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que la bulle, qui est leur oreille moyenne et qui s'ossifie après la naissance, avait presque doublé de volume au bout de douze heures.

Toute la base du crâne, au reste, subit une pareille fièvre de formation dès après la naissance; l'élargissement des fosses nasales, voies de l'air aux poumons, se produit en même temps. C'est à cette période que le conflit aérien a lieu; c'est aussi à ce moment qu'agissent avec le plus d'intensité les agents modificateurs de la nutrition générale, les diathèses, les cachexies, l'athrepsie, si bien décrite par le professeur Parrot, et ces grandes influences cosmiques et autres dont nous avons décrit l'action tout à l'heure voilà le danger. La susceptibilité de l'organe est excessive, grâce à son évolution organique fébrile, pour ainsi dire les coups portés par les causes morbides n'ont que plus d'intensité et de gravité.

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Déjà, à cette époque, on trouve à l'autopsie de vastes suppurations bilatérales, des engorgements hémorrhagiques des caisses, etc., toutes lésions qui s'opposent totalement à la transformation aérienne de l'oreille l'air ne peut entrer.

La syphilis, la tuberculose, l'athrepsie, l'habitation des hautes vallées, des montagnes, sont les causes ordinaires de ces destructions précoces de l'oreille; elles ont été trouvées par Wendt, de Troeltsch, Parrot, Renaut et Barety, et Gellé.

L'oreille moyenne est une grande cellule osseuse qui sépare le temporal du rocher; elle subit la fortune de l'évolution tardive de cet os. Or, dans les premiers mois de la vie, il y a en ce point une activité d'ossification remarquable.

Le rocher est un os spongieux et énormément vasculaire au moment de la naissance, gorgé de sang veineux, et cartilagineux en plusieurs points; rapidement, par une nutrition intense, comparable par son activité et ses résultats à l'os

téite condensante, ce tissu spongieux va former le plus compacte des os du corps humain, le rocher.

Le médecin ne doit pas ignorer l'existence de ce travail évolutif si rapide, si complet, si général.

Il touche de près à l'inflammation, et explique trop la fréquence et la précocité des lésions de l'appareil auditif et leur gravité; à cet âge, toute lésion est bilatérale, toute otite est une destruction de l'oreille moyenne; à cet âge, toule otite est une ostéite, toute otorrhée est ossifluente: or, chaque sourd de cet âge est un sourd-muet.

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Consanguinité.

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Hérédité. L'hérédité agit avant la naissance sur l'oreille et cause les surdités congénitales. Après la naissance, les affections héréditaires continuent leur évolution en divers sens, et l'oreille n'est pas fatalement le lieu de la détermination diathésique; enfin celle-ci n'amène pas fatalement la surdité. Au reste, il est parfaitement illogique aujourd'hui de se servir d'un terme aussi compréhensif que le mot surdité; la surdité est un produit d'affections morbides diverses, les unes transmissibles, les autres acquises.

Si l'on jette un coup d'œil sur le premier tableau de ce travail, on trouve que le chiffre des surdités de naissance est beaucoup moindre que celui des surdités postérieures à la naissance, quelle que soit leur cause.

J'ai dit que le docteur Ladreil était arrivé aux mêmes conclusions en opérant sur les relevés de l'institution des Sourds-Muets.

L'hérédité est évidente dans beaucoup de cas mais ce sont certainement les plus rares.

Le mariage entre consanguins augmente les chances de l'hérédité. Cependant, il résulte de l'étude très-consciencieuse du docteur Lacassagne et des renseignements donnés par le docteur Ladreit (Annales d'otologie) que l'action est encore très-faible sur 107 cas de surdité de naissance, ils

n'ont noté que 17 fois la consanguinité des parents. Dans une autre série de 197 cas, l'analyse démontre qu'on ne peut sérieusement accuser l'influence de la consanguinité que dans 3 cas seulement: or, la consanguinité n'éveille-t-elle pas la crainte de l'hérédité dans toute sa puissance? Il y a donc là moins à redouter qu'on ne le croit généralement. On peut hériter de la diathèse, cause de lésions auriculaires, sans avoir forcément des lésions diathésiques du même organe. Répétons, en terminant, que, sur 100 sourds-muets, 79 au moins ont été atteints de cette infirmité longtemps après la naissance. (Ladreit, in Annales d'otologie. - Unions consanguines, docteur Lacassagne.)

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Habitudes. Travail. Alcool. Tabac. Veilles. L'organe du sens de l'ouïe trouve dans nos habitudes des causes nuisibles à la santé.

