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à une simple coïncidence l'existence de pareilles lésions sur 5 animaux d'espèce différente, d'autant plus que la tuberculisation spontanée est très-rare chez le mouton et à peine connue chez le porc.

Non-seulement Gerlach admet que le lait des vaches pommelières est nuisible, et spécifiquement nuisible, qu'il transmet la tuberculisation, mais encore il étudie le lieu et les voies de l'infection: les glandes mésentériques étaient constamment malades, remplies de foyers caséeux et calcaires; c'est par cette voie, c'est par la surface digestive que le principe virulent a pénétré, et a contaminé progressivement tout l'organisme. Reste à savoir, dit-il, « si la tuberculisation du poumon n'est plus qu'une infection secondaire résultant de la résorption des points caséeux formés dans les glandes mésentériques, de même que, chez le lapin et le cochon d'Inde, la tuberculose n'est que la généralisation de l'infection d'abord localisée dans le foyer casécux, au point inoculé, ou bien si au contraire le sang de tout l'organisme n'a pas été infecté d'emblée ».

Nous ne suivrons pas Gerlach dans cette intéressante discussion, et il serait prématuré d'insister sur les mesures prophylactiques qu'il conseille; nous résumerons seulemeut les conclusions qui terminent son mémoire.

Il fau! s'efforcer énergiquement d'extirper la pommelière du bétail; dans un troupeau, la maladie se propage par le lait qu'une mère infectée fournit à ses jeunes; la maladie est bientôt ainsi généralisée à tout le troupeau : aussi est-il rare que dans un même parc les cas de pommelière soient isolés. Il y a des troupeaux ravagés; à côté, un autre troupeau est complétement indemne. Il faut donc éloigner de la reproduction toute bête suspecte. Les vaches ne devront servir de nourrices aux enfants qu'après que leur état de santé aura été sévèrement constaté; et, comme le diagnostic de la maladie est difficile, il faudrait au préalable s'assu

rer que la vache ne provient pas d'un troupeau tuberculeux et d'une souche douteuse.

Les chèvres, d'après les recherches faites jusqu'ici, ne semblent pas susceptibles de contracter la pommelière; à cause de cela elles seraient excellentes pour l'allaitement des enfants (1). Dans les cas douteux, le lait doit toujours être bouilli.

Le mémoire de Gerlach date de 1869; son importance justifie le long extrait que nous en avons donné, et l'on peut s'étonner qu'un pareil travail ait passé en France presque inaperçu, ou n'ait pas au moins jusqu'ici provoqué de contrôle.

En 1873, il est vrai, quand Gerlach fut appelé à Berlin pour diriger l'École vétérinaire, il répéta ses expériences et ne réussit plus à reproduire la tuberculose par le lait infecté ; mais il reconnut plus tard, à l'autopsie, que la vache qui avait fourni le lait des expériences n'était point tuberculeuse. C'est donc une expérience non pas négative, mais nulle, comme non-avenue, et, pour le dire en passant, c'est un exemple péremptoire des difficultés qui entourent le diagnostic de la pommelière, même entre les mains des praticiens les plus autorisés et les plus éminents. L'autopsie de l'animal qui aura fourni le lait suspect sera donc désormais d'une nécessité absolue pour donner aux expérimen tations à venir une valeur sérieuse.

Le contrôle des recherches de Gerlach ne se fit pas attendre. En 1873, Klebs (2), professeur d'anatomie pathologique à Prague, dans le premier volume de ses Archives, publie un long mémoire où les expériences sur la transmission de la luberculose par le lait tiennent la plus grande place. Le lait lui

(1) Nous verrons tout à l'heure que Bollinger a fait précisément plusieurs de ses expériences, suivies de succès, sur des chèvres.

(2) E. Klebs, Die künstliche Erzeugung der Tuberculose (Archiv für experimentelle Pathologie und Pharmakologie, von Klebs, Naunyn und Schniedeberg. Leipzig, t. I, p. 163–180).

était fourni par une vache certainement phthisique, mise à sa disposition par le professeur Leonhard, de Berne. Il opéra sur 9 cochons d'Inde, vigoureux, bien développés, provenant d'une famille très-saine, dont un grand nombre de produits avaient servi à d'autres expériences et dont aucun n'avait présenté trace de tubercules. Le mémoire se compose de 4 parties, dans lesquelles l'auteur étudie successivement les quatre questions suivantes: 1° le lait des vaches phthisiques transmet-il le tubercule? 2° est-ce la partie liquide du lait qui sert de véhicule à l'infectieux? 3° la cuisson du lait détruit-elle scs propriétés nocives? 4 le lait des vaches tuberculeuses est-il nuisible à toutes les phases de la maladie?

