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Les deux oreilles et la partie dorsale de la main droite sont couvertes de brûlures au second degré; la partie dorsale de la main gauche est brûlée au troisième degré.

8°. Examen de P., fils de la femme précédente; soigné à l'École du commerce, rue Amelot.

Les lésions sont à peu près les mêmes que celles que nous avons notées sur la précédente victime.

Le front et la peau de la région orbitaire sont recouverts par une large brûlure au premier degré. La brûlure n'est pas uniforme, mais rayonnée et entrecoupée par des plis de peau saine.

Les cheveux du front sont brûlés.

La partie dorsale de la main droite est couverte de brùlures au second degré la partie dorsale de la main gauche est brûlée au troisième degré.

Conclusions générales sur les brûlures constatées sur les
victimes de l'accident de la rue Béranger.

Toutes les brûlures ont les mêmes caractères. Elles sont très-étendues et peu profondes. Elles sont donc le résultat du contact des tissus avec une flamme ou une atmosphère surchauffée, qui n'a touché qu'un instant, on pourrait dire qui n'a fait que lécher la surface des parties exposées.

Les lésions et les brûlures observées sur le cadavre de la femme M., plus étendues que celles des autres victimes, ne peuvent être comparées qu'à celles que l'on a décrites dans les cas de fulguration.

APPLICATION DU FORCEPS

PAR UN OFFICIER DE SANTÉ

Rapport par M. E. HORTELOUP (1)

Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

La Société de médecine légale a été consultée par la

(1) Séance du 8 avril 1878.

Société médicale d'Avignon,à l'occasion d'un jugement rendu par le tribunal correctionnel de cette ville.

Vous savez que, aux termes de l'article 29 de la loi du 19 ventôse an XI, les officiers de santé ne peuvent « pratiquer les grandes opérations chirurgicales que sous la surveillance et l'inspection d'un docteur, dans les lieux où celui-ci sera établi ».

Ce principe rappelé, nous vous indiquons en deux mots le fait qui a donné naissance à l'affaire qui vous est soumise. Le nommé Casimir, officier de santé, exerce depuis longtemps à Avignon. Au mois d'août 1877, il fut appelé, à Avignon même, auprès d'une femme en couches et appliqua le forceps sans faire appeler un docteur en médecine. Il n'est pas articulé qu'il soit survenu d'accident à la suite de cette opération. Néanmoins, le sieur Casimir fut poursuivi sous la prévention d'exercice illégal de la médecine devant le tribunal correctionnel, qui le renvoya de la prévention par un jugement qui est ainsi conçu :

« Le tribunal,

» Attendu que le prévenu Casimir, Jean-Joseph, officier de santé, est poursuivi à raison d'un délit d'exercice illégal de la médecine pour avoir, dans le courant du mois d'août dernier, à Avignon, opéré un accouchement laborieux et appliqué le forceps sans le secours d'un docteur en médecine;

>> Attendu que le prévenu déclare que depuis plus de vingt ans il a, au vu et au su de tout le monde, pratiqué les accouchements sans avoir été l'objet d'observations ni de réclamations; que partout ailleurs on a procédé de la sorte sans que jamais les tribunaux correctionnels aient été appelés à réprimer une infraction de cette nature; qu'en agissant ainsi il croit n'avoir fait que ce que son titre médical lui donnait le droit de faire; qu'il suffira, pour statuer sur le mérite de la prévention, de rechercher si cette prévention est fondée;

» Attendu que la loi du 19 ventôse an XI établit, dans son titre V, une catégorie de personnes appelées sages-femmes qui s'occupent spécialement d'accouchements, mais qui, en présence d'un accouchement laborieux, sont obligées de requérir l'assistance d'un homme plus expérimenté; que tout, dès lors, se réduit à savoir si c'est un

docteur en médecine qu'il faut appeler, et si un officier de santé doit être abaissé au niveau de la sage-femme;

› Attendu que, dans les termes comme dans l'esprit de la loi de l'an XI, l'officier de santé, considéré comme médecin des campagnes, est investi du droit de faire la médecine courante; que la seule restriction édictée par l'article 29 se rapporte aux grandes opérations chirurgicales, qu'il ne peut, sauf les cas urgents, pratiquer que sous la surveillance et l'inspection d'un docteur; qu'à ce point de vue encore il importe de savoir si les accouchements laborieux doivent être rangés dans la catégorie des grandes opérations chirurgicales; > Attendu que des explications fournies par le docteur Jaumes, professeur à l'École de Montpellier, désigné comme expert pour l'examen des questions médico-légales que soulève cette affaire, il ressort que l'application du forceps constitue une grande opération chirurgicale qui sort de la compétence ordinaire des officiers de santé; que cette opinion, très-répandue aujourd'hui, serait partagée par les membres de l'Association médicale de Vaueluse, bien que l'illustre et savant Orfila soit d'un avis contraire et n'admette en obstétrique comme grandes opérations que l'embryotomie et l'opération césarienne, ce qui, de prime abord, paraît plus conforme à la loi et au but de l'institution des officiers de santé, qui ne suffiraient plus à la médecine des campagnes s'ils ne pouvaient librement pratiquer cette branche importante de l'art de guérir;

