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lement au moment d'une rupture de la paix entre deux ou plusieurs Puissances.

en

Nous ne parlerons que d'une manière très-sommaire, parcequ'elles n'eurent pas de suites sérieuses, des premières difficultés qui eurent lieu à l'occasion des relations commerciales, 1775, des Hollandais avec les colonies anglo-américaines révoltées (voir chap. VII); quelques lettres et notes furent échangées à ce sujet entre les États-Généraux et l'ambassadeur anglais à la Haye, lequel réclamait du gouvernement des ProvincesUnies de prendre des mesures pour arrêter les envois clandestins de munitions de guerre aux colonies rebelles, par les négociants hollandais.

Les États-Généraux donnèrent, à cet effet, les ordres nécessaires, à plusieurs reprises, le 18 août 1775, le 10 octobre 1776, etc. Ces ordres n'arrêtèrent pas le commerce des Hollandais de l'ile de St.-Eustache.

Le résident anglais dans l'ile de St.-Christophe fit parvenir ses plaintes, à ce sujet, au gouverneur de l'île hollandaise, en portant d'ailleurs à sa connaissance que divers bâtiments étaient sortis de l'ile St.-Eustache dans le but avoué de courir sus aux bâtiments anglais, que le sloop le Baltimore- Hero, sorti le 24 novembre 1776, sous le pavillon adopté par le congrès américain, avait attaqué, sous le canon de St.-Eustache, un brigantin anglais; il se plaignit, enfin, de ce que l'André Doria, portant le pavillon du congrès, eut été reçu dans la rade de St.-Eustache et salué, par le fort Orange, de treize coups de canon, en réponse au salut que ce brick avait fait.

Certes, ces faits avaient de la gravité. Dans la position où se trouvaient les colonies anglo-américaines, révoltées contre la métropole, et dont l'indépendance n'avait encore été reconnue par aucun des grands États de l'Europe, l'asile donné au BaltimoreHero et le salut rendu à l'André Doria, portant le pavillon du congrès, étaient de nature à éveiller la légitime susceptibilité du cabinet britannique; quoiqu'il en soit, ces premières circonstances sont restées tout-à-fait secondaires parmi les causes qui ont déterminé la rupture de 1780.

Bientôt après, au reste, en novembre 1777, ce furent les États-Généraux qui eûrent à faire entendre des plaintes et à élever des réclamations, à l'occasion de la saisie de divers bâtiments hollandais, sous prétexte qu'ils étaient destinés pour des ports français, et dont quelques-uns avaient été enlevés sous les batteries de la rade de Surinam et sous les canons du fort Amsterdam: la vierge

Martine Henrich, l'Abda, la vierge Debora, la Maria, l'Espérance, la vierge Odiana, le Dauphin, etc.

Les plaintes des négociants, des fréteurs et des assureurs hollandais, contre la conduite hostile des armateurs anglais, se multiplièrent de plus en plus; elles donnèrent lieu, en 1778, à l'échange de plusieurs mémoires entre le chevalier York, envoyé britannique à la Haye, et le gouvernement des Provinces-Unies.

Pendant ces discussions, la France cherchait à entraîner les États-Généraux à adopter sa politique, favorable à l'indépendance des colonies anglo-américaines.

Sur ces entrefaites (octobre 1779), le corsaire américain PaulJones (que l'Angleterre devait considérer comme pirate aussi longtemps qu'elle ne voyait dans les Anglo-Américains que des sujets révoltés), s'était emparé de deux bâtiments de S. M. britannique, le Sérapis et la Comtesse de Scarborough, qu'il conduisit au Texel. 1)

Le chevalier York demanda que ces bâtiments fûssent relâchés. Les États-Généraux firent soigner les blessés, mais ils refusèrent la restitution des prises; ils donnèrent d'ailleurs l'assurance que les bâtiments capturés recevraient l'ordre de s'éloigner des ports hollandais, aussitôt qu'ils seraient en état de reprendre la mer.

A la même époque, environ, la cour d'Espagne, excitée par le cabinet de Versailles, avait, le 26 juin 1779, déclaré la guerre à la Grande-Bretagne.

