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La partie dn traité d'hygiène urbaine consacrée au service des eaux est certes l'une des plus importantes. M. Fonssagrives envisage successivement la provenance des eaux utilisables, leur aménagement, leur distribution, leur quantité, qui semble ne devoir pas être moindre de 150 litres par personne et par jour, taux auquel bien peu de villes sont encore arrivées. Les municipalités ne devraient cependant être arrêtées par aucun sacrifice pour déverser sur leur cité, avec l'eau, la propreté et la santé; rappelons-nous que pour qu'il y ait assez d'eau, il faut qu'il y en ait trop, et que, quant à la qualité, la meilleure est la seule bonne.

L'atmosphère urbaine est incessamment modifiée dans son mouvement, son hygrométrie, sa température et sa pureté, par la disposition des constructions, qu'elle balaye et au contact desquelles elle se charge de matériaux divers et de détritus organiques; il serait donc fort utile de pouvoir ventiler les rues comme on le fait d'une habitation; malheureusement le problème est plus difficile ; dans certains cas, cette pratique aurait en outre l'avantage de combattre l'augmentation très-sensible de calorique provenant des habitations de pierre, qui emmagasinent la chaleur solaire, la dégagent par rayonnement et en émettent par leurs nombreux foyers; aussi bien que celle des milliers d'hommes ou d'animaux. Les villes sont donc, en général, plus chaudes que les campagnes, inconvénient qui devient un avantage en hiver. Ces questions et celle de la lumière solaire constituent autant d'articles au chapitre IX, où l'auteur étudie ensuite les diverses substances tenues en suspension dans l'atmosphère urbaine, poussières minérales ou organiques, fumée, etc. Cette dernière constitue pour les villes industrielles un fléau véritable, que l'on cherche à combattre par l'adoption des fumivores ou d'appareils rendus obligatoires depuis 1814 en Angleterre pour la combustion de la fumée. En résumé, l'atmosphère urbaine est essentiellement complexe et variable, elle entretient avec le sol des rapports constants d'échanges et d'influence; elle est le milieu dans lequel s'élaborent ou se donnent rendez-vous les causes du plus grand nombre de maladies, et si, comme le dit fort bien notre auteur, « comme on fait son atmosphère, on respire, chaque ville n'a réellement que l'atmosphère qu'elle mérite. »

Le milieu urbain étant ainsi étudié dans ses conditions diverses, M. Fonssagrives examine, dans les chapitres suivants, comment se comporte la population des villes sous l'action de ce réactif complexe. Le chiffre absolu de cette population devient un élément important dans leur salubrité comparée. 164 villes du globe possèdent plus de 100 000 habitants, parmi lesquelles neuf dépassent le million; mais la densité moyenne de population est évidemment plus intéressante encore à envisager, car elle caractérise l'encombrement, danger permanent des agglomérations humaines. A Lon

dres, la densité spécifique est de 103 habitants par hectare, à Paris elle atteint 329, à Lille 4310, valeurs qui augmentent encore trèssensiblement si l'on considère, non plus la densité spécifique de la ville dans son ensemble, mais celle de certains quartiers; or, comme on le pouvait prévoir, la mortalité dans certains quartiers est généralement proportionnelle à la densité de la population; il en est souvent de même pour les maisons, qui comptent à Paris 32 habitants en moyenne, 52 à Saint-Pétersbourg, 32 à Berlin et 8 seulement à Londres.

Au chapitre XI: Insalubrité et mortalité comparatives, l'auteur traite des différentes causes ordinaires du méphitisme, et met en lumière les dangers de l'encombrement urbain, son rapport avec le développement des typhus, des érysipèles, de la diathèse purulente; il apporte à la viciation putride de l'atmosphère, dont l'élimination dans l'organisme se lie aux formes graves de la dysenterie, des diarrhées, aux épidémies de furoncles et d'anthrax. A ces influences, permanentes pour les villes, se joignent les causes accidentelles d'insalubrité provenant des épidémies, des inondations, de la guerre, de la disette, des travaux publics. La valeur de ces influences se mesure par le rapport des naissances aux décès, l'âge moyen des décédés, la mortalité aux âges extrêmes, la nature et l'énergie des endémies, la proclivité à subir les épidémies, etc.... Le lecteur trouvera sur tous ces points des considérations élevées et pratiques, corroborées par des statistiques comparatives d'un haut intérêt.

Au chapitre XII, M. Fonssagrives aborde l'histoire des institutions d'hygiène municipale, si variables suivant les villes, et, dans un appendice, trace un plan pour l'étude de la topographie médicale d'une ville, que seront heureux de trouver tous ceux qui veulent se rendre compte de l'étendue des questions qu'embrasse un tel travail, si même ils ne veulent l'entreprendre.

