Page images
PDF
EPUB

porter telle somme, avec faculté de pouvoir donner en paiement tel héritage qu'il ameublit à cet effet, il n'a jamais été douteux qu'il ne fût tenu de l'éviction. Le paiement n'est valable, qu'autant que celui qui paie, est propriétaire de la chose payée.

Mais quand il est dit simplement que, pour composer son apport, l'époux ameublit tel immeuble, il y avait trois opinions relativement à la garantie.

Les uns pensaient que l'ameublissement devait être regardé comme une donation, et qu'en conséquence, il n'y avait pas lieu à la garantie. Cette opinion n'avait aucun fondement raisonnable.

Les autres regardaient la société entre époux comme un contrat commutatif et à titre onéreux, ainsi que toutes les autres sociétés, et pensaient, d'après cela, qu'il devait y avoir lieu à la garantie dans tous les cas.

D'autres, enfin, avaient adopté une opinion mitoyenne, et décidaient que, si la valeur de l'immeuble évincé excédait le montant de l'apport de l'autre conjoint, il ne devait y avoir lieu à garantie, que jusqu'à concurrence de cet apport. Ils fondaient cette opinion sur ce que, dans une société, telle que la communauté conjugale, tout doit être égal; et qu'en conséquence, si l'apport de l'époux qui a ameubli, excède l'apport de l'autre époux, l'excédant doit être regardé comme une donation qui ne donne. pas lieu à la garantie.

POTHIER, qui avait d'abord embrassé cette dernière opinion, déclare cependant qu'on l'a fait revenir à la seconde (no 511), et avec raison. Rien ne prouve qu'entre époux les apports doivent être égaux. Quand ils ne le sont pas, l'on doit supposer, ce qui arrive le plus souyent, qu'il y a compensation, à raison, soit de l'industrie, soit des espérances de l'autre conjoint: la clause d'apport doit donc, dans tous les cas, être regardée comme un contrat entièrement commutatif, et qui donne lieu à l'action en garantie.]

Mais si l'ameublissement n'a eu lieu que jusqu'à concurrence d'une certaine somme, le mari peut bien, pour se

procurer cette somme, hypothéquer l'héritage jusqu'à concurrence, sans le consentement de sa femme. [Mais quid, si l'ameublissement a été fait pour une part indivise, putà, pour un tiers, un quart, une moitié? On pourrait dire à la rigueur que la communauté est propriétaire de cette part, comme le serait tout autre individu, et qu'en conséquence, cette part peut être aliénée par le mari, seul et sans le consentement de la femme. Mais néanmoins, l'opinion contraire me paraît préférable, et je me fonde:

1o. Sur ces mots, la portion ameublie, qui se trouvent dans l'article 1507, et d'où l'on peut conclure que le Législateur a entendu assimiler l'ameublissement partiel, à celui qui est fait jusqu'à concurrence d'une certaine somme;

2o. Sur ce que l'esprit général du Code est d'éviter, autant que possible, de faire des propriétés indivises;

3o. Et enfin, sur ce que ce serait donner au mari le droit de forcer la femme de vendre, même la portion non ameublie, soit en poursuivant lui-même la licitation, soit en vendant la portion ameublie, à un tiers qui la poursuivrait.

Je pense, d'après cela, que dans le cas d'ameublissement d'une partie aliquote de l'immeuble, le mari nʼa d'autre droit que celui d'hypothéquer cette partie, sans pouvoir l'aliéner autrement qu'avec le consentement de sa femme.

Lorsque l'immeuble a été ameubli jusqu'à concurrence d'une certaine somme, est-il aux risques de la communauté? Il faut distinguer : S'il périt entièrement, l'obligation est éteinte. C'est l'effet de l'assignat limitatif. La dette ne pouvant être poursuivie sur un autre objet que sur celui qui a été désigné, la perte de cet objet emporte néces sairement l'extinction de la dette. Si la perte n'est que partielle, tant que ce qui reste de l'immeuble suffira pour compléter la somme promise, la perte entière doit être pour l'époux : mais, dans le cas contraire, la communauté ne peut réclamer que ce qui reste. Si l'ameublissement avait été fait pour une portion aliquote, putà, pour le tiers, le quart, il est évident que la perte partielle qui

pourrait survenir, tomberait sur la communauté, en proportion de la part qu'elle aurait dans l'immeuble.]

Mais il ne peut aliéner cet héritage, même pour la portion ameublie, sans ce même consentement. [Mais s'il l'a 1507. aliéné sans ce consentement, la femme pourra-t-elle le revendiquer en entier, à la dissolution de la communauté, ou seulement jusqu'à concurrence de la portion non ameublie? Appliquez ce que nous avons dit, note 5o de la prescription trentenaire. Cette espèce d'ameublissement ne donne pas plus au mari le droit d'aliéner les immeubles de sa femme, sans son consentement, que s'il n'existait pas. Il faut donc appliquer la même décision, que s'il n'y avait pas d'ameublissement. ]

Si l'immeuble ameubli en total n'a pas été aliéné, il est compris, lors de la dissolution de la communauté, dans la masse des biens à partager. Mais, néanmoins, l'époux auquel il appartenait, peut le retenir, en le précomptant sur sa part, pour le prix qu'il vaut alors; et ses héritiers ont le même droit. [Mais le prix ne peut être que celui 1509. qu'il avait lors de l'ameublissement. Il a été, depuis ce temps, aux risques de la communauté. Il a donc dû accroître ou diminuer pour son compte. Il est bien entendu que cette faculté ne pourrait préjudicier aux droits réels qui pourraient avoir été acquis valablement par les tiers pendant la communauté.

