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que jadis les Marseillais niaient la faculté du développement de la peste en leur ville. N'a-t-on pas considéré la fièvre typhoïde comme extrêmement rare, presque nulle, en Algérie? D'où la première pensée d'une célèbre doctrine: celle de son antagonisme avec les fièvres intermittentes.

Or, notre armée d'Afrique en est atteinte aussi fréquemment, et parfois plus gravement, que les garnisons de l'intérieur. A une latitude plus méridionale enfin, l'armée anglaise fournit la preuve de sa fréquence jusque sous les tropiques.

Ce rôle important de la fièvre typhoïde en Algérie et même dans l'Inde n'est pas un fait récent, signalant son extension toute moderne dans des régions où elle n'aurait pas existé il y a trente ans.

Lors de mes premiers travaux sur les fièvres intermittentes, je me suis imposé la tâche ingrate de relire, observation par observation, les descriptions anatomiques et cliniques des auteurs qui écrivaient sur les fièvres d'Algérie au début de notre conquête, sur celles de l'Inde au commencement de ce siècle ; j'ai pu ainsi établir que plusieurs des malades, notés comme ayant succombé à des accès pernicieux, présentaient les lésions irréfutables de la fièvre typhoïde.

On a voulu à tort rapporter exclusivement les pyrexies des pays chauds aux influences du sol et des météores, affirmant qu'en ces pays il n'y avait pas place pour une modalité pathologique propre aux climats tempérés.

Or, non seulement la fièvre typhoïde est commune dans la zone intra et juxta-tropicale, mais même elle y constitue, d'après nous, un mode fréquent de continuation, de transformation des fièvres continues et palustres; nous avons longuement développé cette opinion (1), qui est une des

(1) Traité des fièvres intermittentes (page 287 et suiv.); art. MIASMES (page 529), et art. ROME (page 169) du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales.

bases principales de notre croyance à la spontanéité de la fièvre typhoïde, à la non-spécificité de sa cause, malgré le caractère typique de son évolution et de ses lésions, malgré même sa contagiosité.

CONCLUSIONS. -1° Si le soldat est atteint de fièvre typhoïde plus souvent que l'habitant des villes où il tient garnison, l'on n'est point autorisé, dans la majorité des cas, à considérer cette fréquence relative du mal comme le résultat de foyers morbifiques d'une intensité spéciale, engendrés par le milieu militaire lui-même.

2o La prédominance de la fièvre typhoïde dans l'armée dépend surtout du degré de réceptivité spécial aux agglomérations d'hommes jeunes, robustes, non accoutumés au séjour des villes. Retranchez de l'ensemble de la population d'une petite localité les enfants, les vieillards, les cachectiques, ceux qui, par âge ou par santé, sont relativement réfractaires à cette maladie, vous augmenterez certainement les chances d'atteinte parmi ceux qui constitueront le noyau de cette sélection. Ces chances atteindront leur maximum, comme dans l'armée, si vous soumettez cette population ainsi réduite aux influences de la vie en commun et de la résidence dans un grand centre de population.

3o Si l'armée française a été considérée longtemps comme particulièrement sujette à la fièvre typhoïde, et plus spécialement dans les garnisons de l'intérieur, cette opinion indique la lenteur de la diffusion dans le monde des découvertes de l'École française qui, la première, a su en établir les caractères cliniques et anatomiques.

4° L'accroissement de mortalité de l'armée par fièvre typhoïde est le résultat, non pas d'une insalubrité aujourd'hui plus grande du milieu militaire, mais d'une proportion actuellement plus considérable de réceptivité à l'affection.

Cet accroissement démontre l'influence des prédisposi

tions de l'organisme dans la constitution des milieux épidémiques. D'ailleurs si la fièvre typhoïde trouve des conditions de développement plus favorables dans notre armée actuelle, parce que cette armée est plus jeune, on a chance de voir diminuer d'autant les affections spécialement propres aux vieux soldats. C'est ainsi que les résultats officiels de la statistique établissent une diminution marquée de la mortalité par phthisie pulmonaire, cette autre affection dominante chez les soldats; diminution largement compensative, puisqu'en somme la mortalité totale de l'armée continue à décroître d'année en année.

5o La multiplicité des influences typhoïgènes, leur accumulation dans les épidémies à évolution rapide et à mortalité considérable, leur dissociation et leur atténuation dans les régiments soustraits au milieu morbifique, semblent indiquer que la cause de la maladie est elle-même inconsistante, décomposable et ne se résume pas en un agent unique, préformé, offrant les attributs des causes exclusives et spécifiques.