Les 5 animaux employés pour résoudre la première ques tion étaient sains et vigoureux; ils burent du lait suspect à discrétion; 2 moururent le douzième et le vingtième jour de l'expérience: chez l'un, teinte rouge vif de la muqueuse gastro-intestinale, 2 glandes mésentériques anormalement tuméfiées, noyaux caséeux dans la rate et le foie; chez l'autre, qui avait beaucoup maigri, nombreux noyaux dans le foie, les autres organes sains. Les 3 autres qui avaient maigri et avaient le poil piqué furent tués le quarantième jour : chez l'un, tous les organes furent trouvés sains; chez un second, noyaux caséeux dans le foie, nodules gris dans les ganglions mésentériques; chez le dernier, cicatrices à la surface du foie, noyaux caséeux dans la rate. De ces expériences, Klebs tire les conclusions suivantes : 1° Les animaux deviennent rapidement malades après l'ingestion du lait tuberculeux, mais ils peuvent ensuite se rétablir; 2° quand la mort est rapide, elle a lieu d'ordinaire par suite d'un catarrhe gastro-intestinal; 3° les altérations se développent d'abord dans les glandes mésentériques, dans les ganglions de la veine porte, puis dans le foie et la rate; 4o les altérations du foie consistent en foyers tuberculeux multiples, disséminés dans toute la substance, ou pro

cédant d'un foyer central. Leur réparation paraît se faire par cicatrice, et l'on trouve des cicatrices correspondant aux foyers anciens, des amas caséeux correspondant aux foyers récents. Dans la rate, les noyaux caséeux persistent plus longtemps que dans le foie.

Klebs n'a pas trouvé, après l'ingestion de ce lait, les ulcérations intestinales qu'il observait chez les animaux auxquels il avait fait ingérer de la matière tuberculeuse; ces derniers n'avaient pas un catarrhe intestinal aussi marqué.

On ne peut citer ces expériences sans les faire suivre de quelques critiques. Klebs ne précise pas assez les caractères des lésions trouvées dans les autopsies, et il accepte trop facilement qu'il s'agissait bien de tubercules. Il n'est pas suffisamment prouvé que les cicatrices trouvées à la surface du foie d'un lapin résultent de la résorption des noyaux caséeux; il faudrait des expériences plus nombreuses et plus rigoureuses pour établir un fait aussi grave et aussi extraordinaire que la résorption et la cicatrisation du tubercule; on se demande forcément s'il s'agissait bien là de tubercules proprement dits.

Klebs filtra à travers de l'argile ce lait coagulé; il mêla le sérum limpide avec de l'amidon et injecta cette bouillie claire dans l'abdomen de 3 cobayes; ces animaux moururent ou furent tués le cinquantième jour. On trouva des granulations miliaires jaunes ou grises dans le foie, la rale et le poumon. Klebs en conclut que c'est le sérum qui sert de véhicule à l'agent infectieux; mais on peut lui reprocher d'avoir déterminé un traumatisme qui paraît être capable à lui seul de faire raître, quelquefois au moins, des lésions analogues chez les petits rongeurs, comme le lapin et le cobaye.

Enfin, il fit ingérer à 1 cobaye du lait de même sorte, mais qui avait été chaque fois bouilli à la façon ordinaire. L'animal présenta les mêmes lésions qu'on trouvait après

l'emploi du lait cru. Le résultat dépasse ici toute attente, et il est plutôt capable d'enlever toute valeur aux expériences précédentes. Klebs paraît embarrassé de son succès et dit que la cuisson du lait n'a peut-être pas été bien faite; mais l'opération était faite chaque jour par le D' T..., son préparateur!

La dernière partie du mémoire contient une observation très-curieuse et très-importante, qui mérite d'être reproduite avec quelques détails.

Le chien de la directrice d'une maison de santé au voisinage de Berne était soigné avec un soin particulier, et buvait chaque jour une grande quantité de lait dans la vacherie de l'établissement; ce lait provenait d'une vache qui plus tard fut abattue et trouvée tuberculeuse à un haut degré. Après avoir bu pendant assez longtemps de ce lait, le chien perdit l'appétit, devint malade, et, à la sollicitation du fils de la maison, qui était l'un des auditeurs de Klebs, ce chien fut placé en observation à l'Institut vétérinaire de Berne, où il mourut. C'était un chien de la race du SaintBernard, de grande taille. A l'autopsie, épanchement pleural et péricardique, tubercules miliaires gris en quantité innombrable sous la plèvre et le péricarde, quelques noyaux caséeux de la rate et du foie, catarrhe intestinal aigu; à la fin de l'iléon, quelques ulcères dont les bords étaient semés de grains tuberculeux. Noyaux gris et casécux dans les ganglions mésentériques.

Pour s'assurer que le chien avait bien contracté cette tuberculose par le lait de la vache phthisique, Klebs se fit envoyer de ce lait et en nourrit une très-jeune chèvre. Au bout de deux mois, la chèvre fut tuée et ne présenta qu'un nombre insignifiant de noyaux douteux. Klebs ne s'expliquait pas cette différence dans les résultats; il fit une enquête il apprit que, par suite d'un malentendu, on lui avait envoyé le lait d'une autre vache qui toussait un peu, avait

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