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« Commissariat de police des délégations judiciaires. Procès-ver» bal du 10 janvier 1877, scellé n° 10, couvert. M. Guillot, juge » d'instruction. Affaire Danval. Empoisonnement. Boîte énoncée con> tenir 20 boîtes et deux flacons renfermant du sous-azotate de bis>muth saisi dans diverses pharmacies et à l'hôpital de l'Hôtel-Dieu. » Dans cette boîte se trouvent 22 échantillons de sous-nitrate de bismuth.

Pour rechercher l'arsenic, nous avons ainsi procédé : 10 grammes de sous-nitrate de bismuth ont été mouillés avec de l'acide sulfurique pur jusqu'à consistance de pâte liquide. La masse s'est échauffée et il s'est dégagé d'abondantes vapeurs d'acide azotique. La capsule a été chauffée à une douce chaleur jusqu'à apparition de vapeurs blanches d'acide sulfurique.

Le résidu repris par l'eau bouillante a été filtré. Le sel blanc restant sur le filtre a été lavé plusieurs fois à l'eau bouillante jusqu'à volume d'eau de lavage, 1 litre environ.

La liqueur claire a été évaporée entièrement jusqu'à apparition de vapeurs blanches d'acide sulfurique. A ce moment la liqueur acide ne contient plus d'acide azotique. On le constate facilement avec le réactif de Desbassyns de Richemont qui ne donne aucune coloration rose.

Ce résidu final, dilué avec de l'eau, est introduit peu à peu dans l'appareil de Marsh essayé à blanc.

Cette méthode permet de constater de très-faibles quantités d'ar senic dans le sous-nitrate de bismuth.

En effet, si à 10 grammes de sous-nitrate pur on ajoute un demimilligramme d'arsenic (avec liqueur arsénieuse titrée au millième), on recueille par l'appareil de Marsh dans le liquide résidu de nombreuses taches miroitantes d'arsenic.

Nous avons analysé successivement les vingt-deux échantillons et nous avons obtenu des taches sur des soucoupes avec les sous-nitrate de bismuth désignés n° 3,7 et 16. Ces taches mouillées avec une goutte d'hypochlorite de potasse étendu disparaissent. Traitées successivement par l'acide azotique, l'ammoniaque et enfin le nitrate d'argent au 1120 après dessication préable, elles donnent la coloration rouge caractéristique de l'arséniate d'argent.

Au résumé, sur 22 échantillons saisis, nous avons constaté que 3 échantillons renferment de l'arsenic en proportion appréciable. Conclusions. 1o Nous avons trouvé dans trois échantillons seulement de sous-nitrate de bismuth, sur vingt-deux, une très-petite quantité d'arsenic, 1 à 2 milligrammes environ pour 10 grammes.

2° Il n'existait pas de traces appréciables d'arsenic dans les échantillons provenant soit de la maison Thiboumery et Dubosc (Rapport du 10 décembre 1877), soit de la maison Dorvault (Rapport du 23 décembre 1877), fournisseurs de Danval.

2° SÉRIE, 1878, TOME L. 1ro PARTIE.

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3° Il convient à cet égard de faire remarquer que, depuis plus de vingt ans, les pharmaciens se préoccupent avec juste raison de ne jamais préparer du sous-nitrate de bismuth pouvant renfermer même des traces d'arsenic, et que la preuve de ces préoccupations légitimes se retrouve à chaque instant et dans les traités classiques et dans les articles de dictionnaire.

On doit donc admettre aujourd'hui que ce n'est que par exception que du sous-nitrate de bismuth pourrait contenir de l'arsenic.

4° En supposant que Mme Danval ait pris et cela à plusieurs reprises une quantité de sous-nitrate de bismuth qui ne serait pas supérieure à 20 grammes, une grande partie de l'arsenic ingéré aurait dû nécessairement s'éliminer; on devra dès lors ne retrouver dans le foie, l'estomac et les intestins qu'une faible proportion d'arsenic. Or, dans le cas actuel, nous avons trouvé beaucoup plus d'arsenic que n'en pourraient contenir accidentellement les 20 grammes de sous-nitrate de bismuth. Il est donc impossible que l'ingestion de ce sous-nitrate soit la cause de la présence dans les organes de l'arsenic qui s'y trouve.

EXAMEN DU TAPIS, DE LA COUVERTURE ET DES ROGNURES

DU PARQUET.

Nous soussigné L'Hôte, commis par ordonnance de M. Guillot, juge d'instruction au tribunal de première instance de la Seine, en date du 20 janvier 1878 (1), à l'effet de procéder à l'analyse du tapis, de la couverture et des rognures du parquet provenant de la chambre à coucher de Danval.