La possession de Gibraltar ayant été garantie à la GrandeBretagne, par le traité de la Barrière, signé à Anvers, le 15 no

1) John-Paul Jones, plus connu sous le nom de Paul-Jones, était né, dans l'année 1747, en Ecosse. Il se trouvait en Virginie, lorsque la guerre de l'indépendance éclata en 1775 (voir chap. VII). Il offrit ses services au congrès. Après avoir été revêtu successivement des grades de lieutenant et de capitaine de vaisseau, il fut envoyé à Versailles. Paul-Jones était revêtu du grade de commodore, lorsque, placé à la tête d'une petite escadrille et portant son pavillon à bord du Bonhomme Richard, bâtiment de 40 canons, équipé par la France, il s'empara du Serapis et de la Comtesse de Scarborough.

Louis XVI en prenant parti pour les colonies anglo-américaines, en vue d'affaiblir la suprématie maritime et la Puissance de la Grande-Bretagne, a contribué peut-être, à son insu, à favoriser le développement des idées de réformes, de résistance, d'opposition, qui ne tardèrent pas à faire bouillonner tous les cerveaux, et qui, exploitées par des hommes pervers, au lieu de donner naissance à d'utiles réformes, ont sapé toutes les convictions, ont renversé le trône et courbé la France dans le sang. Louis XVI récompensa Paul-Jones en lui remettant la croix du mérite militaire et une épée en or portant l'inscription: « Vindicali Maris Ludovicus XVI remunerator strenuo vindici ».

Peu de temps après la signature de la paix, en 1783, le commodore Paul-Jones passa, en qualité de contre-amiral, au service de Russie, qu'il quitta en 1789 à la suite de difficultés survenues entre lui et le prince Potemkin; n'ayant pu obtenir de commandement en Autriche, Paul-Jones se rotira à Paris où il mourut dans l'année 1792, à l'âge de 45 ans.

vembre 1715, entre la Grande-Bretagne, l'empereur d'Allemagne, et les Provinces-Unies des Pays-Bas, le cabinet britannique, en voyant les flottes réunies de la France et de l'Espagne, menacer Gibraltar, réclama le secours qui lui avait été promis par les Etats-Généraux.

Les États-Généraux laissèrent écouler quatre mois avant de faire une réponse au mémoire que l'envoyé britannique avait présenté, à ce sujet, le 22 juillet 1779; un second mémoire fut remis, le 26 novembre suivant.

De son côté, Lord Stormont, secrétaire d'État pour les affaires étrangères, déclara, par une note verbale, remise le 28 janvier 1780 au comte de Welderen, ambassadeur de Hollande à la cour de Londres, que si les États-Généraux ne fournissaient pas les secours stipulés par les traités, le roi de la Grande-Bretagne se verrait dans la nécessité « de ne plus envisager, dans le cours « de la guerre actuelle, les Provinces-Unies que sur le pied des <« autres Puissances neutres, et de faire suspendre, provisoirement, « à l'égard de leurs sujets, toutes les stipulations particulières du « traité de commerce de 1674, et de s'en tenir, uniquement, au « droit des gens qui doit servir de règle pour toutes les nations. » 1) Cette menace ne devait-elle pas paraître fort extraordinaire aux États-Généraux ? Sans rupture positive, la Grande-Bretagne pouvait-elle suspendre, de son chef, les effets d'un traité qui était la réproduction, en quelque sorte, du traité de Bréda, de l'année 1667, du traité de la Haye, de l'année 1668, et qui avait été confirmé et renouvelé par la déclaration du 30 décembre 1675, par le traité de Whitehall, de 1689, par le traité de Westminster, de 1703, enfin, par les traités du 22 décembre 1711 et du 6 février 4716 ?

Quand, depuis plus d'un siècle, les rapports internationaux des deux pays avaient cessé d'être réglés par le droit commun ancien, dont tous les grands États maritimes s'étaient efforcés de sortir par des traités, le cabinet britannique pouvait-il ne pas considérer comme perpétuels, désormais, dans leur application, des principes et des doctrines que sept traités avaient consacrés, entre la Grande-Bretagne et la Hollande ? Pouvait-il déclarer que les rapports internationaux avec la Hollande, si cette Puissance restait neutre, seraient soumis, pendant la guerre existante alors à l'occasion des colonies anglo-américaines, aux anciennes règles d'un droit commun devenu caduc aux yeux des hommes d'État

1) On a vu au chap. III comment l'Angleterre comprend, sur ce point, l'application du Droit des gens.

et des publicistes qu'animaient des sentiments de justice et d'équité, et qu'une haute raison éclairait; droit qui semblait d'ailleurs devoir tomber, de plus en plus, en désuétude, en présence des nombreux traités qui, depuis 130 ans, avaient consacré, entre les États maritimes les plus considérables, des principes plus généreux en faveur du pavillon neutre, que ceux présentés par le Consulat de la mer, et quelques réglements particuliers non encore abolis d'une manière formelle ?

