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CHAPITRE VIII.

Révolution de 1830.

Ordonnance de Louis-Philippe concernant les Légionnaires nommés du 20 mars au 7 juillet 1815. – Espérances de la Légion-d'Honneur. — Le nouveau grandchancelier. État actuel de la Légion. Conclusion.

1830-1832.

Les journées de juillet, en précipitant du trône un roi parjure, rendirent à la France son drapeau national, le drapeau de ses victoires : c'était celui de la Légion-d'Honneur, et elle courut se ranger sous ses nobles couleurs. Comment ne se serait-elle pas associée à ce grand mouvement populaire? comment n'aurait-elle

pas

salué de ses cris d'enthousiasme une révolution qui était l'expression de sa propre devise? La Légion-d'Honneur ne fit pas défaut au combat de la liberté : elle concourut à son triomphe; un grand nombre de ses membres inscrivirent leurs noms sur la liste de ses illustres martyrs.

Avec Charles X tombèrent toutes ces rivalités jalouses, ces usurpations qu'il protégeait; la Légion-d'Honneur reconquit le rang dont elle avait été obligée de descendre. En voyant sur le trône où le vœu du peuple avait fait monter Louis-Philippe, un vétéran des armées républicaines, un soldat de Valmy et de Jemmapes, elle dut compter sur un protecteur. Son espoir n'a pas été trompé, et la seule décoration qui brille sur la poitrine du Roi des barricades, c'est l'étoile de la Légion-d'Honneur.

Sans doute, il eût voulu signaler le commencement de son règne par un témoignage d'affection à l'Ordre qui s'enorgueillit de l'avoir pour chef; il eût voulu prendre l'initiative d'un

acte de justice, en proposant aux Chambres d'acquitter la dette de la nation, et faire droit aux réclamations des légionnaires frustrés pendant si long-temps de la moitié de leurs traitemens: mais les embarras du trésor public, les menaces de l'Europe armée qui exigeait un grand développement de forces militaires de la part de la France, n'ont pas permis de réaliser encore ce vœu qui est celui de la nation. La Légion-d'Honneur ne perdra pas le fruit de sa résignation: elle souffre aujourd'hui sans se plaindre, parce qu'elle se repose sur la sagesse d'un monarque qui compte dans ses rangs un grand nombre de frères d'armes; elle apprécie les difficultés de la position actuelle, et se soumet au sacrifice de ses propres intérêts, en faveur des intérêts de la patrie commune. Lorsque la paix générale s'appuiera sur d'honorables et solides garanties, la Légion-d'Honneur n'aura pas besoin d'appeler sur ses droits l'attention du monarque; il n'attendra pas l'avertissement de la plainte pour accomplir un devoir.

Mais déjà il a réparé une grande injustice du dernier Gouvernement. Un grand nombre de braves avaient été décorés par Napoléon pendant son règne de trois mois : ces décorations étaient pour les uns la récompense d'anciens services, pour les autres le prix du sang qu'ils venaient de verser sur le champ de bataille, en repoussant les hordes étrangères qui menaçaient de nouveau le sol de la patrie. Une ordonnance de Louis-Philippe, en date du 28 novembre 1831, rétablit ces légionnaires dans les grades qui leur avaient été conférés par le Gouvernement impérial des cent-jours,

Le maréchal Macdonald ayant donné sa démission de grand-chancelier de la Légion, le choix du souverain appela pour le remplacer un autre maréchal dont la réputation répondait à l'importance et à l'éclat de ces fonctions: ce fut le duc de Trévise, un des plus illustres lieutenans de Napoléon, un des héros de la campagne de France, celui qui, avec une poignée de soldats, disputa l'entrée de la capitale

en 1814, aux deux cent mille hommes de Schwarzemberg et de Blücher. Entouré, assailli de toutes parts, il répondit au messager chargé de l'insolente sommation d'Alexandre : «Les alliés, pour être au pied de Montmartre, ne sont point dans Paris; mes soldats et moi nous périrons sous ses ruines plutôt que d'accepter une honteuse capitulation. Au reste, quand je ne pourrai plus défendre Paris, je sais où et comment effectuer ma retraite, devant vous et malgré vous. » Alexandre avait sommé le maréchal de mettre bas les armes. La convention honorable pour l'évacuation pure et simple de la capitale fut le résultat de cette réponse, dictée par une noble fierté, et justifiée par le souvenir de Diernstein, de ce beau combat qui fut le brillant prélude d'Austerlitz.

Le récit de cette action glorieuse trouve ici naturellement sa place, et nous l'empruntons à un ouvrage où, en rendant hommage aux talens et à l'intrépidité de l'illustre maréchal, en réclamant pour lui l'entière justice de l'histoire,

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