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Quelques personnes avaient prétendu que, comme, dans ces différens cas, le contrat manquait d'une des choses qui lui sont essentielles, sans lesquelles il ne peut subsister, alors il y avait lieu à l'action dite condictio indebiti, action qui devait durer trente ans. Mais l'on peut répondre que, dans tous les cas, le contrat est, à la vérité, nul; mais que nous ne connaissons point, en général, de nullités de droit; qu'il faut qu'elles soient prononcées, et par conséquent demandées; que l'article 1304 ne distingue point entre les cas de nullité et ceux de rescision; qu'il n'accorde en général, le délai de dix ans; que et pour tous les cas, que le consentement est aussi essentiel au contrat, que la cause ou l'objet; 'et que, cependant, l'article 1504 ne donne que dix ans pour intenter l'action en nullité résultant du défaut de consentement, puisque cet article s'applique formellement au cas d'erreur, et que, dans le cas d'erreur, il n'y a pas de consentement. (L. 116, § 2, ff. de Regulis juris.) D'ailleurs, comme nous l'avons dit, la fausseté de la cause ne peut être que le résultat de l'erreur. Or, pourquoi le délai serait-il plus long, lorsque l'erreur s'applique à la cause, que lorsqu'elle s'applique à tout autre objet? Concluons donc que la disposition de l'article 1304 doit être appliquée à tous les cas de nullité ou de rescision, quelle qu'en soit la cause, et que l'action, quand elle a lieu, ne peut durer plus de dix ans. Au reste, rappelons-nous toujours que l'esprit général du Code est d'assurer, autant que possible, la tranquillité des possesseurs. C'est même là le principal motif qui a fait ranger sur la même ligne les cas de nullité et ceux de rescision, que l'on distinguait autrefois. Or, le système que je combats, serait entièrement opposé à cette intention bien prononcée du Législateur.

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Si la cause est illicite, il faut encore distinguer: S'il y turpitude ex utráque parte ; putà, si quelqu'un a promis de l'argent à un autre pour qu'il commît un crime, il n'y a pas d'action pour faire exécuter le contrat; mais s'il a été exécuté, il n'y a pas davantage d'action en nullité. Aucun des deux ne peut être reçu à alléguer sa propre turpitude. D'ailleurs, sunt in pari causa, et tunc melior est conditio

possidentis. Mais s'il y a turpitude d'un côté seulement, putà, si un dépositaire a exécuté une chose ou une promesse du déposant pour lui rendre le dépôt, il y a action pendant dix ans, lesquels courent du jour du contrat; mais l'exception est perpétuelle.

Certainement le principe que l'exception est perpétuelle, quoique l'action soit temporaire, paraît fondé sur la saine raison. Il a en sa faveur les dispositions des lois Romaines; et il n'y a rien dans le Code qui y soit contraire. Il a cependant trouvé quelques contradicteurs, qui ont prétendu que le § 6 de la loi 5, ff. de Doli mali et metús Except., n'était applicable qu'au cas de dol, et non aux autres causes de restitution, quoique certainement le motif de cette disposition soit général et applicable à tous les cas. Le demandeur, y est-il-dit, peut user de son droit, c'est-à-dire, exercer son action quand il veut; on a donc pu lui fixer un terme. Mais l'exception ne pouvant être opposée que par le défendeur, et celui-ci n'étant pas le maître de se faire assigner quand il veut, elle a dû être perpétuelle, et durer autant que l'action.

que,

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Les personnes qui veulent que, hors le cas du dol, la durée de l'exception soit la même que celle de l'action, s'appuient à cet égard sur deux lois Romaines : la première est la loi 8, § 15, ff. de inoff. Testamento, où il est dit le fils déshérité est en possession de l'hérédité, que l'héritier institué revendique la succession, et que le fils, pour se dispenser de la restituer, intente la querelle d'inofficiosité, il doit agir comme il ferait, s'il ne possédait pas ; quemadmodùm ageret, si non possideret, sed peteret. Or, s'il ne possédait pas, il n'aurait que cinq ans pour intenter la querelle par voie d'action. (L. 8, § 17, et L. 9, eod.) Or, il procède par voie d'exception; donc il n'a également que cinq ans, soit qu'il procède par voie d'action ou par voie d'exception. Mais l'on peut répondre que ces mots, quemadmodùm ageret, etc., ne se rapportent nullement au délai dans lequel l'action doit être intentée, mais à la manière dont elle doit l'être, et aux cas dans lesquels elle peut l'être, etc.; interprétation qui se rapproche même davantage de la significa

tion du mot quemadmodùm, etc., qui se rapporte bien moins au temps qu'à la manière dont une chose doit être faite et ce qui appuie encore davantage cette opinion, c'est que, aux termes de la loi 36, § 2, Cod. de inoff. Test., les cinq ans ne couraient que du jour que l'héritier institué avait accepté la succession; et cela ne pouvait être fondé que sur ce qu'on pensait que, s'il n'acceptait pas, l'héritier légitime pouvait se mettre en possession de l'hérédité, sans avoir besoin d'intenter la querelle.