Cette disposition ne doit-elle avoir lieu que dans le cas d'ameublissement déterminé? Je pense qu'elle peut être appliquée au cas d'ameublissement indéterminé, s'il est devenu déterminé pendant le mariage, ou si la femme a, conformément à l'article 1508, compris quelques-uns de ses immeubles dans la masse, lors de la dissolution de la communauté.

La femme renonçant pourrait-elle jouir du bénéfice de l'article 1509? La disposition de cet article ayant été établie uniquement pour épargner à l'époux, qui a apporté l'immeuble, le désagrément de le voir passer en des mains étrangères, je ne vois pas pourquoi on ne permettrait pas à la femme, même renonçant, de le reprendre, en en

précomptant la valeur sur ses reprises; mais toujours, sauf les droits acquis valablement par les tiers.]

L'ameublissement est indéterminé, quand l'époux a simplement déclaré apporter en communauté ses immeu1506. bles, jusqu'à concurrence de telle somme. Dans ce cas, comme on ne peut dire que l'ameublissement frappe plutôt sur tel que sur tel immeuble, il s'ensuit :

1o. Que la communauté n'est propriétaire d'aucuns immeubles déterminément [elle n'a qu'un droit de créance, mais qui est immobilier, puisqu'il tend à réclamer des immeubles], et qu'ils restent aux risques de l'époux qui a fait l'ameublissement. [ Mais cela doit être entendu dans le sens de la note 4o de la présente section, in fine, c'est-à-dire que, lors même que les immeubles viendraient à diminuer de prix, ou même à périr en partie, la communauté conserverait toujours le même droit de créance, tant qu'il en resterait assez pour fournir la somme promise. Mais aussi je pense que, si tous les immeubles périssaient, ou diminuaient de prix, au point de ne pouvoir plus fournir la somme, la créance de la communauté serait éteinte, ou réduite à proportion. C'est ici une obligation generis, à la vérité, mais generis limitati ; et nous avons vu au Titre des Contrats en général, que ces espèces d'obligations pouvaient s'éteindre par la perte de toutes les choses du genre. De là il suit que, si la femme a ameubli indistinctement tous ses immeubles présens, jusqu'à concurrence d'une certaine somme, la perte des immeubles qu'elle avait au moment du contrat, suffit pour éteindre l'obligation. Quid, şi elle a ameubli ses immeubles, sans autre explication? Je crois que cela doit s'entendre seulement des immeubles présens. (Argument tiré de l'article 1542.)] Seulement, si l'ameublissement n'a pas été déterminé pendant le mariage [Nous supposons par là que cette détermination peut avoir lieu pendant le mariage, et avec le consentement de la femme. Cela ne peut être douteux. Le mari a même un moyen de le faire déterminer, en empruntant et hypothéquant les immeubles de la femme, ainsi qu'il en a le droit. A défaut de paiement, les créanciers exproprient :

[ocr errors]

il faudra, ou que la femme laisse vendre, ou qu'elle consente à vendre un de ses immeubles, pour fournir la -somme convenue. La détermination de l'ameublissement peut avoir lieu tacitement par la vente d'un des immeubles de l'époux qui a ameubli, faite de son consentement, si c'est la femme dans ce cas, le prix de la vente tombe dans la communauté, en déduction de la somme jusqu'à concurrence de laquelle l'ameublissement a été stipulé.], l'époux qui l'a consenti, est tenu, lors de la dissolution de la communauté, de comprendre dans la masse quelquesuns de ses immeubles, jusqu'à concurrence de la somme par lui promise [Par conséquent l'action, pour l'y con- 1508. traindre, est une action immobilière. Si donc, par exemple, le contrat de mariage contenait la clause que la communauté entière appartiendra au survivant, et qu'avant la liquidation, le survivant vienne à mourir, laissant un légataire universel de tous ses immeubles, ce legs comprendrait l'action qu'il a contre la succession de l'autre époux, aux termes de l'article 1508. Observez que les immeubles compris dans la masse, doivent y être apportés pour la valeur qu'ils ont au moment où l'apport en est fait. Ils ont été jusque là aux risques de l'époux; l'augmentation ou la diminution de valeur doit donc être pour son compte.];

2o. Que, si l'ameublissement a été fait par la femme, le mari ne peut aliéner, en tout ni en partie, sans son consentement, aucun des immeubles qui lui appartiennent; mais il peut les hypothéquer, sans son aveu, jusqu'à concurrence de la somme stipulée.

SECTION IV.

De la Clause de séparation des Dettes.

La clause de séparation des dettes est celle par laquelle les époux stipulent que la communauté ne sera point chargée des dettes que chacun d'eux a contractées avant le mariage.

Cette clause peut être expresse ou tacite. Elle est tacite,

Ibid.

« PreviousContinue »