Les grands mangeurs, les gros ventres sont souvent durs d'oreille. Malgré le proverbe « ventre affamé n'a point d'oreilles », la pléthore abdominale s'accompagne souvent de congestion de ces organes et de tintouins. Mais de toutes les habitudes, celles du tabac et des boissons alcooliques sont plus particulièrement nuisibles à l'audition. Triquet a décrit l'otite des fumeurs et celle des baveurs, un peu parentes, on le sait. La pharyngite des fumeurs est connue de tous, mais celle des alcooliques beaucoup moins. La voix de rogomme de la laryngite crapuleuse des auteurs l'est bien aussi. L'oreille, diverticulum pharyngien, n'a pas à se louer non plus du tabac à priser ou à fumer; c'est de l'action topique surtout qu'il s'agit ici, bien que difficile à séparer d'un effet certain sur le système nerveux et par lui sur la circulation de la tête et de la face. L'action de ces deux habitudes se traduit par un état inflammatoire superficiel ou profond de la muqueuse de la gorge, des narines et des caisses. L'acoolique offre une hyperhémie abondante et une fluxion permanente de toute la gorge jusqu'aux tympans.

Un catarrhe auriculaire chronique très-humide est le produit de l'extension d'une telle irritation pharyngée. On connaît le lever du buveur, sa pituite matinale, les vomituritions avec lesquelles il salue l'aurore. Avouons que les troubles auditifs préoccupent souvent peu le sujet, soit que la surdité ne prenne jamais de grandes proportions, peut-être plutôt grâce à ce que l'hébêtement du sens de l'ouïe passe inaperçu dans l'abaissement général des facultés intellectuelles.

En parallèle avec l'action des habitudes précédentes, il faut mettre celle des veilles. Le travail nocturne, surtout le travail de la pensée, les veillées prolongées de l'étude, celles qu'on passe attristé au chevet d'un malade, le chagrin aidant, ont une action évidente sur l'organe de l'ouïe ce sont surtout des phénomènes congestifs, le vertige, les tintouins, que l'on observe en ce cas, avec tous les signes de la réplétion de la caisse tympanique.

L'École de Salerne (1), dans ses préceptes, après avoir énuméré les choses nuisibles à la vue, ajoute: Ista nocent oculis, sed vigilare magis!

Pour l'oreille le mot est aussi vrai; non qu'il y ait ici fatigue de l'organe, mais peu à peu la congestion céphalique envahit le pharynx, les trompes et les oreilles : tel est le processus; il est cachectique ou scorbutique.

Innervation. Névropathies. La vie sédentaire, à l'époque de la ménopause, et au delà de quarante ans chez l'homme, prédispose aux congestions de l'organe de l'ouïe. C'est la période de la vie où les tintouins, les bruits, les bourdonnements tourmentent le plus de malades. Les vieilles affections auriculaires, grâce à cette poussée, semblent recouvrer un regain d'activité; tel sourd d'un seul côté voit, à cet âge, l'ouïe se perdre complétement: il est des familles où la surdité arrive ainsi au même âge de père en fils. L'existence active de certains hommes que leur position

(1) L'École de Saierme, trad. Meaux Saint-Marc. Paris, 1861.

tient l'esprit constamment tendu, dont le système nerveux est incessamment excité et sollicité, tourments d'affaires, graves responsabilités, amène rapidement un épuisement général des centres nerveux, soit des organes des sens: l'ouïe est ainsi souvent frappée.

L'action du système nerveux sur les organes des sens est multiple. On sait, depuis les travaux de Claude Bernard, quelle énorme et rapide modification de la circulation et de la calorification du pavillon de l'oreille succède à la blessure des cordons cervicaux du grand sympathique.

J'ai montré depuis, par des dissections de l'oreille de ces opérés, que l'oreille moyenne et l'oreille interne participent aux troubles de circulation et de nutrition en ce cas. M. Mathias Duval a tout récemment produit une action identique par la lésion des racines inférieures ou descendantes du trijumeau dans le bulbe (Soc. biologie, compte rendus, 1877-78).

On trouve alors dans la bulle des plaques d'hémorrhagie intra et sous-muqueuses qui se sont produites en quelques moments, et, si le sujet résiste, ce sont de véritables suppurations de l'oreille moyenne et interne que l'on peut constater.

Des troubles trophiques si étendus, si graves, nés sous l'influence d'un traumatisme qui frappe un point limité du système nerveux, indiquent assez combien le lien est serré qui unit les organes des sens, et l'oreille spécialement, aux centres nerveux.

La pathogénie de certaines surdités s'éclaire vivement de ces données expérimentales, et l'hygiène y trouve aussi un enseignement; il faut redouter pour l'oreille les causes d'épuisement, les maladies qui en naissent et celles qui le produisent; la surdité s'observe dans les cachexies, dans les anémies, dans les névroses.

Tous les excitants du système nerveux, chacun le sait,

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