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Il me semble qu'il résulte du texte même de l'article, que c'est l'acte de rétablissement, qui est entièrement nul, et que les époux restent dans l'état de séparation. En effet, il est dit :

<< Toute convention par laquelle les époux rétabliraient leur communauté à des conditions différentes, est nulle. »

C'est donc la convention même de rétablissement, qui est nulle; et cela est même assez conforme à l'équité. On peut présumer que les époux n'ont consenti à rétablir leur communauté, que parce qu'ils croyaient pouvoir le faire sous des conditions différentes; et rien ne prouve qu'ils eussent pensé de même, s'ils avaient cru être obligés de la rétablir aux mêmes conditions.]

La communauté rétablie de cette manière, reprend tous ses effets, à compter du jour du mariage, et les choses sont remises au même état que s'il n'y avait pas eu de séparation; sans préjudice néanmoins de l'exécution des actes faits par la femme dans le temps intermédiaire, et qui n'excédaient pas les bornes de sa capacité.

SECTION V.

Des Suites de la Dissolution de la Communauté.

La communauté une fois dissoute, il reste à déterminer quels sont les droits de chacun des époux sur les biens qui la composent; et comme ces droits varient, suivant que la femme accepte la communauté, ou y renonce, nous aurons à traiter :

1o. De l'acceptation de la communauté, et de la renonciation qui peut y être faite;

2o. Des effets de l'acceptation; 3o. De ceux de la renonciation.

$ Ier.

De l'Acceptation de la Communauté, et de la Renonciation qui peut y être faite.

Le droit de renoncer à la communauté, et, ce faisant, de se décharger du paiement des dettes auxquelles elle est

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assujétie, est un droit exorbitant. [Il est, en effet, contraire aux règles des sociétés ordinaires, autres que les sociétés en commandite, qu'un des associés puisse se décharger de toute contribution aux dettes, même en abandonnant sa mise ou sa part dans les bénéfices. ] Ce droit n'a été accordé à la femme, qu'en considération de ce que, le mari étant le maître de cette communauté, et pouvant l'obérer à son gré, même au delà de sa valeur, il ne paraissait pas juste que la femme, qui n'avait participé en rien à l'administration, fût tenue d'acquitter les dettes, même sur ses biens personnels.

On a pensé, en outre, que, si l'on permettait à la femme de s'interdire la faculté de renoncer, cette clause deviendrait de style dans les contrats de mariage; et l'on a établi, en conséquence, que toute convention de ce genre serait nulle, tant à l'égard de la femme que de 1453. ses héritiers.

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Les raisons qui ont déterminé ces dispositions, n'existant pas à l'égard du mari, qui doit être nécessairement responsable de sa mauvaise administration, il est évident qu'il ne peut être admis à renoncer à la communauté. Il en reste donc propriétaire pour le total, si la femme ou ses héritiers y renoncent; et pour moitié seulement, s'ils l'acceptent. [Nous disons que le mari reste propriétaire de la communauté, parce que, comme nous l'avons déjà remarqué plusieurs fois, il en était déjà propriétaire pour le total avant la dissolution. Lorsque la communauté se dissout, sa propriété peut, à la vérité, diminuer de moitié, par l'acceptation de la femme ou de ses héritiers; mais si elle renonce, la propriété entière reste au mari, non pas jure accrescendi, puisqu'il l'avait déjà, mais jure non decrescendi. Ce n'est donc pas la part de sa femme qu'il acquiert, c'est son ancienne propriété qu'il conserve. Cette distinction est importante, ainsi qu'il sera facile d'en juger par l'application que nous aurons occasion d'en faire par la suite. Il faut remarquer cependant que, dans le droit actuel, la propriété qui reste au mari, est un peu plus étendue que celle qu'il avait pendant la communauté, puis

qu'il y avait alors certaines dispositions à titre gratuit qui lui étaient défendues.]

Cette acceptation et cette renonciation se règlent à peu près par les mêmes principes que ceux qui sont établis pour l'acceptation et la répudiation des successions, sauf quelques modifications que nous allons faire connaître.

Ainsi, la femme majeure qui s'est immiscée dans les biens de la communauté, ne peut y renoncer. [Sauf ce qui est dit au Titre de l'Absence, art. 124 (Voyez tom. 1er page-246.); à moins qu'elle ne l'ait fait en toute autre qualité que celle de commune; putà, si elle est exécutrice testamentaire de son mari, ou tutrice de ses enfans, pourvu que les actes qu'elle a faits n'excèdent point les bornes du pouvoir attribué au tuteur ou à l'exécuteur testamentaire.] Mais, comme dans les successions, les actes purement administratifs, ou conservatoires, n'emportent point immixtion.