Jusqu'à présent, nous devons l'avouer, la plupart des villes françaises sont loin d'attacher une importance suffisante à toutes ces questions, de la solution plus ou moins parfaite desquelles résulte cependant la vie et la santé de leur population. Beaucoup d'administrateurs supposent avoir fait assez lorsqu'ils ont, à quelque point de la ville, tracé le plan d'un boulevard ou fait construire un monument architectural; on préfère le beau au solide, l'élégant au pratique et réellement ne sont-ce pas là des défauts inhérents à notre race française ?

Nous espérons que, pour de nombreux lecteurs, le remarquable ouvrage de M. Fonssagrives sera une vraie révélation. Les hygiénistes seront heureux d'y rencontrer réunis et magistralement discutés tous ces faits, tous ces documents épars dans la littérature moderne, française et étrangère; ils seront reconnaissants à l'auteur de leur faciliter les recherches, de les guider dans leurs travaux.

Nous ne doutons pas que le Traité d'hygiène et d'assainissement des villes n'obtienne le succès que commandent l'opportunité de sa publication, son mérite scientifique et littéraire, l'autorité d'un nom que chacun apprécie et vénère. G. MORACUE.

Essai des médicaments et des produits pharmaceutiques. Tableaux, par Schmid et Wolfrum.

Ce livre sera utile aux praticiens en médecine et en pharmacie. C'est un travail que nous devons à M. le docteur Strohl, professeur agrégé à l'École de pharmacie de Nancy, et pharmacien en chef de l'hôpital militaire de Belfort, qui a bien voulu l'approprier à l'usage de nos praticiens de France.

Ce livre contient, en 120 pages grand in-8°, imprimées sous forme de tableaux, les instructious les plus précises sur l'analyse et l'essai de tous les médicaments compris dans les pharmacopées française, germanique et suisse.

Principes de thérapeutique générale, ou le medicament étudié uux points de vue physiologique, pathologique et clinique, par le professeur J.-B. FONSSAGRIVES. J.-B. Baillière et fils, 1875, 1 vol. in-8° de 450 pages. Prix 7 francs.

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Écrire un traité de thérapeutique générale est une œuvre d'une immense difficulté, et cependant, c'est une œuvre dont l'utilité serait telle qu'elle tente tous ceux qu'anime le feu sacré de la science et de l'enseignement. Il semble, en effet, qu'on ne puisse aborder l'étude un peu approfondie de la thérapeutique, sans chercher aussitôt quel peut bien être le fil synthétique au moyen duquel on saura se retrouver, au milieu de l'immense dédale de faits de tout ordre qui appartiennent à cette étude.

Je n'ai nu besoin de citer ici des noms propres à l'appui de mon dire; il me faudrait alors énumérer tous ceux des auteurs qui ont écrit sur la matière; et les plus récents, parmi ces ouvrages, obligés de tenir compte d'un plus grand nombre de faits analytiques, sont aussi peut-être ceux qui ont le plus vivement senti la nécessité d'une vue synthétique. Qu'ils l'aient formulée comme un objectif doctrinal auquel il faut atteindre, ou qu'ils s'y soient résignés comme à un postulatum nécessaire, tous ont accepté l'idée synthétique, en cherchant à la rendre la plus simple possible et en la dégageant de leur mieux de l'influence néfaste des systèmes.

Telle est l'idée mère du livre que j'analyse ici. En écrivant ce volume sur le médicament, le professeur Fonssagrives a cédé à une tendance qui entraîne les esprits distingués, obligés par leur sujet à descendre dans les détails des faits particuliers et dans la multiplicité des données spéciales, et les conduit à réagir, d'autre part, contre le danger de se dissoudre en un émiettement stérile, en posant sur de larges bases l'étude des rapports qui unissent ces faits particuliers entre eux et avec ceux d'un ordre différent, et avec ceux qui les précèdent, et avec ceux qui les suivent,

dans la classification hiérarchique des connaissances humaines.

Que d'autres, méconnaissant l'intérêt qui s'attache aux rapports des choses, plus pressés de cataloguer et de multiplier leurs acquisitions que de les apprécier, dédaignent ce genre d'études; nous qui tenons que tous les éléments de la connaissance doivent être soigneusement cultivés, et que les aspirations de l'esprit humain cachent toujours dans leur fond quelque source vraie et féconde, nous avons lu avec intérêt, avec plaisir et avec beaucoup de fruit, ce livre dont voici en quelques mots la charpente.

Après quelques considérations générales, qui sont heureusement frappées au double coin de la philosophie et de la pratique, le médicament est étudié dans son absorption, ce qu'on appelait autrefois les premières voies, dans la circulation, secondes voies, et dans son élimination. Les mutations que l'agent médicamenteux peut subir dans ces diverses pérégrinations sont traitées dans un chapitre spécial. Ici sont encore étudiées la tolérance et l'intolérance, l'apathie, l'assuétude, l'accumulation et l'éréthisme médicamenteux.