6o L'immunité relative des armées en campagne démontre que l'extrême réceptivité du soldat ne suffit pas à la création spontanée de la maladie dont certaines impressions morbifiques, résumées dans l'atmosphère des grandes villes, semblent être la cause la plus efficace.

7° Les résultats obtenus, dans l'armée, par l'évacuation des foyers morbifiques, pourraient être le point de départ de mesures analogues pour la population civile. Rien n'est lamentable comme ces relations d'épidémies limitées à une ferme, à un hameau, sans que l'on ait songé à soustraire les victimes à l'influence d'un milieu meurtrier.

Il y a quatre ans, je communiquais à l'Académie un travail prouvant l'innocuité de la réunion des varioleux en nombre considérable, travail appuyé sur l'agglomération, à l'hôpital de Bicêtre, de près de 8000 soldats atteints de cette affection, et je concluais à l'inanité des dangers re

prochés à la concentration de ces malades en un même établissement. Cette observation a fourni un argument de plus en faveur de la création d'hôpitaux spéciaux pour les varioleux. Pour la fièvre typhoïde, je plaiderais volontiers la thèse opposée; aussi j'invoque cette fois, devant l'Académie, l'exemple de l'armée pour la réalisation, encore à l'avantage de la population civile, d'une mesure d'un tout autre genre, ayant un caractère plutôt libéral que restrictif et méritant un des premiers rangs parmi les mesures sanitaires l'évacuation du foyer typhoigène.

LA SCROFULE AU HAVRE (1)

Par M. le docteur J. Henri GIBERT.

Je me propose d'étudier un point spécial de l'histoire de la scrofule, ou, si vous voulez, une question d'hygiène générale concernant la scrofule au Havre. Ce n'est pas que je n'eusse rien à dire ou qu'il ne reste rien à connaître quant à l'évolution de cette diathèse. Bien au contraire, je crois que nous sommes loin de connaître la scrofule comme nous connaissons, par exemple, la syphilis. Les altérations viscérales de la scrofule n'ont pas été étudiées, et les efforts de M. Bazin dans cette direction ont indiqué la route à suivre plutôt qu'ils ne l'ont parcourue. Sans doute, nous sommes plus avancés qu'on ne l'était du temps de Lugol, qui confondait la scrofule avec le tubercule; mais ce qui n'est pas encore fait, au moins d'une manière définitive, c'est l'histoire d'un scrofuleux à partir de son enfance jusqu'à la fin de sa vie.

Aujourd'hui, je me borne donc à la solution d'un problème bien limité, mais qui, vous le verrez, a une grande Importance hygiénique.

Il y a quelques années, l'attention des médecins a été appelée sur les résultats remarquables obtenus à Berck

(1) Communication lue à la session de 1877 de l'Association française pour l'avancement des sciences.

sur-Mer. L'administration des hôpitaux de Paris envoie là d'année en année des enfants scrofuleux, dont la santé se modifie rapidement. Notre savant collègue, le docteur Bergeron, dans son rapport au directeur de l'Assistance publique en 1866 (1), s'exprimait ainsi : « Ce qui fait la supériorité de >> ce traitement, ce qui fait son excellence, c'est la rapidité » avec laquelle il active les fonctions d'assimilation et ré» veille la vitalité; c'est la puissance avec laquelle il im» prime à tout l'organisme une modification assez profonde » pour que, dans l'espace de quelques mois, la plupart de >> nos scrofuleux soient véritablement transformés et pour » qu'on puisse même espérer les voir désormais à l'abri » d'une récidive. » Sur 380 cas, 234 guérisons, c'est-à-dire une proportion de 60 0/0; 93 améliorations (23 0/0); 18 décès (4,60/0) et 35 résultats nuls (9 0/0).

Ces magnifiques résultats n'ont fait que se confirmer depuis lors, et les docteurs Perrochaud et Cazin, médecins de la maison de Berck, ont publié le résultat du traitement quant aux coxalgies suppurées, résultats qui mettent hors de contestation l'influence bienfaisante de la mer sur les manifestations les plus graves de la scrofule.

La conséquence qu'on devrait tirer logiquement de cette longue et sérieuse expérience faite à Berck, c'est que la diathèse scrofuleuse ne devrait pas exister sur le littoral de la Manche. Or elle y existe, et il suffit, par exemple, de se promener dans notre ville pour y rencontrer un nombre assez grand de personnes portant des marques indélébiles du vice scrofuleux.

Si la diathèse scrofuleuse existe au Havre, comment et pourquoi y prend-elle naissance, et comment y est-elle modifiée par l'air marin? Tel est le but de cette communication.

(1) Bergeron, Du traitement et de la prophylaxie de la scrofule par les bains de mer (Ann. d'Hyg., 1868, 2o série, tome XXIX, p. 241).

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