Page images
PDF
EPUB

du roi de Portugal et des manifeste et connaissements, indiquant que les marchandises inscrites sur ces documents avaient été chargées à Lisbonne, pour compte d'un négociant portugais.

Mais il résulta de l'interrogatoire qu'eût à subir l'équipage, que les marchandises appartenaient réellement à des négociants belges et hollandais, ce qui donnait lieu à adjuger, aux armateurs du corsaire-capteur, la cargaison et le bâtiment capturé, conformément aux dispositions de l'ordonnance de 1684 qui réglait la matière, à cette époque.

Toutefois, le conseil des prises écartant la témoignage oral, et prenant uniquement en considération les connaissements, donna main-levée, par son arrêté du 20 septembre 1692.

Il fut fait appel en révision par les armateurs du corsairecapteur; l'arrêt supérieur qui intervint, le 26 octobre suivant, cassa le premier jugement, attendu qu'il était contraire à la justice que des connaissements concertés pour favoriser le commerce ennemi, prévalùssent sur les dépositions des officiers et matelots du navire capturé, lesquelles faisaient connaître la fraude; en conséquence la Nostra Segnora del Pilar fut déclarée de bonne prise.

§ 2.

Prise du navire danois l'Elisabeth.

Le navire l'Elisabeth, voyageant sous pavillon danois, fut pris par le corsaire français le Furet; il était porteur d'un passeport délivré à Altona, le 26 juillet 1797; sa construction était danoise, son capitaine était Danois, et la cargaison appartenait à des habitants de Copenhague, ainsi qu'à des négociants de Hambourg, pays neutre; mais le capteur voulut établir, par des présomptions, que le jour de la délivrance du passeport, le bâtiment se trouvait à Hambourg, puisque le dernier chargement effectuée par l'Elisabeth, à Hambourg, avait eu lieu le 25 juillet.

En conséquence, le tribunal civil du département des Bouches du Rhône avait déclaré la prise valable.

La cour de cassation apprécia différemment la cause portée devant elle; la date du dernier chargement à Hambourg, le 25 juillet, n'entraînant pas la preuve que l'Elisabeth ne se trouvait pas effectivement dans le port d'Altona, le 26, pour y recevoir son passeport; la cour cassa et annula le premier jugement. Chacun sait, en effet, qu'Altona n'est séparée de Hambourg que par l'Elbe même.

§ 3.

Prise du navire danois Charitas.

Le navire Charitas, capitaine Boysen, portant pavillon danois, fut, comme le précédent, capturé par suite de l'irrégularité que le corsaire français le Zeccodore crut reconnaître dans ses papiers de bord.

Au nombre de ces papiers, se trouvaient, d'une part, une déclaration assermentée du propriétaire, sous la date du 27 août 1796, affirmant son droit de propriété du navire Charitas « actuellement à l'ancre à St.-Petersbourg » ; d'autre part, un passeport, en langue latine, délivré à Copenhague le 30 du même mois, pour Venise; enfin, un journal de bord dont les feuillets, antérieurs à la date du 27 septembre de la même année, avaient été enlevés.

La preuve résultant, non-seulement de la comparaison des papiers de bord entr'eux, mais aussi des aveux du capitaine, que la Charitas se trouvait encore à St.-Petersbourg, le 30 août 1796, jour et date de l'expédition du passeport de mer à Copenhague, la cour de cassation annula le jugement du tribunal qui, en donnant main-levée de la prise, avait violé l'art. 4 du réglement de 1778, ainsi que l'art. 4 du titre des prises de l'ordonnance du mois d'août 1681.

§ 4.

Prise du navire suédois le Quintus.

Le navire suédois, le Quintus, capitaine Luthmann, quitta Gothenbourg, en mai 1796, et visita successivement les ports d'Amsterdam, de Barcelone, d'Alicante et de Londres.