» Attendu que, en admettant même qu'un accouchement laborieux pût être considéré comme une grande opération, il y aurait toujours lieu de rechercher si le législateur n'a pas fait de cette spécialité une catégorie à part, régie par un principe différent de celui consigné dans l'article 29 précité; qu'il suffit, pour résoudre cette question, de se référer à l'article 33 de la même loi, ainsi conçu : < Les sages-femmes ne pourront employer les instruments dans les >> accouchements laborieux sans appeler un docteur, ou un médecin, » ou un chirurgien anciennement reçu. »

> Attendu qu'en présence d'un texte aussi précis, il est difficile, en cette matière, de ne pas reconnaître aux officiers de santé un droit presque égal à celui des docteurs; que rien dans l'article 29 ne contredit cette solution, que la compétence spéciale de l'inspirateur de cette loi et l'interprétation non moins rationnelle d'Orfila établissent sur des bases d'autant plus solides que, si l'on se réfère à l'exposé des motifs de la loi, on voit que, à propos des indications générales sur le titre V, Fourcroy énonce l'obligation imposée aux sages-femmes de ne pas employer les instruments dans les accouchements laborieux sans appeler un médecin ou un chirurgien, expressions qui sont évidemment aussi larges que possible, d'où il faudrait conclure qu'en se conformant à l'article 33 on ne saurait violer l'article 29;

Attendu que, si l'on objecte que l'article 33 contient deux dispositions distinctes, l'une permanente, relative aux docteurs, l'autre transitoire, qui s'appliquerait aux médecins et chirurgiens anciennement reçus, il suffit de lire attentivement son texte pour être convaincu que cette interprétation n'est ni rationnelle ni juridique; la loi prescrit en effet d'appeler un docteur, ou un médecin, ou un chirurgien anciennement reçu; les docteurs et les médecins-chirurgiens disparaissant dans la législation moderne, il était tout naturel qu'on réservât les droits de ceux précédemment reçus ; qu'il est sensible que ces mots << ou un médecin », parfaitement distincts de ce qui précède et de ce qui suit, indiquaient alors comme aujourd'hui ceux qui n'avaient qu'un titre médical inférieur, et spécialement les officiers de santé, désignation qui commençait à prévaloir au moment de l'élaboration de la loi de l'an XI; l'article 33, ainsi expliqué, est parfaitement clair; si le législateur n'avait entendu parler que des médecins et chirurgiens de l'ancien régime, il les aurait englobés dans le même membre de phrase, en appliquant aux uns comme aux autres la qualification finale « anciennement reçu »;

> Attendu que, en admettant même que l'article 33 fût inapplicable aux officiers de santé, il n'en résulterait à leur encontre aucune incapacité, leur titre médical, infiniment supérieur à celui des sagesfemmes, les laissant investis de tous les droits dont ils ne sont pas nominativement privés, et, partant, de la pratique des accouchements virtuellement permise aux docteurs et aux officiers de santé, puisque c'est une branche de leur art (voy. Morin, Répertoire du droit criminel, Art de guérir, no 6). Resterait alors l'article 29; or, il n'est pas possible d'admettre quel'emploi du forceps, si usité dans les accouchements, puisse être assimilé aux grandes opérations chirurgicales; on arriverait de la sorte à établir au profit des docteurs, une espèce de monopole qui ne découle ni du texte ni de l'esprit de la loi ;

» Par ces motifs, le tribunal renvoie le prévenu Casimir des fins de la poursuite, sans dépens. »

La première réflexion que suggère la lecture de ce jugement, Messieurs, c'est que le tribunal s'est bien inutilement efforcé de motiver longuement sa décision, alors qu'il lui suffisait d'énoncer en quelques lignes que le fait reproché au sieur Casimir ne tombe sous aucune disposition pénale.

En effet, l'infraction à la disposition de l'article 29 de la loi du 19 ventôse au XI, que nous vous avons rappelée, n'est punie d'aucune peine.

Les seuls articles de la loi de ventôse dans lesquels il soit question de peine, sont les articles 35 et 36, et il est absolument impossible de les appliquer au cas qui nous occupe. Ces articles sont ainsi conçus :

« Art. 35. Six mois après la publication de la présente loi, tout individu qui continuerait d'exercer la médecine ou la chirurgie, ou de pratiquer l'art des accouchements, sans être sur les listes dont il est parlé aux articles 25, 26 et 34, et sans avoir de diplôme, de certificat ou de lettre de réception, sera poursuivi et condamné à une amende pécunaire envers les hospices.

» Art. 36. Ce délit sera dénoncé aux tribunaux de police correctionnelle, à la diligence du commissaire du gouvernement près ces tribunaux.

» L'amende pourra être portée jusqu'à 1000 francs pour ceux qui prendraient le titre et exerceraient la profession de docteur;

» A 500 francs pour ceux qui se qualifieraient d'officiers de santé et verrraient des malades en cette qualité.... »

Le reste de l'article est étranger à la question qui nous occupe.

Ce qui est donc puni par cet article, c'est l'individu qui exerce la médecine ou la chirurgie ou qui pratique l'art des accouchements sans être porté sur les listes qui, aux termes de la loi, devaient être dressées dans chaque arrondissement et contenir les noms de tous les docteurs, officiers de santé et sages-femmes établis dans le département, listes dont l'usage semble être tombé en désuétude. Mais du moment où l'officier de santé est ou peut être porté sur la liste du département dans lequel il exerce, et est muni du diplôme voulu par la loi, il est en dehors des termes des articles qui punissent l'exercice illégal. Il peut exercer la médecine dans le département où il est établi, et, pourvu qu'il ne sorte pas des limites de ce département, il peut

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