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M. Henri Laurens fut enfermé à la tour de Londres (où il resta une année); et des notes furent adressées, le 40 novembre et 12 décembre 1780, par l'envoyé britannique au gouvernement hollandais, pour obtenir des explications.

Les États-Généraux laissèrent ces notes sans réponse.

Le cabinet anglais vit dans cette conduite du gouvernement de la république l'intention de gagner du temps, afin de pouvoir négocier secrétement l'accession des États-Généraux à la déclaration de neutralité armée faite par l'impératrice de Russie, le 28 février 1780 (chap. VIII, § 2), et se procurer, de cette sorte, l'appui des États maritimes du Nord.

Il se hâta en conséquence, de déclarer, le 20 décembre 1780, la guerre à la Hollande; les États-Généraux (avant d'avoir connu la détermination du cabinet britannique), adhérèrent, le 24 du même mois, aux conventions maritimes qui avaient été conclues, les 9 juillet et 1er août précédents, entre la Russie, la Suède et le Danemarck, relativement à la neutralité armée. (Voir chap. VII.)

Le manifeste du roi d'Angleterre fait figurer au nombre des motifs qui obligèrent S. M. britannique à déclarer la guerre à la république des Provinces-Unies, les faits divers que nous avons indiqués plus haut d'une manière sommaire: munitions de guerre fournies aux colonies anglo-américaines par les négociants de l'île St.-Eustache; refus fait de restituer les prises conduites au Texel par le corsaire américain Paul-Jones; projet de traité d'amitié et de commerce, trouvé parmi les papiers de M. Henri Laurens; violation du traité par lequel les États-Généraux s'étaient engagés à fournir des secours à la Grande-Bretagne dans le cas où cette Puissance aurait à soutenir une guerre contre l'Espagne.

Les États-Généraux firent quelques tentatives pour éviter la guerre; elles restèrent sans effet. (Voir chap. VII, § 2.)

Le 12 janvier 1784, les États-Généraux prirent une résolution par laquelle ils acceptèrent la guerre et engagèrent le PrinceStadhouder à donner les ordres nécessaires pour faire arrêter, par droit de rétorsion, les Anglais, ainsi que leurs vaisseaux, à l'exception de ceux qui retourneraient en Angleterre, en vertu de l'article XXXII du traité de Bréda, et provisoirement les paquebots également.

Le contre-manifeste des États-Généraux des Provinces-Unies des Pays-Bas ne fut, d'ailleurs, publié que le 12 mars 1781. Il rappelle les procédés de la marine anglaise envers les bâtiments de commerce hollandais, pris et détenus, alors que ces bâtiments naviguaient sur la foi des traités existants entre la Grande

Bretagne et les Provinces-Unies, et contrairement à ces mêmes traités qui définissaient clairement les droits et franchise du pavillon neutre; enfin, les insultes faites au pavillon du contre-amiral comte du Byland, qui escortait un convoi de bâtiments de com

merce.

Les traités entre la Grande-Bretagne et la république des Provinces - Unies ayant été suspendus par la déclaration du 17 avril 1780 de S. M. britannique, les négociants hollandais pouvaient craindre que ceux de leurs bâtiments qui se trouvaient dans les ports de la domination du roi de la GrandeBretagne ne fussent saisis et confisqués. Il n'en fut rien nous devons rendre hommage, en cette circonstance, au gouvernement anglais; la déclaration qu'il publia, le 22 décembre 1780, porte ce qui suit:

