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Le serment décisoire est encore une présomption juris et de jure, comme nous le verrons ci-après, sect. V. Il en est de même, en général, de toute disposition de la loi 2 lorsqu'elle annule certains actes [comme frauduleux ; tellement que l'on ne peut même prouver qu'ils ne le sont pas: Telles sont les donations faites par le moyen des personnes que la loi répute de droit interposées (article 911), les donations faites par un failli dans les dix jours qui précè dent la faillite (Code de Comm,, art. 444), etc.]; lorsqu'elle dénie l'action [comme dans le cas de gageures, de dettes de jeu, qui ne produisent point d'action, quand même la dette serait constante (Article 1965, et sauf l'exception contenue dans l'article suivant.)]; ou qu'elle fait résulter la propriété [comme dans la prescription] ou la libération [voyez l'art. 1282] de certaines circonstances déter- 1350. minées, le tout sans réserver la preuve contraire.

1352.

La présomption dite juris, dispense bien de toute autre preuve, mais n'exclut pas la preuve contraire. Telles sont celles qui résultent des marques de non-mitoyenneté, de 654. la remise de la grosse, etc.

1283.

S II.

Des Présomptions qui ne sont pas établies par la Loi.

Les présomptions, autres que celles qui sont établies par la loi, sont, comme nous l'avons dit, abandonnées à la prudence du juge, qui ne doit les admettre que quand elles sont graves, précises et concordantes. [ Graves, c'est-à-dire susceptibles de faire impression sur une personne raisonnable. Précises, c'est-à-dire qu'elles ne soient pas du nombre de ces présomptions vagues dont on peut tirer toutes les inductions qu'on voudra; il faut qu'elles aient un trait direct à l'objet qu'on veut prouver. Concordantes, c'est-àdire que les unes ne détruisent pas l'effet des autres. ] Il faut, de plus, que la demande à l'appui de laquelle on fait valoir ces présomptions, soit de nature à être prouvée par témoins.

1353.

SECTION IV.

De l'Aveu de la Partie.

1354. L'aveu est judiciaire ou extrajudiciaire.

L'aveu judiciaire est celui qui est fait en justice; [c'est-àdire dans des écritures, ou par suite d'un interrogatoire. L'aveu fait en conciliation, est-il judiciaire? Oui, puisqu'il est fait devant le juge. Sic jugé à Turin, le 6 décembre 1808. (Journ. de la Jurispr. du Code Civil, tome XIV, page 215.)] L'aveu est fait par la partie, ou par son fondé 1356. de pouvoir spécial. [ Observez que, lorsque l'aveu est fait dans un acte de procédure, l'avoué est censé avoir eu pouvoir suffisant, tant qu'il n'est pas désavoué; mais aussi le désaveu peut être fondé sur le seul défaut de pouvoir spécial. (Code de Procéd., art. 352.)

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L'on a jugé en Cassation, le 16 mars 1814(SIREY, 1814, 1re part., p. 296), que l'aveu fait à l'audience, par l'avocat assisté de l'avoué, était réputé fait par la partie, tant qu'il n'y avait pas désaveu. ] Quand il est fait par une personne capable d'ester en jugement, il fait pleine foi contre elle. [Il faut, de plus, que celui qui fait l'aveu ait la capacité de disposer de la chose dont il s'agit; et en outre, que celui au profit de qui l'aveu est fait, soit capable de recevoir de celui qui l'a fait, d'après la maxime, qui non potest donare, non potest confiteri. Autrement on éluderait par là les règles relatives aux avantages indirects et aux prohibitions de disposer. Si cependant il existait, indépendamment de l'aveu, des indices considérables tendant à prouver la vérité de la dette, l'aveu pourrait compléter la preuve.

Quid, si l'aveu est fait dans un testament, au profit d'une personne capable, la disposition vaudra-t-elle comme legs, ou comme reconnaissance d'une dette? Cela est important. Car, si c'est un legs, il ne doit être payé qu'après tous les créanciers; il sera sujet au retranchement pour la légitime; il sera révocable par un simple acte de la volonté du testateur; et enfin la nullité du testament emporterait la révocation du legs; tandis qu'il pourrait n'en être pas