Ne peut également renoncer, 1° la veuve qui a diverti ou recélé quelques effets de la communauté. [ Diverti, si elle les a dissipés, consommés. Recélé, si elle a omis sciemment de les faire comprendre dans l'inventaire, si elle les a fait disparaître du domicile commun. On a jugé, et avec raison, à Colmar, le 6 avril 1815, que l'époux qui, dans l'inventaire, ne déclare pas une somme placée par le défunt, et qui en fait renouveler la reconnaissance à son profit, se rend coupable de recélé, aux termes de l'article 1477. (SIREY, 1815, 2o partie, pag. 66.)] Si elle a renoncé auparavant, elle est déchue du bénéfice de sat renonciation;

2o. Celle qui, étant majeure, a pris dans un acte (Voyez tome 3o, page 269.) la qualité de commune [après la dissolution de la communauté. Cette qualité prise auparavant, ne produirait aucun effet. Elle était commune malgré elle, tant que la communauté n'était pas dissoute. Quid, s'il a été obtenu contre elle un jugement passé en force de chose jugée, qui la déclare commune? (Voyez et appliquez ce que nous disons au 3e vol., page 289.)], quand même ce serait avant d'avoir fait inventaire, à moins toutefois

1454.

1460.

1455.qu'il n'y ait eu dol de la part des héritiers du mari. [ C'est encore un cas où l'on pourrait trouver une exception à la disposition de l'article 1116, puisque la femme est restituée contre les créanciers de la communauté, à raison du dol commis par les héritiers du mari. (Voyez ce que nous disons à ce sujet au 3 vol., page 278.)]

Quant au délai dans lequel la femme doit déclarer si elle accepte la communauté, ou si elle y renonce, il faut distinguer quel est l'événement qui a donné lieu à la dissolution.

Lorsque la dissolution de la communauté est opérée par suite d'une séparation de corps, alors la femme qui n'a point accepté la communauté dans les trois mois et quarante jours après la séparation définitivement prononcée est censée avoir renoncé, à moins qu'elle n'ait, avant l'expiration de ce délai, obtenu une prorogation en justice, 1463. son mari présent ou dûment appelé. [Pourquoi la présomption est-elle ici pour la renonciation, tandis que, dans le cas où la communauté est dissoute par la mort du mari, la présomption est pour l'acceptation, puisque la femme ne peut renoncer qu'autant qu'elle a fait inventaire ?

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La raison de différence, c'est qu'en général, comme nous l'avons dit, la communauté étant toujours censée la propriété du mari, elle lui reste en totalité, jure non decrescendi, tant que la femme ne manifeste la femme ne manifeste pas, par l'ac→ ceptation, la volonté d'en prendre part. Ainsi, le principe est dans l'article 1463. Toute femme qui n'accepte pas, est censée renoncer. Quant à l'article 1456, c'est une exception fondée sur ce que, le mari étant mort, et la femme restant en possession, il faut bien qu'elle fasse connaître ses intentions. D'ailleurs, on voulait, pour la sûreté des créanciers et des héritiers du mari, la forcer de faire procéder à l'inventaire; et c'est pour cela qu'on punit celle qui ne le fait pas, en la déclarant commune malgré elle. Il faut d'ailleurs observer que le principe d'après lequel la communauté non acceptée est censée rester au mari jure non decrescendi, n'a lieu que relativement aux tiers et non aux époux entr'eux, ainsi que nous le verrons cidessous.

Quid, dans le cas de séparation de biens? Beaucoup de personnes pensaient anciennement que la femme séparée de biens ne pouvait pas même accepter, attendu, disaiton, qu'elle n'a dû demander sa séparation, qu'autant que les affaires de son mari étaient en mauvais état, et que, par conséquent, la communauté était désavantageuse. C'est, à la vérité, le cas le plus fréquent. Mais néanmoins il peut arriver que le mari soit dans une mauvaise situation, et que cependant l'actif de la communauté surpasse encore le passif. Que l'on suppose, en effet, une femme mariée sans contrat, et à qui il est échu pour cinquante mille francs de successions mobilières; devra-t-elle attendre que tout soit consommé, pour demander sa séparation? Non, sans doute, il n'est pas nécessaire que le mari soit inops; il suffit, disent les lois Romaines, que vergat ad inopiam. Et s'il reste encore quelque chose de tout le mobilier que la femme a apporté à la communauté, pourquoi l'empê cher d'y prendre part? Aussi ce système avait-il été proscrit anciennement, ainsi que le prouve un acte de notoriété du Châtelet, rapporté par PоTHIER, de la Communauté, n° 520; et cette doctrine est confirmée par l'art. 174 du Code de Procédure, qui accorde à la femme, même séparée de biens, un délai pour délibérer. Quant au motif pour lequel il n'est pas question, dans l'article 1463, de la femme séparée de biens, c'est que, comme aux termes de l'article 1444, elle est obligée de commencer les poursuites contre son mari dans la quinzaine, et de les continuer sans interruption, on a probablement pensé qu'il était impossible qu'elle ne prît pas qualité dans un court délai.

Quid, si la dissolution de la communauté est arrivée par la mort de la femme? Il semble que l'on aurait dû appliquer aux héritiers de la femme, dans ce cas, la même disposition qu'à la femme séparée de corps. Cependant l'article 1466 les assujétit aux même formes que la femme survivante. Probablement on a craint l'effet du concert frauduleux qui pourrait exister entre eux et le mari survivant, concert qui n'est pas également à craindre, dans

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