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cap des Tempêtes; il est temps qu'il jette l'ancre profondément.

>>. Cette ancre, ce sont les institutions belles et fortes qui lient le caractère d'un peuple à ses destinées.

Depuis qu'on nous parle institutions, et tous les gouvernemens nous en ont promis, voici la première fois que je vois une organisation, un plan réel et sérieux, et, selon moi, trèsutile.

>>> Les institutions sont ce moyen heureux, ces arts puissans dont parle Salluste (imperium iis artibus facilè retinetur quibus initio partum est), qui conservent les empires en maintenant l'esprit et l'intérêt qui les fonde.

» Les institutions sont l'image même de la société; elles sont un cadre où cette image se réfléchit; elles sont ou doivent être tellement l'essence de l'établissement public lui-même tellement composées de ses élémens les plus purs, que si ces institutions déclinent, les peuples soient avertis qu'ils courent à leur

perte, que la Constitution est altérée, et qu'il est temps de se réformer:

>> Je compare la société, dans les temps tranquilles, à un rassemblement d'hommes attentifs à des travaux qui les attachent; ils ne s'aperçoivent pas de la fuite du temps, et se laisseraient surprendre par la fuite du jour.

» Une pendule qui marque les heures les avertit. Voilà l'image des institutions.

>>> La censure distributive de la louange et du blâme était une institution tutélaire qui conserva long-temps les mœurs des Romains. Dès qu'un chevalier romain passant une revue devant le censeur, eut osé le braver, l'observateur put juger que tout était perdu. En effet, peu d'années après il n'y eut plus ni liberté, ni constitution.

>>> Les institutions sont pour la société ce qu'une armée est pour une nation, ce qu'un avantposte est pour une armée.

>> Une nation voulant se livrer paisiblement aux arts qui la nourrissent ou qui la décorent, tient

sur pied une armée qui empêche que ses voisins, par une irruption subite, ne ravagent ses champs et ses ateliers.

» Une armée sous sa tente veut se livrer au repos que la nature réclame; un avant-poste veille pour que l'armée ne soit pas surprise.

>> Ainsi l'avant-poste, même défait, donne à l'armée le temps d'abattre ses tentes et de paraître en bataille.

» Ainsi, l'armée, même détruite, a donné par sa résistance le temps à la nation de se leveren masse et de repousser l'ennemi, si cela est encore dans sa puissance ou dans sa destinée.

>>> Il est donc très-vrai que les institutions sont au corps politique ce que sont à la masse des peuples les armées, aux armées les avantpostes.

J'explique toute cette théorie, en l'appliquant à l'objet qui vous est présenté.

Quel est l'intérêt qui fonde l'État nouveau de la France? Je l'ai déjà dit au Tribunat, le déplacement du pouvoir, et encore plus le dé

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placement de la propriété; car les maximes et les principes émis ou professés, qui peuvent changer à toute heure, ne fondent rien, ne créent point d'intérêts; il n'y a que des insensés qui puissent s'y confier.

>> Le nouvel ordre de choses est donc principalement fondé sur le changement d'existence de la plupart des Français. Il s'agit de faire d'une position, résultat des circonstances, et momentanée de sa nature, un état permanent, fixe et durable.

>> Les acquéreurs de domaines nationaux sont proprement l'armée de cette nation nouvelle.

Or, voici une avant-garde qu'on donne à cette armée, afin qu'elle puisse reposer sous ses pavillóns. Cette avant-garde est composée des plus braves entre les guerriers vainqueurs de l'Europe, des plus dignes entre les magistrats que ces vainqueurs honorent.

» J'ai, si je ne me trompe, fait entendre ma pensée, établi les rapports que j'apercevais. » J'ai signalé le véritable esprit, la vue prin

cipale d'un plan qui, selon moi, prouve mieux que tout le reste à quel degré de consistance et de maturité est parvenue la pensée de la République, non-seulement sur le papier, ou même sur le champ de bataille, mais, ce qui est bien plus intéressant, dans la tête et dans le cœur de ceux qui l'administrent.

>> Le directoire, et les comités qui l'ont précédé, n'auraient jamais adopté une pareille mesure; il n'eût peut-être pas même été sûr de les leur proposer. Trois millions de revenu en biens nationaux ne leur auraient semblé bons qu'à produire une vingtaine de millions pour fournir aux dépenses; et qui leur aurait voulu faire goûter l'idée de les assigner à un emploi tel que celui-ci, aurait été soupçonné de nourrir l'arrière-pensée de les conserver, pour les rendre un jour.

» Je né dis pas qu'il y eût dans cette manière de voir et de craindre ni mauvaise intention ni absurdité.

>> Je remarque avec joie combien nous sommes

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