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guerre de Sept-Ans, reçurent le prix de leurs services méconnus, oubliés par l'ancien gou

vernement.

Mais le but de l'institution n'eût pas été atteint si l'armée seule eût été admise à former la Légion-d'Honneur: une place y était marquée pour le contingent du mérite civil, et il vint l'occuper à la voix de Napoléon. Les arts, les lettres, les sciences, ne pouvaient avoir un meilleur juge les préoccupations continuelles des camps ne l'avaient pas empêché de suivre les progrès des connaissances humaines, de s'y associer lui-même par ses travaux, d'assurer

la marche et les succès de l'industrie renaissante. Le membre, de l'Institut national, celui qui y avait été appelé par de libres suffrages, connaissait tous les talens dont s'honorait la France; aussi n'eurent-ils pas besoin de réclamer la récompense due à leurs ouvrages, pour l'obtenir dans tous les rangs, dans toutes les professions, tout ce qui avait des droits à la

distinction nationale, fut dispensé de les faire valoir.

Parmi les nombreux légionnaires inscrits sur la glorieuse liste par Napoléon, on distingue le vénérable Adanson, naturaliste, digne émule de Linnée, Cuvier, Bossut, Monge, Berthollet, La Grange, Lefebvre-Gineau, Legendre, Buache, Cassini, Fourrier, Guyton-de-Morveau, de Jussieu, Pelletan, Pinel, Portal, Barthez, Prony, Vauquelin, Lalande. La littérature n'a rien à envier aux sciences, et elle compte dans la Légion-d'Honneur de nombreux représentans; ce sont: Chénier, Le Brun, Arnault, Collin-d'Harleville, Bitaubé, Boufflers, Levêque, Dacier, Legouvé, Larcher, Lemercier, Andrieux, Laporte - Dutheil. Les arts n'ont pas manqué non plus à l'appel du souverain, qui les aime et qui les protége; la Légion-d'Honneur s'enorgueillit des noms illustres de David, Gérard, Guérin, Lagrenée, Regnault, Menageot, Valenciennes, Suvée, Vincent, Denon,

Houdon, Chaudet, Moitte, Pajou, Paësiello, Grétry, Monsigny, Méhul, Gossec. Les jurisconsultes célèbres, tels que les Henrion de Pansey, les Tronchet, les ministres des différentes religions, signalés par l'estime publique au choix du souverain, vinrent grossir les rangs de la Légion-d'Honneur.

Tous les légionnaires qui se trouvaient à Paris furent convoqués le 26 messidor an XII (14 juillet 1804), dans la chapelle des Invalides. C'était l'anniversaire du 14 juillet 1789, de cette journée qui vit tomber les murs de la Bastille sous les coups du peuple parisien, et fut l'aurore de la liberté pour la France. Napoléon voulait recevoir lui-même le serment des légionnaires, et relever l'éclat de cette solennité par la par la pompe d'une fête publique: elle fut annoncée dès six heures du matin à la capitale par le bruit du ca

non.

L'empereur arriva aux Invalides à travers une double haie de soldats, et fut reçu à la porte de l'église par le cardinal-archevêque de Paris,

à la tête de son clergé; puis, conduit processionnellement sous le dais, au bruit d'une musique militaire, il alla s'asseoir sur le trône, ayant derrière lui les colonels généraux de la garde, le gouverneur des Invalides et les grandsofficiers de la couronne. Les grands dignitaires occupaient les deux côtés et la seconde marche du trône; les ministres étaient placés plus bas et à droite; à gauche, les maréchaux de l'empire; au pied des marches du trône, le grandmaître et le maître des cérémonies; en face du grand-maître, le grand-chancelier et le grandtrésorier de la Légion-d'Honneur. Les aidesde-camp de l'empereur étaient debout, en haie, sur les degrés du trône. Derrière l'autel s'élevait un immense amphithéâtre où étaient rangés sept cents invalides et deux cents élèves de l'école polytechnique. Toute la nef était occupée par les grands-officiers, commandans, officiers et membres de la Légion-d'Honneur.

Après la célébration de la messe, le grandchancelier de la Légion-d'Honneur, M. de La

cépède, s'avançant sur les degrés du trône, prononça le discours suivant :

« Quelle auguste solennité réunit dans cette enceinte l'élite de la nation!

Français, quelle époque mémorable venezvous célébrer? ce jour de 89, où la nation fit entendre sa voix souveraine, et reprit ses droits usurpés. Alors elle brilla de son éclat céleste, cette liberté sainte que le peuple français venait de conquérir. Mais quels orages funestes s'amoncelèrent bientôt sur la tête de la patrie trompée, trahie, livrée à l'or corrupteur d'un étranger perfide! Elle allait succomber et périr, lorsque le héros du dix-neuvième siècle, interrompant ses triomphes lointains et accourant à sa voix, est venu la sauver, la délivrer, et la rendre à la gloire et au bonheur.

» Malgré toutes les tempêtes, le vaisseau de l'État est entré dans le port; il a jeté l'ancre et

la révolution est terminée.

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