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le ministre les aura accordées. Il ne pourra pas y en avoir plus de deux cents pour toutes les armées.

IX. Les procès-verbaux dressés par les chefs des corps, généraux, et par le général en chef d'une armée, lesquels constateront les droits de chaque individu à l'une des récompenses indiquées, seront immédiatement imprimés, publiés, et envoyés aux armées par ordre du ministre de la guerre. »

Les dispositions de cet arrêté sont d'une grave importance pour l'histoire de la Légion-d'Honneur; car on y trouve l'idée-mère de cette institution, le germe de la haute et féconde pensée qui allait recevoir bientôt du génie de si beaux, de si utiles développemens.

La nation applaudit à ce prélude d'une justice solennelle. Mais elle n'était pas complète; et si les soldats se plaignirent que la distinction conquise sur le champ de bataille, fût un attribut inséparable de l'état et de l'habit militaires, que l'âge et les blessures les for

çaient de quitter, les citoyens qui exerçaient des fonctions civiles ne virent qu'avec peine une exclusion pour eux. Les artistes, les savans, partageaient cette espèce d'interdiction : eux aussi cependant attestaient de nobles services rendus à la patrie; ils avaient aussi contribué à sa splendeur. Pourquoi leurs titres étaient-ils mécounus? Comment se trouvaient-ils exceptés de la reconnaissance nationale ?

Mais Bonaparte n'avait pas attendu ces critiques et ces plaintes, pour chercher à réparer l'omission de l'acte constitutionnel à l'égard de ces classes d'honorables citoyens qui réclamaient des récompenses. Le guerrier-législateur mûrit dans sa pensée le plan de l'institution, où tous les genres de mérite viendront se grouper en un brillant faisceau; où les talens, les vertus, le courage, formeront une seule famille, unie par le double lien de la même devise et d'une commune gloire.

CHAPITRE II.

Napoléon Bonaparte consul à vie. tion d'une Légion-d'Honneur. d'État. Discours de Bonaparte.

Projet de loi portant créa-
Discussion au Conseil-
Principales dispositions,

et présentation du projet de loi au Corps-Législatif.

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A la voix du premier consul, l'ordre, la confiance et le commerce renaissaient en France.

La paix continentale assurée par la signature des préliminaires du traité qui allait être signé à Amiens, le culte rétabli, la réorganisation de

l'instruction publique, une foule de décrets et de mesures qui attestaient la haute sagesse du premier consul, l'avaient réconcilié même avec la plupart des républicains qui avaient jugé le plus sévèrement la révolution du 18 brumaire. Non-seulement l'opinion publique pardonnait au jeune général les actes audacieux de son ambition; mais telle était la situation des esprits, que le peuple lui-même avait décerné la dictature à Bonaparte, avant qu'il s'en fût emparé.

Le sénat-conservateur, en réélisant Bonaparte premier consul de la République française, pour les dix années qui devaient suivre immédiatement les dix années pour lesquelles il avait été nommé par l'article 39 de la Constitution, ne satisfait pas entièrement l'opinion publique : aussi, lorsque l'arrêté des deux collègues du premier consul soumit au peuple cette question: Napoléon Bonaparte sera-t-il consul à vie? cet acte fut-il accueilli partout avec faveur. On ne songea pas alors aux dangers que pou

vait faire courir aux libertés publiques la continuation d'un pouvoir presque absolu entre les mains d'un seul homme; mais le souvenir de l'anarchie révolutionnaire, des saturnales sanglantes de 93, justifiait d'avance l'ambition de Bonaparte; la nation appelait de tous ses vœux à la direction suprême des affaires l'homme qui non-seulement lui avait assuré une paix glorieuse, mais qui imprimait à toutes ses actions le sceau de la sagesse et de la grandeur; on avait foi à l'avenir que promettait la dictature du général, parce qu'on la jugeait nécessaire, et qu'il en était seul digne.

Ce fut au moment même où le peuple français fut appelé à se prononcer sur la question du consulat à vie, que Bonaparte s'occupa à mettre à exécution le projet d'organisation d'une Légion-d'Honneur. Cet ordre, destiné à récompenser les services militaires et civils, ne créait pas une nouvelle classe de citoyens; mais, en respectant l'égalité de tous, elle établissait une honorable distinction entre ceux qui ont

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