La seconde loi paraît avoir une application plus directe. C'est la loi 9, § 4, ff. de Jurejurando, ainsi conçue: Si minor viginti quinque annis detulerit (jusjurandum), et hoc ipso captum se dicat, adversus exceptionem jurisjurandi replicari debebit, ut Pomponius ait. Ego autem puto hanc replicationem non semper esse dandam; sed plerumquè ipsum Prætorem debere cognoscere an captus sit, et sic in integrum restituere. Non enim utique, qui minor est, statim et circumscriptum se docuit. Prætereà exceptio ista, sive cognitio, statutum tempus post annum vicesimum quintum non debet egredi.

L'on conclut de cette dernière phrase que le mineur n'a, pour opposer l'exception de minorité, que le même délai qu'il aurait pour demander la restitution directement et par voie d'action. Mais je ne crois pas que ce soit la conséquence que l'on doive tirer de cette loi : et pour mieux en faire comprendre le sens, il est nécessaire d'en faire l'espèce.

Une personne prétendait avoir un droit à exercer contre · un mineur. Elle assigne le mineur qui lui défère le serment. Elle jure que la chose lui est due; en conséquence, le mineur la paie. Devenu majeur, il redemande ce qu'il a payé, par l'action dite condictio indebiti. On lui oppose l'exception du serment. Il répond qu'il a été lésé en déférant le serment. Le Jurisconsulte décide que le Préteur examinera s'il a été effectivement lésé; et, dans le cas de l'affirmative, lui accordera la restitution en entier. Mais, ajoute-t-il, tout cela doit être fait dans le délai accordé pour la restitution. Mais qui ne voit qu'on ne peut rien conclure de cette loi contre notre système? En effet, ici le mineur est demandeur; et

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ce qui le prouve, c'est qu'on lui donne ce que les Romains appelaient replicatio, qui était la réponse du demandeur à l'exception proposée par le défendeur. Or, la répétition faite par le mineur de ce qu'il avait payé en minorité, était une espèce de demande en restitution contre ce qui avait été fait il n'est donc pas étonnant que le Jurisconsulte décide qu'elle devait être formée dans le délai accordé pour la restitution.]

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§ III.

De l'Effet du Jugement qui a admis la demande en nullité ou rescision.

[Devant quel tribunal l'action doit-elle être portée? S'il s'agit d'un meuble, il n'est pas douteux que ce ne soit au tribunal du domicile du défendeur. S'il s'agit d'un immeuble, je pense que le demandeur a le choix de porter la demande, soit devant ce même tribunal, soit devant celui de la situation de l'objet c'est alors une espèce d'action mixte.]

Lorsque la demande en nullité ou rescision est admise par un jugement passé en force de chose jugée, l'effet de ce jugement est, que les parties sont remises au même état que si l'acte rescindé, ou déclaré nul, n'avait pas existé. [Cependant, quant au droit de mutation, il faut distinguer : Le droit perçu régulièrement n'est jamais restituable, quels que soient les événemens ultérieurs. (Article 60 de la loi du 21 frimaire, an 7.) Quant au droit de mutation, à raison du retour de la chose à son ancien propriétaire, il n'est perçu qu'un droit fixe, lorsque la rescision est prononcée par un jugement, et pour cause de nullité radicale, c'està-dire d'une nullité qui remonte à l'origine et à la source du contrat. (Ibid., article 68, § 3, no 7.) Cependant si la rescision d'une vente est prononcée pour défaut de paiement du prix, cause qui remonte à l'origine du contrat, puisque

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le défaut de paiement du prix est toujours censé condition résolutoire tacite dans le contrat de vente, le droit conditionnel est dû, si l'acquéreur est entré en jouissance. (Loi du 27 ventose an 9, article 12.) On a craint qu'on ne prît ce détour cacher une revente. Mais remarquez que ces distinctions n'ont lieu que relativement à la Régie, et dans l'intérêt du fisc: à l'égard des tiers, la rescision ou la résolution du contrat, ex causá antiqua et inexistenti contractu, a toujours le même effet qu'à l'égard des parties, (argument tiré des articles 1681, 2125 et 2182), et sauf le droit résul– tant de l'art. 1167.]

§ IV.

De la Ratification des Actes sujets à la nullité ou à la rescision.

Les nullités dont il s'agit ici, étant toutes, comme nous l'avons dit, établies dans l'intérêt des individus, il est évident qu'elles ne peuvent plus être invoquées par ceux qui ont ratifié l'acte sujet à nullité ou à rescision, quand même 1311. la nullité résulterait d'un défaut de formalité. [Si toutefois il ne s'agit pas de formalités qui soient requises pour la solennité de l'acte. Telles sont les formalités des donations, dont le défaut ne peut être réparé par aucune ratification de la part du donateur. (Article 1339.) Secùs, de la part de ses héritiers, après son décès. (Article 1340.)]

La ratification peut être expresse ou tacite.

La ratification expresse est celle qui résulte d'un acte énonçant formellement l'intention de ratifier. Pour qu'elle soit valable, il faut que l'acte qui la contient, renferme en outre la substance de l'obligation, et la mention du motif pour lequel la nullité ou la rescision pouvait être deman1338. dée. [On veut que celui qui ratifie, connaisse le moyen de

rescision qui pouvait être employé. Secùs, quand il exécute. Le simple fait de l'exécution suffit. La raison de différence est, que l'exécution coûté toujours quelque

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