Serment préalablement prêté, certifions les faits suivants : Nous avons reçu de M. Clément, commissaire de police, les différents scellés.

Examen du tapis.

conçue :

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Ce tapis porte une pancarte scellée ainsi

<< Commissariat de police des délégations judiciaires. Procès-ver» bal du 24 décembre 1877. Affaire Danval. Empoisonnement. > Tapis descente de lit saisi dans la chambre à coucher de Danval. ›

Nous avons découpé deux morceaux tachés de 4 centimètres de côté qui ont été traités successivement par l'acide azotique et l'acide sulfurique. Le résidu carbonisé, additionné d'eau distillée chaude, a

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(1) Cette date est importante à noter. Immédiatement après la mort de Me Danval, les objets de literie avaient été confiés à une maison qui se charge de l'épuration de ces objets dans ces circonstances. Ils ne purent donc être saisis le jour de l'exhumation. La saisie n'en fut ordonnée qu'après que l'analyse eut révélé la présence de l'arsenic dans les rideaux du lit. Si ces objets n'avaient pas été renouvelés depuis la mort de Me Danval, ils avaient, dans tous les cas, dù subir un nettoyage complet.

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été introduit après refroidissement dans l'appareil de Marsh essayé à blanc. Il ne s'est déposé aucune trace d'arsenic sur les soucoupes interposées dans la flamme.

Ce tapis ne renferme pas d'arsenic.
Examen de la couverture.

carte scellée ainsi conçue.

Cette couverture porte une pan

« Commissariat, etc. Scellé no 9. Procès-verbal du 3 janvier 1878. > couverture de laine ayant servi à Mme Danval, saisie sur le lit de > l'inculpé, rue de Maubeuge, no 12. »

Nous avons opéré sur quatre fragments tachés de 4 centimètres de côté qui ont été traitées comme précédemment. Le résidu introduit dans l'appareil de Marsh n'a donné aucune tache arsenicale.

Examen des rognures.

Ces rognures sont renfermées dans un

bocal portant une pancarte scellée ainsi conçue :

<< Commissariat, etc. Procès-verbal du 19 janvier 1878. Copeaux » et râclures du parquet de la chambre à coucher de Danval, rue de › Maubeuge, 12, recueillis devant le lit, côté de la tête. »

Nous avons opéré sur 50 grammes de copeaux qui ont été arrosés d'acide sulfurique pur, puis introduits dans une cornue à l'émeri munie d'un ballon refroidi. On a chauffé lentement jusqu'à ce qu'il ne se dégage plus de vapeurs. Il est resté dans la cornue un charbon noir et il s'est condensé dans le ballon une petite quantité de liquide incolore exhalant fortement l'acide sulfureux. On a traité séparément le charbon et le liquide condensé par l'acide azotique, puis par l'acide sulfurique. Le résidu étendu d'eau distillée a été introduit dans l'appareil de Marsh. Nous n'avons recueilli sur les soucoupes aucune trace arsenicale.

Nous ferons remarquer que le parquet de la chambre à coucher étant ciré ne devait pas se laisser facilement pénétrer par les liquides. Dans le cas où des vomissements auraient souillé le parquet, un simple lavage pouvait aisément les faire disparaître.

Conclusions. Il n'existe aucune trace arsenicale dans le tapis, la couverture du lit et les rognures du parquet provenant de la chambre à coucher de Danval.

EXAMEN DU SOUS-NITRATE DE BISMUTH DE LA MAISON THIBOUMERY ET DUBOSC ET DE LA PATE DE GUIMAUVE DE LA PHARMACIE DANVAL.

Nous soussigné L'Hôte, commis par ordonnance de M. Guillot, juge d'instruction au tribunal de première instance de la Seine, en date du 25 janvier 1878, à l'effet de rechercher :

1° Si 20 grammes de sous-nitrate de bismuth provenant soit de la phar

macie Dubosc, soit de la pharmacie centrale, contiennent de l'arsenic 2o Si la pâte de guimauve saisie à la pharmacie Danval renferme de l'arsenic.

Serment préalablement prêté, certifions ce qui suit :

Nous avons reçu de M. Clément, commissaire de police aux délégations judiciaires, les différents scellés.