de même de la reconnaissance, si l'acte, nul comme le testament, était encore suffisant pour prouver une obligation quelconque. Je pense que ce serait une question de fait, qui devrait être décidée d'après les circonstances, en observant cependant que, le testament étant toujours fait dans la vue de la mort, la fraude ne doit pas être légèrement présumée. L'on doit supposer que celui qui réfléchit à ses derniers momens 9 ne se porte pas volontiers à commettre une action frauduleuse. Dans tous les cas où la disposition semblerait devoir être regardée comme un legs, je pense que, s'il y avait lieu à réduction, elle devrait être réduite la dernière. La précaution prise par le testateur d'assimiler le légataire à un créancier, doit faire présumer que son intention a été que ce legs fût acquitté de préférence à tous les autres. (Voir RICARD, des Donations, partie 3o, no 106 et suivans; voir aussi un arrêt de la Cour d'Aix, du 8 juin 1813, rapporté dans SIREY, 1813, 2o partie, page 362. ) ] Il ne peut, dans ce cas, être révoqué, à moins qu'il ne soit prouvé avoir été la suite d'une erreur de fait [ Secùs, s'il est la suite d'une erreur de droit, parce que l'erreur de droit n'excuse pas. Ainsi, j'avoue que je suis votre débiteur d'une somme de trois mille francs, comme héritier de mon père. Je viens à découvrir que mon père vous avait payé : ce paiement est un fait que je pouvais ignorer; et par conséquent, je puis révoquer mon aveu. Mais si j'ai avoué que je vous devais trois cents francs pour prix d'un corps certain que j'avais promis de vous livrer, et que je savais être péri par cas fortuit; et que j'aie fait cet aveu, parce que je ne savais pas que le débiteur était libéré par la perte de la chose arrivée sans sa faute, je ne pourrai révoquer mon aveu, et je serai obligé de payer. ]; mais aussi, il faut le prendre dans son intégrité, sans pouvoir le diviser. [Ainsi, 1356. je suis assigné en paiement d'une dette pour laquelle il n'existe point de titre : j'avoue que la dette a existé; mais je prétends qu'elle a été soldée. L'on ne pourra pas faire usage de ma déclaration, en tant qu'elle constate la dette; et la rejeter, en tant qu'elle constate le paiement. Il en est autrement en matière criminelle. ]

L'aveu extrajudiciaire est celui qui est fait hors jugement. Il fait également preuve, quand il est fait par une personne capable de disposer de la chose dont il s'agit. Mais c'est à celui qui veut en tirer avantage, à prouver qu'il a été fait ; et il faut bien prendre garde que, si le fait qui en est l'objet, n'est pas de nature à être prouvé par témoins, l'aveu ne pourra pas être prouvé davantage par la même voie. Si donc, dans ce cas, il est présenté comme ayant été pure1355. ment verbal, l'allégation en est absolument inutile.

SECTION V.

Du Serment.

Le serment est un acte civil et religieux, par lequel on prend la divinité à témoin du fait qu'on allègue. [De ce que le serment est un acte religieux, il faut en conclure: 1o qu'il doit être prêté d'après le mode, et avec les rits que la religion de celui qui le prête, exige pour qu'il soit obligatoire; autrement, le but du serment serait manqué; et 2o que l'on ne peut obliger un individu de prêter un serment que sa religion réprouve. (Voyez deux arrêts de Cassation, des 28 mars et 12 juillet 1810, SIREY, 1810, partie 1re, pages 226 et 329; et une circulaire du GrandJuge, du 26 novembre 1806, rapportée dans SIREY, 1814, 2o partie, page 18.)

Pour les formalités à suivre, relativement à la prestation du serment, voyez le Code de Procédure, articles 120 et 121.]

On distingue en droit deux espèces de serment, tous deux judiciaires; celui qui est déféré par la partie, et qui se nomme décisoire; et celui qui est déféré d'office par le 1357.juge, et que l'on nomme supplétoire.

§ Ier.

Du Serment Décisoire.

Le serment décisoire est, comme nous venons de le dire, celui qu'une partie défère ou réfère à l'autre, pour en faire Ibid. dépendre la décision de la cause.

On dit que le serment est référé, quand celui à qui il est déféré, au lieu de le prêter, déclare s'en rapporter au şerment de celui même qui le lui défère.

Ce serment peut être déféré ou référé, 1° sur toute espèce 1358. de contestation, pourvu qu'il s'agisse d'un fait personnel 1359. à la partie à laquelle il est déféré ou référé. [Si donc il est 1362. déféré au débiteur apparent lui-même, il faut qu'il affirme qu'il ne doit pas. Mais si c'est à son héritier, il suffit qu'il affirme qu'il n'est pas à sa connaissance que la chose soit due. (Argument tiré de l'article 2275.)

Il faut donc qu'il y ait contestation. Donc, s'il y a chose jugée, le serment ne peut pas être déféré; il n'y a plus de contestation.

Le serment pourrait-il être déféré à celui qui a en sa faveur un acte authentique? Je crois qu'il faudrait distin-, guer: Si le fait sur lequel le serment est déféré, est contraire aux faits certifiés dans l'acte, il me semble que le serment ne pourrait être déféré, qu'autant que le défendeur se serait inscrit en faux. En effet, l'atticle 1360 dit, que le serment peut être déféré, quand même il n'existerait aucun commencement de preuve de l'exception. Mais il faut au moins qu'il ait été proposé une exception; or, on ne peut proposer d'exception contraire aux faits attestés dans un acte authentique, qu'en s'inscrivant en faux. Mais si le fait sur lequel le serment est déféré, ne contrarie pas ceux qui sont attestés dans l'acte, il n'y a pas de doute que la déclaration ne soit valable.

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Ainsi, il est dit dans une obligation de prêt, que pèces ont été réellement comptées à la vue des notaires; le serment ne pourra être déféré sur le fait de la numération, Mais si c'est un simple acte par lequel l'une des parties s'est reconnue débitrice envers l'autre d'une somme de.... à titre de prêt, le serment pourra être déféré sur le fait que la somme a, ou n'a pas été prêtée. Car ici, les notaires ne font qu'attester que les parties ont fait telle déclaration en leur présence; mais ils n'ont pu attester la vérité de cette déclaration. De même, s'il est allégué que les espèces nombrées à la vue des notaires, appartenaient à l'emprunteur,

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