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médecins d'Angers sont d'accord pour déclarer, que les lésions déterminées par l'ostéo-périostite, dont le jeune F... est atteint, constituent une double infirmité permanente, incurable, qu'elles sont incompatibles avec l'exercice d'une profession laborieuse quelconque, et que l'immobilité relative qu'elles imposent entraînera un état valétudinaire presque illimité;

Considérant que la Cour a, dès à présent, les éléments nécessaires pour établir l'indemnité due à F...,

Par ces motifs, la Cour:

Infirme le jugement du tribunal civil de Château-Gontier du 29 août 1877;

Condamne Esnault à verser à F... père, en sa qualité d'administrateur légal de la personne et des biens de son fils, dans le délai de quinzaine à partir de la signification du présent arrêt, la somme de six mille francs, laquelle somme sera employée en l'achat d'un titre de rente 3 p. 100, immatriculé pour la nue propriété au nom d'Esnault et pour la jouissance viagère au nom de F... fils;

Condamne en outre Esnault à payer à F... père, ès qualités, une somme de cinq cents francs pour frais de maladie; Ordonne la restitution de l'amende ;

Condamne Esnault en tous les dépens de première instance et d'appel.

ERRATUM

Page 5, ligne 26, au lieu de 1815 lisez 1185.

Le Gérant: HENRI BAILLIÈRE.

JARIS. - IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2

D'HYGIÈNE PUBLIQUE

ET

DE MÉDECINE LÉGALE

HYGIÈNE PUBLIQUE

HISTOIRE SANITAIRE DES FABRIQUES DE CÉRUSE
A LILLE, DEPUIS 1866 JUSQU'A 1878

Tirée de la statistique officielle des hôpitaux de cette ville
Par M. le Dr Henri DESPLATS

Professeur à la Faculté libre et médecin de l'hôpital Sainte-Eugénie de Lille

Il y a un an, après quelques mois de pratique dans un des hôpitaux de Lille, ému par le grand nombre et la gravité des cas d'intoxication saturnine que j'avais eu l'occasion de traiter, je publiai un mémoire établissant :

1° Que la fabrication de la céruse produit aujourd'hui, chez les ouvriers qui y participent, des accidents aussi fréquents, aussi graves et aussi rapides que par le passé;

2o Que les conseils d'hygiène et de salubrité et les pouvoirs administratifs ont été, jusqu'ici, impuissants à rendre cette industrie inoffensive (1).

Je proposai alors de rendre les patrons responsables du préjudice causé à leurs ouvriers, lorsqu'une enquête démontrerait que dans leurs installations ils n'auraient pas réalisé tous les perfectionnements inspirés par les progrès de l'hygiène, et surtout lorsqu'ils auraient violé quelques-unes des prescriptions imposées par les préfets au moment de l'ouverture de leurs établissements.

(1) H. Desplats, De l'empoisonnement par le plomb dans la fabrique de céruse (Revue des questions scientifiques, 1877, livr. d'octobre).

2 SÉRIE, 1878. TOME L. 3 PARTIE.

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Les recherches et les observations poursuivies depuis m'ont démontré combien l'opinion publique, même parmi les médecins, est peu éclairée sur ce point, et surtout combien les pouvoirs publics ont négligé de protéger les ouvriers ignorants et imprévoyants dont ils ont la charge. Je crois donc utile de revenir sur ce sujet. Je produirai des documents très-précis et entièrement inédits, démontrant que les fabricants de céruse peuvent, quand ils le veulent, rendre leur industrie inoffensive. Il sera aisé d'en conclure que l'autorité a le devoir de le leur imposer, et la justice les moyens de les frapper, quand ils y manquent.

1. Il faut avoir vu de près les faits, je pourrais dire les méfaits, dont je parle pour en comprendre toute la gravité. Il s'agit de centaines d'hommes qui, tous les ans, en quelques jours, pour gagner le pain de leurs enfants, s'empoisonnent et se condamnent, pendant des semaines et des mois, à des douleurs atroces, à l'impotence et même à la mort. J'ai en ce moment dans mes salles un homme de trente-trois ans, qui se meurt. Il y a un an, il était en pleine santé. Le besoin le força à entrer dans une fabrique de céruse. Il y travailla huit jours gagnant 4 francs par jour. Le 11 septembre, il entrait à l'hôpital, en proie aux accidents les plus graves. Sa robuste constitution et un traitement énergique le sanvèrent, et il pouvait sortir le 6 octobre, incomplétement guéri. De nouveaux accidents le ramenaient le 10; le 21 il resortait encore très-affaibli et incapable de travailler. Un mois après, le 17 novembre, sans avoir de nouveau mis les pieds dans une fabrique de céruse, il rentrait très-amaigri, à bout de forces et les membres supérieurs paralysés. Le 29, il était mieux et sortait une troisième fois. Quelques semaines après, il reprenait du travail à l'usine métallurgique de Fives. En mars, c'est-à-dire six mois après l'appari

