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moyen de ce qu'elle est obligée de venir à contribution avec les créanciers de son mari non-seulement elle ne retire aucun bénéfice de la communauté, mais encore elle perd un tiers sur ses reprises, sur lesquelles elle ne recevra que six mille six cent soixante-sept francs: elle perd donc 1o trois mille trois cent trente-trois francs sur ses reprises, et 2° les cinq mille francs qu'elle aurait eus dans la communauté.

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LEBRUN prétendait que ceux qui avaient déclaré le mari franc et quitte, ne devaient indemniser la femme que de la diminution qu'elle éprouvait sur ses reprises, et que, conséquemment, dans l'espèce, ils ne lui devaient que trois mille trois cent trente-trois francs.

RENUSSON, au contraire, soutenait que la femme devait être indemnisée de tout le préjudice que le paiement des dettes de son mari avait pu lui faire éprouver, et que, d'après cela, dans la même espèce, il lui était dû huit mille trois cent trente-trois francs.

POTHIER, no 366, dit qu'on suivait, dans l'usage, l'opinion de LEBRUN.

Le Code paraît, au contraire, avoir adopté l'opinion de RENUSSON; car il est dit dans l'article 1513, que l'indemnité se prend, soit sur la part de communauté, revenant à l'époux déclaré franc et quitte, soit sur ses biens personnels. L'article suppose donc que l'indemnité peut être due, même quand la communauté est avantageuse. Or, il n'y a de communauté avantageuse qu'après l'acquittement de toutes les reprises de la femme : donc, cette indemnité embrasse non-seulement la perte que la femme peut essuyer sur ses reprises, mais encore la diminution que sa part dans la communauté peut éprouver à raison des dettes du mari; et cela paraît effectivement plus conforme à l'équité, que l'avis de LEBRUN. Au moyen de la clause, la femme doit être mise absolument dans la même position que si le mari n'avait pas eu de dettes au moment du mariage. Par conséquent, la garantie doit embrasser tout le préjudice quelconque que le paiement de ces dettes peut lui faire essuyer. ]

Dans cette convention, le conjoint déclaré franc et quitte est regardé comme le principal obligé, et les garans, simplement comme ses cautions. [C'est encore un changement à l'ancien droit, changement fondé en raison. On pensait anciennement que la clause de franc et quitte était une convention qui n'intervenait qu'entre l'un des époux et les garans de l'autre; qu'à l'égard de celui-ci, c'était res inter alios acta, et que, conséquemment, il n'en résultait, de sa part, aucune obligation. Ce raisonnement était certainement peu conforme à l'esprit de bonne foi qui doit régner dans les contrats. Comment, en effet, ne pas regarder comme coupable de dol, l'époux qui, ayant des dettes personnelles, signe, sans rien dire, un contrat, dans lequel il est déclaré n'en avoir aucune? N'est-ce pas le cas d'appliquer l'adage : qui tacet, consentire videtur. Certes, celui qui est partie dans un contrat dans lequel on établit des faits qui lui sont personnels, qu'il ne peut ignorer, et qui ne fait aucune réclamation, est censé les avouer et serait non recevable à venir ensuite en contester la vérité. Donc, l'époux qui, dans un contrat signé par lui, se laisse déclarer franc et quitte, est censé déclarer également qu'il n'est tenu d'aucunes dettes, et doit, par suite, indemniser tous ceux auxquels la fausseté de cette déclaration pourrait porter préjudice. ]

En conséquence, l'indemnité se poursuit d'abord, soit sur la part de l'époux affranchi dans la communauté soit sur ses biens personnels ; et ce n'est qu'en cas d'insuffisance, que le recours a lieu contre les garans. [ Par suite du principe adopté dans l'ancien droit, c'était contre les garans seuls que l'action était donnée; et elle n'avait lieu contre l'époux déclaré franc et quitte, que quand il était héritier des garans, ou qu'il y avait clause expresse de séparation des dettes.

Mais dans le droit actuel, il se présenterait une difficulté, dans le cas où ce serait la femme qui aurait été déclarée franche et quitte. Aux termes des articles 1486 et 1494, la femme, poursuivie pour raison de ses dettes personnelles, tombées en communauté, peut exercer un re

cours contre le mari ou ses héritiers, pour le total desdites dettes, si elle renonce, et pour moitié, si elle accepte. Mais, d'un autre côté, d'après la clause de franc et quitte, le mari ou ses héritiers ne peuvent être inquiétés pour raison des dettes de la femme, antérieures au mariage. Il paraît donc résulter de là, que, dans ce cas, l'action résultant de l'art. 1513 ne peut être donnée contre la femme. En effet, envers qui pourrait-elle être tenue? Ce n'est pas envers les héritiers de son mari, d'après la règle eum quem de evictione, etc., puisqu'aux termes des articles précités, 1486 et 1494, ils sont tenus de la garantir. Ce ne peut être envers les garans eux-mêmes, puisque l'action qu'ils exerceraient contre elle, réfléchirait contre le mari ou ses héritiers, qu'ils doivent garantir. Il paraîtrait donc conséquent de décider que les garans sont seuls tenus, sans pouvoir exercer aucun recours; et cela était effectivement ainsi sous l'ancien droit. Mais il n'en est pas de même actuellement, parce que, comme nous l'avons établi dans la note précédente, la clause de franc et quitte est censée maintenant renfermer deux conventions:

1o. Déclaration tacite de l'époux déclaré franc et quitte, qu'il n'a aucunes dettes; déclaration qui emporte, de sa part, promesse d'indemniser l'autre époux du préjudice que le paiement des dettes qu'il pourrait avoir, lui occasionerait.

