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S'il s'agit d'une créance résultant d'un jugement obtenu contre le mari comme chef de la communauté, et qui emporte conséquemment hypothèque générale sur les biens présens et à venir du débiteur, cette hypothèque frappe-t-elle sur les biens personnels de la femme? Les `règles des partages de succession devant être appliquées au partage de la communauté, appliquez ce qui est dit relativement à l'hypothèque générale résultant des jugemens obtenus contre le défunt, hypothèque qui, dans notre opinion, doit frapper également sur les biens de l'héritier. Il y a, d'ailleurs, une raison de plus ici d'adopter la même décision; c'est que tout ce que le mari fait, toutes les obligations qu'il contracte comme chef de la communauté, il est censé le faire, tant en son nom, qu'en vertu du mandat légal qu'il a reçu de sa femme, par le fait du mariage. La femme peut à la vérité anéantir cette obligation, pour ce qui la concerne, en renonçant à la communauté. Mais, dès qu'elle accepte, le mandat reprend toute sa force; et par conséquent, dans l'espèce, la condamnation est censée avoir été obtenue, tant contre le mari que contre la femme, et emporte, par suite, l'hypothèque générale sur les biens de tous deux.]

Si cependant la femme avait payé au delà de sa moitié elle n'aurait point de répétition contre le créancier pour l'excédant [Elle est présumée, dans ce cas, avoir payé la moitié en son nom, et le surplus au nom et en l'acquit de son mari; ce qui peut se faire, d'après l'article 1236.], à moins que la quittance n'exprimât que ce qu'elle a payé, 1488. était pour sa moitié; ce qui indiquerait qu'il y a eu de sa part une erreur de fait ou de calcul, qui ne peut lui préjudicier.

De son côté, la femme peut être également poursuivie pour la totalité des dettes procédant de son chef, et qui 1486. sont entrées dans la communauté [putà, celles qu'elle avait au moment de son mariage, et celles qui proviennent des successions qui lui sont échues pendant le ma riage. Le fait que ces dettes sont entrées dans la communauté, n'a pas pu préjudicier aux créanciers, qui avaient,

dans le principe, la femme obligée pour le total.], sauf son recours, pour la moitié, contre le mari ou ses héritiers. [Et même pour plus de la moitié, si elle use du bénéfice de l'article 1483, qu'elle peut invoquer contre le mari ou ses héritiers, mais non contre les créanciers, puisque nous supposons qu'il s'agit de dettes qui lui sont personnelles. (Voyez la note 2o de la présente sect.) Pour sûreté de ce recours, la femme a, sur les biens de son mari, l'hypothèque légale dont nous avons déjà parlé, et qui remonte au jour de la célébration du mariage, si la dette existait avant le mariage; sinon, au jour qu'elle a été contractée. (Art. 2135.)] Le mari ou ses héritiers peuvent même, dans ce cas, être poursuivis directement par le créancier, mais pour la moitié seulement. [Pourquoi cette différence avec 1485. l'article 1484, dans lequel le mari peut être poursuivi pour la totalité? C'est que, dans ce dernier article, le mari s'est obligé personnellement; c'est avec lui que les créanciers ont contracté. La dette est donc due par lui, personnellement et individuellement, et non pas seulement en sa qualité de chef de la communauté. Ici, au contraire, il n'y a point d'obligation personnelle de sa part; il n'était tenu de la dette, que parce qu'elle était une charge des biens qui sont tombés dans la communauté. Il n'en était donc tenu, tant que la communauté a duré, que comme détenteur, ou, si l'on veut même, comme propriétaire de cette même communauté; et comme il était détenteur de toute la communauté, il devait être tenu également de toute la dette. Mais lorsque cette même communauté est dissoute, et qu'elle a été acceptée par la femme, les biens qui la composent, sont partagés également entre elle et le mari. Le mari n'est donc plus détenteur que de la moitié des biens : donc il ne doit être tenu que de la moitié des dettes; donc les dettes, qui n'étaient dettes de la communauté qu'autant qu'elles étaient charges des biens, et qui n'ont point été contractées par le mari, ou par la femme de son consentemeut, doivent être divisées entre les époux par égale portion, comme les dettes d'une succession le sont entre tous les héritiers.]

son recours contre

Au surplus, toutes ces dispositions n'empêchent point que l'un des époux ne puisse s'engager, par le partage, à payer, soit la totalité des dettes, soit une quotité autre que la moitié; sauf, dans tous les cas l'autre époux pour la restitution de ce qu'il se trouverait, par le fait, avoir payé au delà de ce dont il était tenu, soit d'après la convention, soit d'après la loi, s'il n'y a pas eu 1490. de convention. [En observant que si c'est d'après la con

vention, qui est à l'égard des créanciers, res inter alios acta, elle ne doit pas préjudicier au droit résultant en leur faveur, des dispositions qui viennent d'être expliquées. Mais si les stipulations faites dans le partage ne peuvent préjudicier aux créanciers, peuvent-elles leur profiter, dans le sens qu'ils puissent poursuivre directement, pour la totalité, l'époux qui s'est obligé par le partage à payer cette même totalité? Ils le pourront sans doute, non pas de leur chef, mais comme exerçant les droits de l'autre époux, leur débiteur; ce qui différe en ce que, dans ce dernier cas, l'époux poursuivi pourra leur opposer, pour la part qu'il ne doit pas personnellement, toutes les exceptions qu'il pourrait opposer à l'autre époux; putà, si ce dernier n'a pas exécuté les clauses du partage; s'il y a eu dol, vio lence, lésion de plus du quart, etc.; tandis que, s'ils ne demandent que la part dont il est tenu personnellement envers eux, il ne pourra leur opposer que les exceptions qui lui sont personnelles.]

