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tous les autres cas, la prescription court en faveur des tiers, contre la femme mariée, même sous le régime de la communauté, et à l'égard des biens dont son mari a l'administration. [Pourvu toutefois que son action, comme on vient 2254. de le dire, ne soit pas de nature à réfléchir contre le mari. Si donc un individu achète du mari un immeuble de la femme, la prescription ne courra à son profit, qu'à compter de la dissolution du mariage; mais s'il l'a acquis d'une autre personne, ou s'il a commencé à le posséder sans titre, il pourra prescrire pendant le mariage; sauf, s'il y a lieu, le recours de la femme en dommages-intérêts contre le mari, après la dissolution du mariage, s'il pouvait interrompre la prescription, et qu'il ne l'ait pas fait. (Voir, à ce sujet, la loi 16, ff. de Fundo dotali.)

Quid, si la femme est mineure, et qu'elle ait passé, avec l'autorisation de son mari, un acte excédant les bornes de sa capacité; les dix ans accordés pour intenter l'action en rescision, courront-ils pendant le mariage? Oui, si le mari s'est contenté d'autoriser, parce que celui qui autorise, ne s'oblige, et ne garantit pas. Secùs, s'il s'est porté fort pour elle, et a promis de la faire ratifier. Car alors, comme l'action de la femme réfléchirait contre le mari, les dix ans ne courent pas pendant le mariage.]

4. La prescription est également suspendue en faveur de l'héritier bénéficiaire, à l'égard des créances qu'il a contre la succession. [Au moment où le Code Civil a été promulgué, cela était conforme aux principes, parce que l'héri– tier bénéficiaire, quand il était unique, ne pouvait agir contre lui-même. Mais actuellement que, d'après le Code de Procédure (article 996), il est tenu, s'il a des actions à intenter contre la succession, de les diriger contre un curateur au bénéfice d'inventaire, qu'il peut faire nommer 2 il semblerait que la prescription dût courir contre lui. Mais il y a une autre raison qui s'y oppose, c'est qu'il peut dire qu'il est nanti, puisqu'il est saisi de tous les biens de la succession. Il lui est donc inutile de poursuivre. Il est dans le cas du créancier saisi du gage, et contre lequel, tant qu'il est saisi, la prescription ne peut courir. (L. 7, § 5, Cod.

de Præscript. 50 vel 40 annorum.) Par suite de ce raisonnement, je pense que, s'il y a plusieurs héritiers, la prescription doit courir pour la part des autres héritiers.

L'héritier débiteur de la succession peut-il prescrire contre ses co-héritiers, pour la part de ces derniers? Je pense qu'oui, et qu'il peut même achever contre eux la prescription commencée contre le défunt. Nec obstat que l'action en partage est imprescriptible; car il est de principe que cette action n'embrasse pas les créances actives ou passives de la succession, attendu qu'elles se divisent de plein droit entre les héritiers (L. 2, § 5, et L. 4, ff. Famil. ercisc.; et art. 1220 du Code Civil). Chacun des héritiers est donc, du moment de son acceptation, devenu réellement et effectivement 'créancier particulier de son co-héritier, pour la part qu'il a dans la succession. La prescription commencée contre le défunt doit donc pouvoir s'achever contre chacun d'eux en particulier, comme elle peut s'achever contre les uns, et être interrompue à l'égard des autres.

La même raison ne pouvant s'appliquer à l'héritage que l'héritier aurait commencé à prescrire contre le défunt, je pense que la prescription cesse de courir en sa faveur à compter du décès de l'auteur commun. D'ailleurs, comme il doit apporter à l'administration de la succession le même soin qu'à ses propres affaires, il doit être censé avoir interrompu la prescription contre lui-même, comme il aurait été tenu de l'interrompre contre tout autre qui aurait possédé un immeuble de la succession. (Voir MONTVALLON`, des Successions, chap. 3, art. 19.)]

La prescription court contre une succession vacante, 2258. même non pourvue du curateur : c'est aux parties intéressées à en faire nommer un. Elle court, par la même raison, pendant les délais pour faire inventaire et pour 2259. délibérer l'héritier présumé peut, sans prendre qualité, faire tous les actes conservatoires nécessaires.

Nous avons ajouté que l'impossibilité d'intenter la demande peut provenir de ce que l'action n'est pas encore ouverte. C'est pour cette raison, que la prescription ne court pas à l'égard d'une créance à terme ou sous condition,

jusqu'à l'événement du terme ou de la condition; et à l'égard d'une action en garantie, jusqu'à ce que l'éviction ait lieu. [De même s'il s'agit d'une action appartenant à une 2257. femme mariée en communauté, mais qui ne puisse être exercée par elle qu'après qu'elle aura déclaré si elle accepte la communauté ou si elle y renonce, il est évident que, tant que la communauté existe cette action ne peut se prescrire. (Art. 2256.)

Quid, si la dette est payable en plusieurs termes, par exemple, par quart, d'année en année? L'on peut dire qu'il y a autant de dettes différentes qu'il y a de termes, et que chacune se prescrit à compter de son échéance. (L. 7; S6, Cod. de Præscript. 30 vel 40 annorum.)