A cette époque la France avait déjà publié son sage réglement de 1778, et la Russie était à la veille de faire sa célèbre déclaration, dont les principes sont devenus la règle de toutes les nations (moins l'Angleterre), en ce qui concerne l'immunité du pavillon neutre, et le blocus.

La menace faite par Lord Stormont au comte de Welderen ne produisit point l'effet que le cabinet britannique s'en était promis.

Le 17 mars 1780, les États-Généraux de Hollande refusèrent le secours demandé.

Le 17 avril suivant, le roi de la Grande-Bretagne fit publier une déclaration par laquelle ce monarque suspendait les traités existant entre ses États et la république des Provinces-Unies, et fit connaître que désormais la république serait traitée comme toutes les nations neutres, auxquelles les conventions diplomatiques n'avaient pas assuré les avantages accordés aux nations favorisées.

Cette déclaration tout insolite qu'elle soit, a cela de remarquable, qu'elle dénote une mensuétude de la part du gouvernement anglais, que l'on n'est pas accoutumé à rencontrer dans ses actes, quand il prend la détermination, secrète ou avouée, de rompre avec une Puissance.

Ce ne fut point, en effet, brusquement que le cabinet de St.James interrompit et suspendit les avantages assurés par les traités à la navigation hollandaise; la déclaration de S. M. britannique se terminait comme il suit :

« S. M. animée par un sentiment d'humanité, voulant épargner l'intérêt des individus, ne cherchant point leur perte par un acte de surprise, déclare que l'exécution de la présente ordonnance n'aura lieu qu'aux époques suivantes, savoir:

<< Dans le Canal et les mers du Nord, douze jours après la date d'aujourd'hui; — depuis le Canal, les mers britanniques et celles du Nord jusqu'aux Iles Canaries inclusivement, tant dans l'Océan que dans la Méditerranée, le terme sera de dix semaines à compter de la date des présentes; il sera de trois mois,

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depuis les Iles Canaries jusqu'à la ligne équinoxiale ou l'Équateur; enfin, de six mois, pour ce qui est situé au-delà de l'Équateur, et en général dans toutes les autres parties du monde sans exception, et sans détermination plus particulière de temps ou de lieu. »

Cette déclaration fut communiquée aux commandants des vaisseaux de guerre, ainsi qu'à tous les armateurs qui avaient reçu des lettres de marque, et le roi de la Grande-Bretagne les autorisa « à saisir et à détenir tous les navires et bâtiments appartenant aux sujets des États-Généraux, lorsqu'ils seront trouvés avoir à bord quelques effets appartenant aux ennemis de S. M. cou des effets qui sont regardés comme contrebande par la loi ❝générale des nations. »

La lettre que Lord Stormont écrivit le 17 avril 1780, au comte de Welderen, se terminait par une phrase que son auteur avait cherché à rendre douce, mais dans laquelle le secrétaire d'État des affaires étrangères laissait percer l'humeur qu'il devait éprouver de n'avoir pas réussi à amener les États-Généraux au point où il aurait voulu :

« V. Exc., en lisant cet ordre, remarquera que S. M. a mis «beaucoup de ménagements dans ce qui regarde le commerce « des sujets de la république; ménagements dont S. M., après le « mémoire qui a précédé cet ordre, et après la déclaration verbale, faite par moi, aurait fort bien pu se dispenser d'user; aussi « cette modération n'a-t-elle été provoquée que par le désir sin«< cère qu'a le roi, de voir souffrir le moins possible les sujets << de la république, 'par la détermination prise par LL. HH. Pp. « qui lui semble aussi contraire aux sentiments de la nation hol« landaise, qu'au véritable intérêt de la république. »

Il est impossible de mettre plus de hauteur dans une lettre adressée à l'envoyé d'une Puissance avec laquelle on semble ne pas vouloir entrer en hostilités ouvertes.

Une nouvelle circonstance vint aigrir, de plus en plus, les esprits de part et d'autre.

Dans le mois d'octobre 1780, un brick américain se rendant de Philadelphie à Amsterdam, fut saisi par la marine de l'Angleterre; il avait à bord M. Laurens, ancien président du congrès de la Caroline méridionale, et, parmi les papiers de cet individu, on trouva un projet de traité d'amitié et de commerce, dont la négociation remontait au mois d'août de l'année 1778, entre la nouvelle république des États-Unis et les principaux membres du conseil d'Amsterdam.

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