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Du passeport.

Le passeport ou congé doit être délivré pour chaque voyage (à moins qu'il ne s'agisse d'un voyage de caravane); il doit indiquer le lieu de la destination, le nom du capitaine et celui du navire; enfin, les détails de capacité et d'armement propres à établir l'identité du navire.

L'entrée en relâche forcée dans un port intermédiaire, n'invalide en aucune façon le passeport portant destination; le lieu de la relâche forcée ne saurait en aucun cas être considéré comme lieu de départ et devenir un prétexte pour la confiscation.

Le bâtiment pour lequel un passeport est destiné doit, au moment de son expédition, se trouver dans l'un des ports du prince qui le délivre.

Il y a exception pour le bâtiment acheté à l'étranger, puisqu'il ne peut sortir du port étranger où l'achat a eu lieu, qu'en vertu d'un passeport délivré au nom du souverain de l'acheteur.

Un passeport de mer ou congé n'a pas besoin d'être signé par le souverain, mais par l'autorité compétente à cet effet, désignée par les réglements du pays. (Voir chap. XVI, § 3.)

Du rôle d'équipage.

Le rôle d'équipage doit être dressé selon les réglements du pays où il est délivré; il est bon que la mention en soit faite sur ce document.

Il doit être arrêté par les officiers publics, compétents du port de départ; ces officiers publics doivent faire mention de leur qualité; mais si cette mention a été omise (et que d'ailleurs la qualité soit constante), ce fait d'omission ne rend pas nul le rôle d'équipage.

Un rôle d'équipage, quand il ne s'agit pas d'un voyage de cane peut servir que pour un seul voyage.

ravane,

Aucun autre document ne peut remplacer le rôle d'équipage. Le rôle d'équipage ne peut-être couvert de surcharges ou de ratures; les erreurs relevées à la marge doivent être approuvées par l'autorité compétente.

Les réglements en général ne permettant pas que les bâtiments neutres fassent entrer dans la composition de leur équipage, audelà du tiers de matelots appartenant à une nation ennemie de celle du corsaire visiteur, il est essentiel que le rôle d'équipage présente les noms, prénoms, âge, lieux de naissance et de demeure des hommes du bord, ainsi que leur qualité ou grade sur le bâtiment.

CUSSY. II.

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Dans le cas où, par suite de circonstances particulières, le capitaine se trouve, pendant le cours de son voyage, dans le cas de renouveler tout ou partie de son équipage, le rôle d'équipage qu'il conviendra d'établir, doit être arrêté par les officiers publics de la localité, ou par le consul de la nation du dit capitaine; et, autant que possible, mention expresse doit être faite, sur ce document, des motifs de son établissement, afin qu'il ne devienne pas un prétexte pour la confiscation, en paraissant présenter contradiction avec le passeport de mer, celui-li délivré au lieu du départ originaire, tandis que l'autre est arrêté dans le port de destination ou de relâche forcée.

Les consuls peuvent remplacer les rôles d'équipage perdus; mention doit être faite de cette circonstance.

CHAPITRE XIV.

PRISES MARITIMES.

Bâtiments rançonnés. 1)

Dans le chapitre précédent, nous avons fait figurer un certain nombre de cas de prises maritimes résultant de l'irrégularité présumée ou réelle des papiers de bord des bâtiments neutres qui en étaient pourvus.

Nous avons dit au chap. XII, que l'on n'a jamais contesté aux États belligérants le droit de s'emparer d'un vaisseau ennemi, poussé par la tempête dans l'un de leurs ports, et à cette occasion nous avons cité le noble langage d'un gouverneur de la Havane qui ne voulut point accepter l'épée d'un capitaine anglais entré dans le port en relâche forcée, et qui se considérait comme prisonnier de guerre; nous avons également parlé, dans le même chapitre, de la conduite tout aussi généreuse du commandant de la forteresse de San-Fernando d'Omoa; l'un ne voulut pas profiter du sinistre de mer, l'autre, de l'erreur, qui firent tomber en leur pouvoir deux bâtiments anglais.