Le Quintus étant destiné à faire un voyage de caravane, son passeport, en langue latine, portait les mots : « ad mare occidentale et ulterius, ad ordinationem ».

Pendant le cours de son voyage, il fut visité plusieurs fois par les corsaires portugais et anglais, qui le relâchèrent, puis conduit enfin par un corsaire anglais à Gibraltar; les autorités locales donnèrent main-levée et le Quintus reprit la mer.

Peu de temps après, le corsaire français l'Epervier, capitaine Jean Viaud, captura, à la hauteur d'Almeria, et conduisit à Carthagène, le Quintus qui se rendait sur lest à Alicante, pour la seconde fois, venant de Londres.

Le consul français, par jugement du 8 messidor an V (27 juin 1798), déclara le Quintus de bonne prise, « son passeport n'étant «< pas régulier ni légal, d'une part, parcequ'il n'indiquait pas de <<< destination précise; d'autre part, parcequ'il n'était pas signé par « le roi de Suède. »

Par un jugement du 19 messidor an VI (7 juillet 1798), le tribunal civil du département des Bouches du Rhône, réforma celui du consul français à Carthagène, et condamna le corsairecapteur à des dommages et intérêts.

Celui-ci fit appel en cassation.

Mais sur les conclusions de M. Portalis, commissaire du gouvernement près le conseil des prises, la cour confirma, le 16 thermidor an VIII (4 août 1800), le jugement du tribunal civil du département des Bouches du Rhône, et déclara la prise invalide.

Les motifs sur lesquels s'appuya M.. Portalis méritent d'être rapportés; ils sont dictés par un esprit de raison et d'équité qui devrait animer tous les hommes appelés à prononcer sur la validité des prises; n'est-il pas à craindre, en effet, quelquefois, que les consuls, aussi bien que les membres des tribunaux des prises, ne soient influencés, à leur insu, par le fait même de l'état d'hostilités qui existent entre leur pays et le pays avec lequel le bâtiment neutre a eu de récents rapports?

Le caractère de la justice est l'impartialité.

Dans la cause présente, M. Portalis exposa, d'une part, que le passeport délivré pour la caravane ne saurait être conçu dans les mêmes termes que celui délivré en vue d'un voyage de long cours avec lieu déterminé de destination; que dit, en effet, le traité des assurances ? « La caravane est une multiplicité de petits voyages qu'un capitaine fait dans le cours de sa navigation; il se nolise pour un port, où étant arrivé il décharge la marchandise, exige les nolis, se nolise pour un autre endroit où il aborde, fait les mêmes opérations ainsi successivement d'un port à l'autre, jusqu'à ce qu'il revienne au port d'où il est parti. Ces divers petits voyages, pris cumulativement, ne forment qu'un voyage unique et principal; d'autre part, que les passeports de mer doivent, sans aucun doute, être délivrés dans chaque pays, par l'autorité compétente; que, dans les monarchies, tous les actes publics sont passés au nom du roi, mais que la signature du souverain n'est apposée que sur certains actes déterminés par les lois de chaque pays; or, le passeport dont le navire le Quintus était porteur avait tous les caractères de l'authenticité et il devait y être ajouté foi; il avait été délivré, en effet, au nom du roi de Suède, par

le collège royal du commerce, et la signature du prince n'était point nécessaire.

§ 5.

Prise de la Jeune Catherine, de Hambourg.

La Jeune Catherine, du port de Hambourg, capturée par le corsaire français, le Hazard, portait un équipage composé, pour les deux tiers, de Hanovriens; or, le souverain de Hanovre était le roi de la Grande-Bretagne qui faisait alors la guerre à la France : c'était en l'an VII (1798).

Mais le Hanovre, compris dans la ligne de démarcation tracée par le traité conclu à Bâle, le 17 mai 1795 (28 floréal an III), entre le roi de Prusse et la république française, était réputé pays neutre.