Relativement à la condition, il faut observer que cette disposition de l'art. 2257 ne doit avoir d'effet qu'entre le créancier et le débiteur, conditionnels, et nullement à l'égard des tiers: ainsi elle ne s'appliquerait point à la prescription de l'hypothèque en faveur du tiers-détenteur. Quand même la créance à laquelle l'immeuble est affecté, serait à terme ou conditionnelle, la prescription n'en courrait pas moins du jour de la transcription du titre d'acquisition (article 2180), ou du jour de l'entrée en possession, s'il n'y avait pas de titre. Il en serait de même dans le cas suivant: Pierre a vendu sa maison à Paul sous une condition suspensive, dont l'événement peut être long-temps attendu, putà, si Paul lui survit. Pierre vend ensuite la maison à Jacques, comme en étant propriétaire pur et simple, et sans parler de la première vente faite à Paul. Jacques, mis en possession de la maison, pourra-t-il prescrire contre Paul pendant la vie de Pierre? Oui, sans doute; car il le pourrait, quand même Pierre n'aurait eu aucun droit sur la maison, puisque ce n'est même que dans le cas où l'on a acheté du non-propriétaire, que l'on a besoin de la prescription et le droit de l'acquéreur peut-il être moindre, parce que le vendeur n'était pas encore dépouillé tout-à-fait de sa propriété? La convention faite entre Pierre et Paul est entièrement étrangère à l'acquéreur; c'est à son égard res inter alios acta. Elle ne peut donc préjudicier au droit

qu'il tient de la loi, de prescrire contre tout ayant-droit, soit par dix ou vingt ans, s'il a titre et bonne foi; soit par trente ans, dans le cas contraire. D'ailleurs, le principe qui ne fait courir le délai de la prescription que de l'échéance du terme ou de l'événement de la condition, est fondé sur ce qu'auparavant le créancier n'a pu agir, et que contrà non valentem agere non currit præscriptio. Or, cela ne peut s'appliquer au cas dont il s'agit. Nous avons vu au Titre précédent, que la condition, même suspensive, n'empêchait pas le créancier de faire les actes conservatoires nécessaires, et, par conséquent, dans le premier cas, de former une demande en déclaration d'hypothèque contre les tiers-détenteurs; et dans le second, de signifier au possesseur son contrat d'acquisition.]

Ces différentes causes de suspension exceptées, la prescription court dans tous les cas, et contre toutes person2251.nes. [Par conséquent contre les absens, pour quelque cause qu'ils le soient.

Mais court-elle en faveur de toutes personnes, putà, des étrangers, des morts civilement? Quant à la prescription à l'effet de se libérer, comme elle est fondée, en grande partie, sur la présomption de paiement, elle doit courir en faveur de toutes personnes; sauf que, si le contrat n'a pas eu lieu en France, l'on doit suivre, pour la prescription, la loi du pays où le contrat a été passé. (Argument tiré de l'art. 1159.) Quant à la prescription à l'effet d'acquérir, nous avons démontré au premier volume qu'elle était de droit naturel; elle doit donc courir également en faveur de tous.]

La prescription étant une peine imposée au créancier négligent, doit cesser du moment qu'il a été fait, avant l'expiration du temps fixé, un acte quelconque, tendant à faire acquitter ou renouveler l'obligation. On dit alors que la prescription est interrompue.

Il y a cette différence essentielle entre la suspension et l'interruption de la prescription, que, dans le cas de suspension, le temps antérieur à la suspension, et pendant lequel la prescription a pu courir, se joint au temps

écoulé depuis que la suspension a été levée; au lieu que, s'il y a eu interruption valable, tout le temps antérieur est nul pour la prescription.

L'interruption de la prescription est naturelle ou ci2242.

vile.

La prescription est interrompue naturellement, par la reconnaissance que fait le débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrivait. [ Quid, si elle est sous-seing 2248. privé, et qu'elle ne soit opposée qu'après l'accomplissement de la prescription? Elle est valable contre le débiteur, mais non contre les tiers qui auraient intérêt à ce que la créance fût prescrite; putà, les cautions, les débiteurs solidaires, à l'égard desquels elle n'a d'autre date que celle du jour où elle est présentée.

Quid, si elle est valable? Il faut distinguer : si elle est avouée, elle a le même effet que la reconnaissance sousseing privé; si elle est déniée, elle est nulle, à moins qu'il n'y ait lieu d'admettre la preuve testimoniale. Mais pourrait-on, après la prescription accomplie, déférer le serment sur le fait de la reconnaissance? Oui; nec obstat, que le serment ne peut être déféré sur le fait du paiement. La raison de différence est que la preuve du non-paiement n'empêcherait pas la prescription d'avoir lieu. Or, frustrà probatur, quod probatum non relevat. Au contraire, la reconnaissance prouvée anéantit la prescription.

La reconnaissance d'une dette par les créanciers du débiteur, interrompt-elle la prescription à l'égard de ce dernier? Je pense qu'il faut distinguer : si, à l'époque de la reconnaissance, le débiteur était en faillite, il a pu être représenté valablement par les syndics de ses créanciers; secùs, dans le cas contraire. (Voir un décret du 14 mars 1807, rapporté dans SIREY, 1814, 2e partie, page 439.)]

Elle est interrompue civilement par l'interpellation judiciaire. Cette interpellation a lieu par une citation en justice, même devant un juge incompétent [L'incompé-2246. tence du juge n'empêche pas que l'assignation ne soit valable au fond, si elle a d'ailleurs été faite par un of

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