Au chapitre XVII, il sera question des prises maritimes par voie de recousse.

1) Voir Livre I, titre III, § 29.

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Celui-ci sera consacré au billet de rançon, c'est-à-dire aux bâtiments relâchés après rançon, ou rachat.

§ 1.

Du billet de rançon. Affaire de l'Amaranthe.

<< Il est des cas », dit Valin, « où la prise embarasse de ma«nière qu'il n'est pas possible de s'en charger avec les prisonniers, « pour la conduire ou l'envoyer en lieu de sûreté, et il en est « d'autres où il convient mieux de relâcher la prise pour ne pas <«< interrompre la course.

« Les cas de la première espèce sont, par exemple, lorsque << la prise est si délabrée par le combat ou par le mauvais temps, « qu'elle fait assez d'eau pour faire craindre qu'elle ne coule bas; « lorsque le navire pris marche si mal qu'il expose l'armateur« corsaire à la reprise, ou lorsque le corsaire ayant aperçu des « vaisseaux de guerre ennemis, se trouve obligé de prendre la << fuite, et que sa prise le retarde trop ou fait craindre une révolte.

« Les cas de la seconde espèce sont déterminés, outre le péril « de la reprise, par l'éloignement du corsaire de tout port du << royaume, lorsque la prise est de peu de valeur, ou qu'elle n'est pas assez considérable pour mériter d'être envoyée dans un lieu «de sûreté, surtout s'il fallait, pour cela, affaiblir l'équipage du << corsaire au point de ne pouvoir plus continuer la course avec « succès.

<< Dans tous ces cas et autres semblables, il est permis aux «preneurs, ou d'enlever les marchandises de la prise, en relâchant <«<le navire, ou en y mettant le feu, après eu avoir retiré tous les prisonniers; ou de rançonner le navire et sa cargaison par « composition avec le capitaine et l'équipage du navire pris. >>

Les billets de rançon, pour rachat de la prise, doivent être payés par les armateurs-propriétaires des bâtiments rançonnés.

Le billet de rançon a pour effet, par rapport au capteur, d'établir son droit, s'il n'est pas pris lui-même avec ce billet, et de conserver l'otage jusqu'à ce qu'il ait été payé. (Voir Livre 1, titre III, § 29.)

Si le capteur est pris, il perd nécessairement la rançon qu'i avait obtenue, en même temps que son navire; le tout passe au capteur entre les mains duquel il est tombé.

Le roi Louis XIV, en plusieurs circonstances, ne voulut pas que l'État profitât de cette condition établie en faveur du preneur, lorsque le preneur était un bâtiment de la marine de l'État.

C'est ainsi, par exemple, qu'il en ordonna, en 1648, dans l'affaire de l'Amaranthe.

Un corsaire de l'ile de Guernesey, s'étant emparé d'un petit bâtiment français, sorti du port de Bayonne, le rançonna et fit souscrire au patron des billets de rachat pour une somme de 3,800 livres.

Le corsaire anglais fut pris, peu de jours après, par la corvette du roi l'Amaranthe; à son bord se trouvaient encore l'otage et le billet de rançon.

Le tribunal de l'amirauté ayant déclaré la prise bonne et valable, adjugea le billet de rançon au roi, comme faisant partie de la prise; mais le roi ne voulut pas profiter du malheur de ses propres sujets; il rendit, le 9 août 1648, une ordonnance par laquelle il annula le billet de rançon et déchargea les propriétaires du petit bâtiment rançonné par le corsaire de Guernesey, du paiement de la somme de 3,800 livres consenties par le patron.

§ 2.

Capture d'un bâtiment déjà rançonné.