« Attendu que plusieurs vaisseaux et marchandises, appartenant aux sujets des États-Généraux, peuvent se trouver, actuellement, dans les ports de la Grande-Bretagne, de l'Irlande et dans d'autres ports des États de S. M., où ils sont arrivés avant que le dit ordre concernant les représailles générales contre les vaisseaux, effets et sujets des États-Généraux fut accordé, S. M. déterminée à se conduire à l'égard des vaisseaux et cargaisons qui se trouvent dans ce cas, de manière à prouver la ferme résolution dans laquelle S. M. est de procéder d'une manière conforme à la bonne foi, déclare par la présente, que son intention royale est de permettre à tous vaisseaux appartenant aux sujets des États-Généraux, mouillant actuellement dans aucun des ports de S. M., d'en partir avec leurs cargaisons, à l'exception de telles parties d'i-celles qui consisteraient en provisions salées de quelqu'espèce que ce soit, en munitions de guerre, ou approvisionnements pour la marine, et d'accorder des passeports pour lesdits vaisseaux et leurs cargaisons, à l'exception ci-dessus près, pour empêcher qu'ils ne soient pris par aucun des vaisseaux de S. M. ou de ses sujets, tandis qu'ils retourneront à quelque port des Provinces-Unies.

<< Mais attendu que S. M. a droit d'attendre et de demander de la part des États-Généraux des Provinces-Unies, le même traitement pour les vaisseaux et cargaisons appartenant à aucun des sujets de S. M., de l'avis de son conseil privé, il a plu à S. M. d'ordonner, et il est ordonné par la présente, que tous les vaisseaux et marchandises appartenant aux sujets des États-Généraux des Provinces-Unies, et qui se trouvent encore actuellement dans aucun des ports de S. M., y resteront et y seront dé

tenus en sûreté, et sans être molestés, jusqu'à ce qu'il soit constaté que les États-Généraux des Provinces-Unies sont disposés à se conduire d'après les mêmes principes de bonne foi à l'égard des vaisseaux et cargaisons qui appartiennent à des sujets de S. M. et qui se trouvent actuellement dans aucun port appartenant aux États-Généraux des Provinces-Unies. >>

Le gouvernement anglais se borna, en conséquence, à ordonner un embargo provisoire sur les bâtiments hollandais, lequel fut levé le 16 février 1781, aussitôt que le cabinet britannique eût reçu communication officielle de l'ordonnance, du 26 janvier précédent, promulguée par les États-Généraux, portant autorisation donnée à tous les vaisseaux anglais, stationnant dans les ports de la république, de retourner dans leur patrie.

La guerre entre la Grande-Bretagne et la Hollande fut donc précédée et accompagnée de tous les procédés en usage entre les nations civilisées : déclaration et manifeste, de part et d'autre ; délai accordé aux bâtiments qui avaient chargé des marchandises dans l'ignorance de la rupture; liberté accordée aux bâtiments qui se trouvaient dans les ports des deux pays, devenus ennemis, de retourner dans leur patrie.

De semblables procédés ne devraient jamais être omis. 1)

Cette guerre fut terminée par les traités de 1783 qui mirent fin à la guerre de l'indépendance des États-Unis d'Amérique, et qui furent signés à Paris le 3 septembre 1783. Le traité définitif de paix, entre la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies des Pays-Bas, ne fut signé que le 20 mai 1784, sur la base des articles préliminaires arrêtés le 2 septembre précédent à Paris. (Voir chap. VII, § 4.)

1) Quoiqu'il en soit, entre la déclaration du 17 avril 1780, et la proclamation de la guerre, les navires hollandais, en grand nombre naviguant dans la Manche, furent saisis et condamnés sous prétexte de violation des lois sur le blocus des ports. (Voir chap. VII, § 2 la singulière doctrine des magistrats anglais pour justifier la déclaration de bonne prise qu'ils ne manquaient jamais de prononcer.)

CHAPITRE VII.

GUERRE MARITIME POUR L'INDÉPENDANCE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE. · PREMIÈRE NEUTRALITÉ ARMÉE: DÉCLARATION DE L'IMPÉRATRICE DE RUSSIE SUR LES DROITS DES NEUTRES. 1) — PAIX DE VERSAILLES DU 3 SEPTEMBRE 1783. TRAITÉS DE COMMERCE DE 1786 ET 1787.

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L'époque la plus importante, sans contredit, pour le droit maritime des nations, est celle dont nous allons parler.