On cherche bien, au milieu de ces chapitres, celui qui pourrait porter ce titre: Assimilation du médicament; et l'on s'étonne qu'après avoir suivi l'agent médicamenteux dans toutes les voies qu'il parcourt au dedans de l'économie, l'auteur n'ait pas consacré quelques lignes spéciales aux haltes qu'il peut faire et au siége qu'il peut adopter dans certains départements, pour y faire un séjour plus ou moins prolongé. Car, nous le voyons plus loin, tous les médicaments n'agissent pas par impression; ou, du moins, il en est qui ne se bornent pas à toucher en passant les éléments anatomiques et à en modifier passagèrement les propriétés ou la nutrition, il en est qui s'incrustent au milieu d'eux, et leur imposent une façon de vivre tout à la fois nouvelle et permanente. Je sais que mon observation trouve en partie satisfaction dans le chapitre suivant, où il est question de l'action des médicaments; mais dans un livre aussi philosophiquement conçu, aussi méthodiquement exécuté, je m'attendais à trouver le peu que nous savons en cette matière, présenté explicitement dans un chapitre à part c'est un point qui n'eût pu que gagner beaucoup à passer ainsi par la plume d'un aussi profond thérapeute.

L'action des médicaments est d'ailleurs compendieusement traitée on trouve d'abord les effets sensibles du médicament sur les fonctions de circulation, de calorification, de respiration, de nutrition, et sur l'action nerveuse; puis les effets intimes ou pharmacodynamiques, chapitre où l'on trouve notée, en passant, la question dont je regrettais tout à l'heure l'omission.

Avec les effets pharmaco-thérapiques, nous sommes en pleines eaux de thérapeuthique générale, ou tout au moins dans les généralités de la thérapeutique. L'originalité puissante et la science accomplie de l'auteur l'ont fait échapper à toute banalité dans l'étude

des effets topiques et des effets généraux des médicaments. Signalons encore les chapitres relatifs à la variabilité de l'action des médicaments, à l'opportunité médicamenteuse et à l'essai clinique des médicaments.

Le mécanisme de l'action curative est étudié en même temps et ramené par l'auteur à ces divers modes: action antidotique, action éliminatrice, action modificatrice, action nosopoiétique. Qu'on me permette d'insister un peu sur cette division qui est devenue pour M. Fonssagrives la base d'une classification nouvelle des médicaments. En effet, après un chapitre consacré à l'histoire et à la critique des classifications proposées jusqu'ici, nous en trouvons une qui range les médicaments en trois grandes classes, selon qu'ils sont étiocratiques, biocratiques et nosopoiétiques.

Sans doute, il nous est ici excellemment prouvé qu'une classifi cation qui ne repose que sur les qualités propres des médicaments, abstraction faite de leur usage, n'est qu'un catalogue et ne vaut pas davantage; que l'action physiologique du médicament, loin d'être unique, étant des plus relatives, ne saurait non plus asseoir solidement une classification; que « l'ordre thérapeutique, c'est à dire celui qui est basé sur les indications, est le seul qui permette d'atteindre une classification utile ..

Ce n'est certes pas moi qui dirai le contrarie: je ne puis même que me féliciter beaucoup de me trouver en pleine communauté d'idées sur ce point important avec M. Fonssagrives. Oui, c'est l'indication qui est la meilleure base de classification thérapeutique. Mais quelle sera la meilleure classification des indications? Ici, nous cessons de nous rencontrer aussi heureusement. Je n'ai point l'intention de faire la critique de la classification proposée par mon savant confrère; il me permettra de préférer celle que j'ai proposée moi-même, tout en me félicitant des nombreux points de contact qui existent entre sa classification et la mienne.

Un chapitre largement traité sur les tendances et l'avenir de la thérapeutique termine heureusement ce volume; on y trouve, avec de fines appréciations sur la portée de méthodes, de sages conseils sur l'usage qu'il faut en faire et sur l'opportunité qui leur convient. Relevons, entre autres conseils, celui qui proteste à bon droit contre la séparation que l'on établit trop entre les moyens thérapeutiques tirés de l'hygiène et ceux qui appartiennent à la matière médicale. Ce sont d'ailleurs, ajoutet-il avec autant de vérité que d'à-propos, ce sont moins les instruments qui nous manquent, que les principes scientifiques qui doivent nous guider dans leur choix et la méthode que nous devons suivre dans leur usage. Car la thérapeutique est une science et un art; ce n'est pas M. Fonssagrives qui consentirait à la mutiler en lui refusant l'un ou l'autre de ses attributs; son livre, inspiré de cette pensée, est de ceux qui la justifient absolument. A. FERRAND, Médecin des hôpitaux.

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