L'ordonnance de Louis XIV, du 27 janvier 1706, fait défense très expressé, à tous capitaines et armateurs, d'arrêter des vaisseaux ennemis munis d'un traité de rançon, passé avec un capitaine français, à moins que lesdits vaisseaux ennemis ne soient rencontrés hors la route qui leur avait été permis de suivre, ou bien au-delà du temps prescrit pour la faire; auquel cas lesdits vaisseaux ennemis pourront être conduits dans les ports du royaume pour y être déclarés de bonne prise.

Quoiqu'il en soit, l'usage s'était introduit, pendant la guerre de sept ans (voir chap. IV), de la part des corsaires français, d'arrêter et de capturer les navires ennemis, sans respect pour le traité de rançon, à la charge toutefois par le dernier capteur, de payer la rançon stipulée au profit de l'armateur du premier capteur qui, au lieu d'emmener sa prise l'avait rançonnée.

Cet usage, qui certes n'était point devenu général, ne pouvait servir de règle aux tribunaux, lesquels, en matière de prises surtout, doivent avec toute impartialité s'attacher à l'application équitable de la loi, en observant plutôt son esprit que son texte rigoureux.

En 1759, le navire le Lévrier, capitaine Pierre Gautier, du port de Bordeaux, s'était emparé d'un brick anglais, le Phénix, capitaine Robert Duncan, au mépris du traité de rançon que Duncan

avait passé avec le S' Gaudineau, capitaine du corsaire la Paix couronnée, de Bordeaux, et au moyen duquel le Phénix avait obtenu, peu de jours auparavant, de pouvoir continuer son voyage. L'opinion publique à Bordeaux ne se montrait pas favorable au navire anglais.

Mais l'opinion publique est sujette à erreur, quand l'esprit de parti la domine, quand des préventions nationales la surexcitent, quand elle subit l'influence du sentiment d'irritation que tout homme est porté à éprouver contre une nation ennemie, lorsque surtout cette nation ennemie s'est comportée avec aussi peu de loyauté que le fit l'Angleterre, au début de la guerre de sept ans, commencée par elle, sans déclaration de guerre, en s'emparant, par surprise, d'un grand nombre de bâtiments du commerce français, et de deux frégates de la marine militaire de l'État. (Voir chap. IV.)

En pareille circonstance, la passion fausse le jugement, et l'opinion publique, qu'aveugle la passion, flotte incertaine entre le juste et l'injuste, et trop fréquemment se décide pour ce dernier parti.

Aussi, à l'arrivée de la prise anglaise dans le port de Bordeaux, les uns s'écrièrent «qu'il fallait faire à l'ennemi tout le mal que «l'on peut »; doctrine qui n'est point celle qu'a professée, dans ce temps là même, l'illustre auteur de l'Esprit des lois, Montesquieu, président à mortier au parlement de Bordeaux : « Les diverses << nations doivent se faire dans la paix le plus grand bien, et dans «la guerre, le moins de mal qu'il est possible, sans nuire à leurs « véritables intérêts »; les autres, prétendirent que lorsqu'un capitaine rencontre un bâtiment ennemi qui ne lui parait pas avoir été rançonné pour sa valeur, il est en droit de s'en emparer, sans être obligé de déférer au traité de rachat, parceque sans cela l'ennemi se trouverait profiter de la supercherie qu'il aurait employée en parvenant à cacher au premier capteur la valeur de sa cargaison, afin de n'être rançonné que pour une somme minime; les Anglais, ajoutait-on, n'agissent pas autrement à l'égard des Français; de leur côté, les corsaires français doivent agir de la même manière à l'égard des navires anglais; facheux raisonnement qui tendrait à faire prévaloir les usages des méchants en les perpétuant par les représailles.

Il se trouva cependant quelques bons esprits qui ne se laissèrent pas dominer par la prévention et qui furent de l'avis des tribunaux. Ces hommes plus sages et qui professaient le respect dû à la loi, avant tout, condamnaient hautement toute prise faite sans égard

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