tion des premiers accidents saturnins, il rentrait un soir chez lui fatigué; au bout de quelques heures, des voisins le trouvaient pendu, sans que lui-même pût donner aucun renseignement sur ce qui s'était passé (1). Depuis s'est déclarée une maladie consomptive qui l'entraîne rapidement, sans que les dernières manifestations du saturnisme (tremblement) aient disparu.

Les faits de cette gravité ne sont pas la règle, loin de là; mais ils sont moins rares qu'on ne le pense, et les médecins ont le devoir de les signaler. J'en cite un second d'un

autre genre.

C'est celui d'un homme que j'observe depuis quelques semaines. Il a travaillé pendant plusieurs années dans une fabrique de céruse sans présenter jamais d'accidents trèsaigus; depuis dix-huit mois seulement ses forces diminuent, sa langue s'embarrasse, ses membres s'affaiblis s nt; aujourd'hui ils ne peuvent presque plus le porter. - Dans peu on l'enfermera dans une maison d'aliénés où il mourra gâteux, de paralysie générale. Ses quatre enfants et lui-même sont depuis plusieurs mois nourris par la charité publique. Il importe que ces faits soient connus, car les médecins, les administrateurs et les fabricants de céruse les ignorent (2).

Depuis plus de quarante ans, l'Académie des sciences, les sociétés industrielles, les jurys d'exposition décernent des éloges et des prix et proclament que la fabrication de la céruse est aujourd'hui sans danger. Tout le monde le croit et ce ne sera pas trop des documents officiels que je vais citer pour détruire cette funeste erreur.

(1) L'empoisonnement par le plomb peut amener des troubles intellectuels et même la folie.

(2) Un confrère fort éclairé, à qui j'avais fait hommage de mon premier travail, m'écrivait quelques semaines après : « Il y a donc toujours des ouvriers empoisonnés par la céruse J'ai besoin que vous me l'affirmiez de visu pour le croire. ■

En 1849, lorsqu'il était question de substituer partout le blanc de zinc au blanc de plomb, à cause des propriétés toxiques de ce dernier, les fabricants de Lille s'émurent et produisirent devant l'Académie des sciences les documents suivants :

1° Un rapport du Comité central d'hygiène et de salubrité du département du Nord, attestant que « depuis plus d'un an aucun des 150 ouvriers de MM. Théodore Lefebvre et C et de MM. Poelman frères n'avaient été atteints de coliques saturnines >>;

2o Un certificat du médecin de l'établissement de MM. Th. Lefebvre et Cie affirmant que depuis un an il n'avait eu aucun cas de maladie à constater;

3o Un certificat de l'économe de l'hôpital Saint-Sauveur, de Lille (le seul qui reçût les ouvriers malades), constatant que depuis le 1er janvier 1848 jusqu'au 14 juillet 1849 il n'y était entré aucun ouvrier travaillant à la céruse.

« Aujourd'hui, disaient ces messieurs, la conviction que notre industrie est des plus meurtrières a tellement pénétré dans l'opinion publique, qu'il nous faudra toute l'autorité d'un corps aussi éminent que l'Académie pour établir que la fabrication de la céruse, par suite des améliorations que nous y avons apportées depuis un certain nombre d'années, est devenue l'une des moins dangereuses.

Ils sollicitaient la nomination d'une commission chargée. de faire une enquête et un rapport.

La commission fut nommée, se transporta chez les fabricants à Paris et à Lille, et publia un rapport très-étendu où sont exposées toutes les améliorations réalisées dans la fabrication de la céruse. Ce rapport se termine ainsi :

En ce qui concerne la fabrication même, vos commissaires sont d'avis qu'il y a été introduit des améliorations considérables sous le rapport de l'hygiène des ouvriers, et qu'elle cessera d'être une industrie insalubre quand elle sera

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