heures ne suffisait pas toujours pour détruire les germes dans les infusions faites avec du foin datant de plusieurs années, et voici pourquoi : Quand les germes de bactéries rencontrent des conditions de milieu favorables, de l'humidité, de la chaleur, un sol ou un liquide fertile, elles se transforment en bactéries adultes, en passant par une série de changements que Tyndall appelle période de latence, et qui dure au moins 24 heures; c'est un intervalle comparable à celui qui sépare l'ensemencement de l'apparition de la plantule. Lorsque l'ébullition n'a lieu qu'une fois, fût-elle continuée pendant plusieurs heures, dans un liquide chargé de germes, un certain nombre de ceux-ci, dont l'évolution plastique a commencé, sont détruits par la chaleur de + 100 degrés, qui détruit également toutes les bactéries adultes. Mais un grand nombre de germes complétement desséchés, dans lesquels la vie sommeillait plus complétement et restés par conséquent réfractaires à cette haute température, n'ont commencé à faire leur évolution dans ce liquide fertile qu'au moment où il était déjà à demi refroidi; ils ne sont arrivés à l'état adulte que vingt-quatre heures après la fin de l'ébulli tion, il n'est donc pas étonnant que le liquide se trouble bientôt et se peuple de bâtonnets mobiles. Plus le germe approche du moment où son évolution organique s'achève, dit Tyndall, plus il est susceptible de subir les influences qui détruisent si facilement la vitalité de la bactérie. Supposons une température de 100 degrés ou même moins appliquée au germe

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