L'art. 1 du traité portait qu'afin d'éloigner le théâtre de la guerre des frontières des États de S. M. prussienne, de conserver le repos de l'Allemagne du Nord, et de rétablir la liberté entière de commerce entre cette partie de l'Empire et la France, comme avant la guerre, la république consentait à ne pas pousser les opérations de la guerre dans les pays et États situés au-delà de la ligne de démarcation indiquée, au dit article (suit la liste des pays compris derrière la ligne de neutralité à partir de l'Ostfrise); cet article disposait encore que la France consentait à considérer comme pays et États neutres tous les territoires situés derrière cette ligne.

Or, l'art. 9 du réglement du 26 juillet 1778 est ainsi conçu : «Seront de bonne prise tous bâtiments étrangers sur lesquels il y aura un subrécargue marchand, commis ou officier major, d'un pays ennemi de S. M., ou dont l'équipage sera composé, au-delà d'un tiers, de matelots sujets des États ennemis de S. M., ou qui n'auront pas à bord le rôle d'équipage arrêté par les officiers publics des lieux neutres d'où les bâtiments sont partis. >>

Ce fut en se conformant au texte du réglement de 1778 et à l'esprit des stipulations du traité de 1795, que la cour de cassation annula, le 24 germinal an VII (13 avril 1799), le jugement du tribunal civil du département du Nord, lequel avait ordonné la confiscation de la Jeune Catherine.

§ 6.

Le navire américain le Phénix renouvelle son équipage à l'étranger.

Le navire américain le Phénix, de Baltimore, portant pavillon des États-Unis, chargé de marchandises non-prohibées, prises à Bremen, qu'il quitta le 19 novembre 1797, pour retourner à Baltimore, était muni d'un passeport régulier, délivré le 20 août précédent au port d'expédition, pour se rendre à Bremen ; des papiers constatant sa construction dans la comté de Kent, État de Maryland, en 1792, et les noms de ses propriétaires, négociants établis à Baltimore; de son rôle d'équipage, delivré dans ce dernier port, le 7 août 1797; enfin, du manifeste de la cargaison certifié à Bremen le 9 novembre 1797, et de l'attestation officielle, sous la même date, de la neutralité de l'équipage ainsi que de trois passagers embarqués à Bremen pour Baltimore.

Tous les papiers du bord étaient donc parfaitement en ordre. Mais le Phénix avait été dans le cas de renouveler son équipage en partie, à Bremen, et ce fut cette raison qu'invoqua le corsaire français l'Aigle, du port de Lorient, pour s'emparer, le 24 nivose an VI (4 janvier 1798), du bâtiment américain, et pour réclamer que la prise lui fut adjugée.

La cour de cassation, par jugement du 11 frimaire an VII (1er décembre 1798), infirma le premier jugement qui avait déclaré le Phénix de bonne prise, et donna main-levée immédiate. En effet, il y avait eu fausse application des réglements de 1774 et de 1778:

«Considérant », porte le jugement de la cour dans ses motifs, « que dès que les hommes de l'équipage ne s'étaient engagés que pour la partie du voyage de Baltimore à Bremen, le capitaine devait nécessairement prendre un nouveau rôle d'équipage à Bremen pour établir la qualité de ses matelots; que loin qu'il y eût, en cela, quelque chose d'irrégulier et de répréhensible, la sûreté de son navire lui imposait l'obligation de prendre cette mesure ; ....... qu'il n'était pas nécessaire (ainsi que l'avait établi le tribunal civil du département du Morbihan), pour le capitaine du Phénix de justifier de la nécessité où il avait été de renouveler son équipage à Bremen, où il avait pris des matelots de pays neutres, vu que l'art. 10 du réglement de juillet 1778 qui en fait une obligation en certains cas, ne s'appliquait pas dans l'espèce; attendu que ce n'est que dans le cas où l'on se trouve forcé de renouveler l'équipage en pays ennemi, et de prendre plus d'un tiers de matelots ennemis,

« PreviousContinue »