Examen du sous-nitrate de bismuth de la maison Dubosc. Le sous-nitrate de bismuth est contenu dans une boîte de carton cachetée portant l'étiquette suivante :

«Thiboumery et Dubosc, fabricants de produits chimiques, Paris, » 75, rue Vieille-du-Temple. Sous-nitrate de bismuth. »

Ce sel est en trochisques. Nous avous opéré sur 20 grammes de sous-nitrate pulvérisé qui ont été mouillés avec de l'acide sulfurique pur; il s'est dégagé d'abondantes vapeurs rutilantes. Le mélange chauffé jusqu'à apparition de fumées d'acide sulfurique a été repris par de l'eau distillée chaude. Le magma blanc, jeté sur un filtre a été lavé avec de l'eau bouillante. La liqueur acide occupant le voJume de 1 000 centimètres cubes, a été évaporée lentement jusqu'à dégagement de vapeurs blanches. Le résidu acide froid a été introduit par petites portions dans un appareil de Marsh essayé à blanc. Il ne s'est déposé sur les soucoupes aucune trace arsenicale.

Le sous-nitrate de la maison Thiboumery et Dubosc ne renferme pas d'arsenic.

Nous ajouterons que 20 grammes de sous-nitrate de bismuth provenant de la pharmacie centrale et essayés avec M. Bouis (Rapport du 23 décembre 1877) ont été trouvés exempts d'arsenic.

Examen de la pâte de guimauve.

Cette pâte nous a été remise

dans une boîte scellée sur laquelle on lit :

« Procès-verval du 28 janvier 1878. Affaire Danval. Empoisonne > ment. Boite renfermant de la pàte de guimauve saisie à la phar> macie Danval, 12, rue de Maubeuge. »

Nous avons opéré sur 10 grammes de pâte qui ont été soumis à la carbonisation sulfurique. Dans le résidu final, nous n'avons trouvé aucune trace d'arsenic.

Conclusions.

1° Nous constatons que 20 grammes de sousnitrate de bismuth provenant soit de la pharmacie centrale soit de la maison Thiboumery et Dubosc ne renferment aucune quantité appréciable d'arsenic.

2° La pâte de guimauve saisie à la pharmacie Danval ne contient pas d'arsenic. (La suite au prochain numéro.)

DÉPOSITION DE M. LE DOCTEUR T. GALLARD,
Médecin de l'hopital de la Pitié, etc.

Le défenseur de l'accusé, M. Weber, avocat, m'a remis un dossier

contenant tous les documents médicaux recueillis pendant le cours de l'instruction à propos de la mort de Mme Danval, en me demandant de lui dire et de déclarer ensuite à l'audience si, de l'examen attentif de ces documents, il résulte la preuve certaine, irrécusable que cette mort doive être attribuée à un empoisonnement par l'arsenic. J'ai accepté cette mission dans l'intérêt seul de la justice et de la vérité, sans éprouver la moindre sympathie pour l'accusé, que je ne connais en aucune façon; et, après avoir pris connaissance de toutes les pièces qui m'ont été communiquées, après les avoir compulsées avec le plus grand soin, je n'hésite pas à déclarer qu'elles ne fournissent en aucune façon la preuve que la mort de Madame Danval, soit due à un empoisonnement par l'arsenic.

Les empoisonnements se révèlent à nous par trois ordres de preuves qui, dans les cas les plus nets et les plus clairs, se montrent faciles à constater, se corroborent en quelque sorte les unes les autres, et qui sont tirées: 1o des symptômes éprouvés par l'individu supposé empoisonné; 2o des altérations observées sur son cadavre, 3o de la présence du poison, tant dans les organes, que dans les aliments, boissons ou médicaments qui lui ont été administrés, ou dans les divers produits de ses déjections.

Si l'un ou l'autre de ces ordres de preuves vient à manquer, l'empoisonnement pourra néanmoins être reconnu, mais à la condition que les autres persisteront avec leurs caractères les plus tranchés, les plus incontestables; et encore faudra-t-il que ces signes persistants et caractéristiques soient du nombre de ceux sur l'importance et la valeur desquels la science est définitivement fixée, de telle façon qu'il ne puisse s'élever aucun doute.

Lors qu'il n'en est pas ainsi, lorsque surtout non-seulement aucun des trois ordres de preuves que je viens d'énumérer ne prédomine d'une façon saillante et caractéristique; lorsque, bien au contraire, ces trois ordres de preuves font également et à peu près complétement défaut, comme cela avait lieu dans le cas de Madame Danval, on n'est nullement autorisé à conclure à la réalité d'un empoisonnement.

J'examinerai successivement les faits de la cause suivant qu'ils se rapporteront à chacune des trois grandes divisions principales que je viens d'établir.

I. Symptômes.

Les empoisonnements sont des maladies qui ont leurs symptômes propres. Quelques-uns de ces symptômes sont communs non-seulement à diverses espèces d'empoisonnement, mais aussi à un certain nombre d'autres maladies, tandis que certains sont tout à fait spéciaux et en quelque sorte pathognomoniques de l'espèce d'empoisonnement qu'ils caractérisent. D'ou il résulte que chaque empoisonnement offre

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