Les principes que nous venons d'établir, relativement aux dettes de la communauté, s'appliquent également aux héritiers des époux, qui exercent les mêmes droits, et sont sou. 1491. mis aux mêmes actions que le conjoint qu'ils représentent.

Des Créances respectives de chacun des Conjoints contre

l'autre.

Il peut arriver que l'un des époux ait procuré, à ses dépens, des avantages, non pas à la communauté, mais à l'autre époux personnellement [Par exemple, si les deniers provenant de l'aliénation d'un de ses propres, ont servi à

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payer une dette ou charge personnelle de l'autre époux. (Art. 1478.) Mais il faut que l'emploi ait eu lieu directement et sans intermédiaire; putà, si le prix du propre de l'un des époux a été délégué aux créanciers personnels de l'autre; ou si le propre a été vendu au créancier même, et qu'il y ait eu compensation; car si les deniers ont été une fois payés au mari par l'acquéreur, c'est alors la communauté qui est chargée de la restitution, quelqu'emploi qui en ait été fait par la suite, et sauf le recours de la communauté contre l'autre époux, si ces deniers ont été employés à payer ses dettes. Par le paiement, ils sont devenus biens de la communauté, et le mari n'a pu leur ôter cette qualité, par l'emploi qu'il en a pu faire. Pour juger de l'importance de cette distinction, il faut établir les deux espèces suivantes :

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Un propre de la femme a été vendu vingt mille francs, et le prix a été payé au mari. Avec ce prix, le mari a payé une dette de vingt mille francs, qui lui est personnelle. La communauté se dissout. Il y a un actif de trente mille francs, qui, joints aux vingt mille francs dus par le mari, forment une masse de cinquante mille francs, sur laquelle la femme prélève vingt mille francs pour prix de son immeuble; reste trente mille francs, dont il lui revient quinze mille francs, et autant à son mari; celui-ci fait compensation de cette dernière somme, jusqu'à due concurrence, avec les vingt mille francs dont il est débiteur envers la communauté; il redoit encore cinq mille francs, qui avec les dix mille restant de l'actif, après le prélèvement de vingt mille francs, fait par la femme, forment les quinze mille francs qui reviennent à cette dernière. La femme prendra donc toute la communauté, et restera, en outre, créancière de son mari, d'une somme de 5,000 francs; et de plus, si elle veut user du bénéfice de l'art. 1483, elle sera tenue de restituer aux créanciers, seulement les dix mille francs qu'elle a touchés en dernier lieu, et de leur céder l'action qu'elle a contre son mari pour les cinq mille francs qu'il lui doit; car c'est là tout le profit qu'elle a retiré de la communauté. Les vingt .VI.

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mille francs qu'elle a prélevés, ne sont pas un profit; c'est une créance dont elle a reçu le remboursement. Maintenant, si les deniers de la vente n'ont pas été versés dans la communauté, mais ont été employés directement à payer un créancier du mari, qu'arrivera-t-il? Que la femme prendra quinze mille francs sur les trente mille francs formant l'actif de la communauté; que, si elle veut user du bénéfice de l'art. 1483, elle sera obligée de les restituer aux créanciers, et qu'il ne lui restera plus, pour les vingt mille francs formant le prix de son propre, qu'une action contre son mari, action qui peut devenir inutile, en tout ou en partie, par l'insolvabilité de ce dernier.

L'article 1478 s'appliquerait également au cas où la femme aurait été créancière de son mari, avant le mariage, si cette créance avait été exclue de la communauté par une clause de réalisation de son côté, et de séparation des dettes du côté du mari. Mais, dans ce cas, la femme pourrait-elle exercer son hypothèque légale à raison de cette dette, si elle était chirographaire? Oui, si toutefois elle est devenue exigible pendant le mariage. Au moyen de la réalisation, cette créance fait partie de la dot de la femme. Le mari a contracté, par le mariage, l'obligation de l'exiger de lui-même, et de la rendre avec le surplus de la dot. D'ailleurs, si cette créance eût été due par un autre, et que le mari l'eût reçue, n'y aurait-il pas lieu à l'hypothèque légale? Donc, à pari, etc.

La femme dûment autorisée, comme nous l'avons déjà fait observer, peut, aux termes du décret du 17 mai 1809 (Bulletin, n° 4393), constituer ses biens propres en majorat, pour son mari et ses enfans communs. A-t-elle, dans ce cas, une action en indemnité? D'abord, il est bien certain qu'elle n'a point d'action contre la communauté. Quant au mari, il faut observer que l'on n'a exigé un revenu déterminé de ceux qui constituent un majorat, que parce qu'on a voulu qu'ils eussent de quoi soutenir le titre qui leur était conféré. Si la femíme avait, à raison de cette constitution, un recours à exercer contre son mari, le but du Législateur serait manqué. D'ailleurs, elle n'a pas

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