2o. Pareille déclaration expresse de la part des garans. Cette clause emporte donc vraiment celle de séparation des dettes et c'est même probablement la raison pour laquelle le Code l'a placée sous la rubrique de la clause de séparation des dettes, et n'en a point fait une section particulière. De là il suit, 1° que la femme déclarée franche et quitte n'a aucun recours contre le mari ou ses héritiers, à raison des poursuites qui seraient exercées contre elle après la dissolution de la communauté, pour le paiement de ses dettes personnelles antérieures au mariage; car elle ne pourrait exercer ce recours qu'autant que ces dettes seraient à la charge de la communauté; et elles en sont exclues par la clause de séparation des dettes; et-2o que,

si les garans ont été poursuivis par le mari, ils peuvent exercer leur recours contre la femme : car celle-ci n'ayant point de recours contre le mari, l'action des garans ne peut réfléchir contre ce dernier.

Il ne faut pas cependant omettre de remarquer que la clause tacite de séparation des dettes, résultant de la clause de franc et quitte, diffère de la même clause, insérée expressément dans le contrat de mariage, en ce que la première n'a d'effet qu'entre les époux, et nullement à l'égard des tiers, comme nous l'avons dit ci-dessus; et ce qui résulte de l'art. 1513 lui-même, qui suppose que, sous l'empire de cette clause, la communauté peut être poursuivie pour les dettes de l'un ou de l'autre des époux, indistinctement; tandis que, si la clause était expresse, et si le mobilier de la femme était dûment constaté, ses créanciers ne pourraient poursuivre la communauté.]

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Si cependant c'est la femme qui a été déclarée franche et quitte, le mari peut, en cas de poursuite des créanciers d'icelle, agir de suite et directement contre les gasauf le recours de ceux-ci contre la femme ou ses héritiers, mais après la dissolution de la communauté seu1513. lement. [Pourquoi, dans ce cas, oblige-t-on les garans d'attendre la dissolution de la communauté, et ne leur permet-on pas d'exercer leur recours, pendant la communauté même, au moins sur la nue-propriété des biens personnels de la femme, comme dans le cas de l'article 1410? Je ne vois d'autre raison à donner de cette différence, sinon que, comme nous l'avons remarqué, le droit accordé par l'art. 1410, aux créanciers de la femme, est un droit peut-être un peu exorbitant, dont on a bien voulu cependant les laisser jouir, parce qu'il est possible que, malgré que la date de leur créance ne soit pas certaine, elle soit néanmoins réellement antérieure au mariage. On n'a pas voulu accorder ici le même avantage aux garans, qui ont contracté l'obligation spéciale d'indemniser le mari de tout le préjudice que le paiement des dettes de la femme pourrait lui occasioner. Or, ce serait un préjudice pour lui, que sa femme perdît la nue-propriété de

ses biens il serait réduit par là au simple droit d'un usufruitier, tandis qu'auparavant, au moins avec le consentement de sa femme, il pouvait exercer tous ceux de propriétaire. ]

SECTION VI.

De la Clause de reprise de l'Apport de la femme, en cas de renonciation.

Cette clause est celle par laquelle la femme stipule qu'elle pourra, lors de la dissolution de la communauté, et en y renonçant, reprendre tout ou partie de ce qu'elle y a apporté, soit lors du mariage, soit depuis. [Remar-1514. quez que la renonciation de la femme n'est point une condition, mais une charge apposée à la faculté de reprendre l'apport. Cela est important à distinguer, parce que, si c'était une condition, le droit ne s'ouvrirait qu'après qu'elle aurait été accomplie; et, en conséquence, si la femme mourait sans avoir pris qualité, et laissait des héritiers non compris dans la clause, le droit serait éteint. Au contraire, la renonciation étant considérée ici comme une simple charge, le droit est ouvert par le fait seul de la dissolution de la communauté. Si donc la femme vient à mourir postérieurement à cette dissolution, mais avant de s'être expliquée sur l'acceptation ou la renonciation, le droit de reprise, à charge de renonciation, se trouve dans sa succession, et passe conséquemment à tous ses ayant-cause, héritiers quels qu'ils soient, légataires universels, à titre universel ou particulier, créanciers, etc.]

Cette convention, par laquelle la femme peut avoir part au gain, si la communauté prospère, sans rien supporter de la perte dans le cas contraire, est tellement opposée aux règles ordinaires des sociétés, qu'elle n'a été admise dans les contrats de mariage, que par suite de la grande faveur attachée à ces sortes d'actes, et à raison de ce que la femme n'a aucune part à l'administration des biens communs. Mais aussi elle est de droit très-strict, et ne peut s'étendre au delà des choses formellement exprimées, ni avoir lieu

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