Si les traités d'Utrecht consacrèrent le principe de l'immunité ou franchise du pavillon, qui avait déjà été inscrit dans quelques rares traités de la fin du 17e siècle (voir chap. I), les traités qui furent conclus dans les années 1778, 1780, 1781, 1782, 1783, 1786 et 1787, firent passer définitivement ce principe dans le droit public international de toutes les Puissances maritimes de l'Europe, l'Angleterre exceptée. Adopté par chacune d'elles en particulier (par l'Angleterre elle-même qui continue cependant encore à le repousservoir chap. I); abandonné plus tard momentanément, pendant la guerre de la révolution française et pendant la guerre qui suivit la rupture de la paix d'Amiens (voir chap. XXI et XXVI), il a reparu dans le plus grand nombre des traités qui ont été conclus depuis la paix de Paris, en 1814 (voir Livre I, titre III, § 10 et Livre II, chap. XXXVIII), et l'on peut le regarder aujourd'hui comme étant devenu un principe positif du droit maritime des nations, que toutes les nations, moins la Grande-Bretagne, font profession de respecter. Dieu veuille, si une guerre maritime vient encore à éclater, que ces principes, reproduits dans un aussi grand nombre de traités écrits pendant la paix, ne soient ni abandonnés, ni violés au temps des hostilités ! ...... 2) Le respect de la part des gouvernements pour les principes qui sont fondés sur la justice, sur l'équité et sur des engagements solennels, est un enseignement pour les peuples; il doit contribuer à leur moralisation; or, à notre époque, plus qu'en aucun autre temps, le devoir des gouvernements est de relever, parmi les populations, le sens moral,

1) Voir Livre I, titre III, § 9.

2) Voir au Livre I, titre III, § 10, 2e section, ainsi qu'au chap. XXXVIII. CUSSY. II.

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les sentiments de justice et de loyauté, et le respect pour le principe d'autorité, ébranlés, altérés par les perverses doctrines de l'esprit démagogique, par les perfides conseils que les fauteurs de révolutions (amateurs insensés de désordres de toute nature), leur ont fait et leur font entendre tous les jours.

Avant de parler de l'union qui se forma entre les États du Nord sous le nom de neutralité armée, en 1780, il nous faudra jeter un coup d'œil rapide sur les événements qui se développèrent dans l'Amérique septentrionale, et qui entrainèrent dans une guerre qui dura plus de six années, la Grande-Bretagne d'une part, et, d'autre part, la France, l'Espagne et les Provinces-Unies des Pays-Bas; cette guerre eut pour résultat la reconnaissance, par la Grande-Bretagne et par tous les États politiques de l'Europe, de l'indépendance des États-Unis de l'Amérique septentrionale.

Ces deux faits immenses, bien que sans aucune relation apparente entre eux, se lient, cependant, d'une maniere formelle dans l'histoire du droit maritime des nations, car l'un a donné naissance à l'autre, les États du Nord ayant voulu par leur union et la déclaration de leurs principes, assurer protection au commerce maritime des neutres, compromis par les hostilités sur mer auxquelles se livraient, l'une contre l'autre, la France qui soutenait la cause des États-Unis, et la Grande-Bretagne, qui voyait cet immense territoire colonial prèt à lui échapper.

Ce chapitre sera donc, pour plus de clarté, scindé en deux paragraphes distincts, dans le but de pouvoir faire ressortir d'une manière plus nette, les négociations ouvertes à St.-Petersbourg, par l'envoyé britannique, et les motifs qui déterminèrent la cour de Russie à prendre l'initiative de la neutralité armée.

§ 1.

Guerre de l'indépendance des États-Unis du Nord de l'Amérique, de 1775 à 1783;- Rupture de la paix entre la Grande-Bretagne et la France, sans déclaration de guerre ; — Paix de Versailles du mois de septembre 1783;- Traités de commerce signés entre la France et la Grande-Bretagne, en 1786; et, en 1787, entre la France et la Russie.

L'union des colonies anglaises de l'Amérique du Nord avec leur métropole aurait duré longtemps encore, si celle-ci les eût fait jouir des avantages d'une protection intelligente, en les assi

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