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à Copenhague (voir chap. XXII), suspendit un instant l'effet de cette mesure; le séquestre fut levé; mais lorsque l'Angleterre qui s'était emparée de Malte, le 5 septembre de cette même année, se refusa à lui livrer l'ile et ses dépendances, il mit l'embargo sur les bâtiments anglais qui se trouvaient dans tous les ports de sa domination, et s'empressa de conclure avec la Suède, le Danemarck et la Prusse, les 16 et 18 décembre 1800, des traités qui rétablirent la neutralité armée, et, avec elle, les principes qui avaient été proclamés, en 1780, en faveur des neutres en temps de guerre. (Voir chap. VII, § 2.)

Le Danemarck accéda, le 27 février 1801, au traité du 16 décembre précédent entre la Suède et la Russie, bien que le traité que le Danemarck avait signé le 16 décembre avec la Russie présentât les mêmes stipulations que celles du traité suédois.

La convention signée le 18 décembre (dans le même esprit et dans le même but que les deux traités du 16) entre la Russie et la Prusse (laquelle accéda d'ailleurs à ces deux traités) reproduit les mêmes stipulations: elle assure, de plus, aux bâtiments de la marine commerciale de la Prusse la protection des vaisseaux de guerre de la Russie, de la Suède et du Danemarck. (Voir Recueil des traités et conventions de MM. de Martens et de Cussy, 2 vol., p. 215 à 220.)

L'année suivante, le 13 mars 1801, la Russie et la Suède signèrent un traité d'amitié, de commerce et de navigation, dans lequel on retrouve encore, en ce qui concerne le commerce des neutres, sur les ports bloqués, le mode de la visite en mer, le convoi maritime sous pavillon militaire, etc., les stipulations que présente le traité du 16 décembre 1800. (Voir même recueil, 2 vol., p. 223 à 237.)

La deuxième neutralité maritime armée entre les États du Nord fit donc revivre, par des actes publics, des principes qui n'auraient jamais dû être abandonnés, des principes qui auraient dû rester inscrits, et inviolables, dans le droit public maritime de toutes les nations.

Ces traités entre les États du Nord ne furent pas immédiatement connus du cabinet britannique. Ce fut le 12 février 180 4 que la Suède lui communiqua le texte de la convention maritime qu'elle avait conclue avec la Russie; le même jour, le comte d'Haugwitz, ministre des affaires étrangères de Prusse, annonça, de son côté, à Lord Carysford, envoyé britannique à Berlin, que son souverain était signataire des actes qui rétablissaient la neu

tralité armée du Nord; enfin, le 4 mars suivant, le Danemarck donna le même avis à la Grande-Bretagne.

Les notes qui furent échangées, en cette circonstance, appartiennent à la série des événements qui ont préparé et déterminé la guerre du Nord, de 1801; nous en parlerons au chapitre XXIV, dans lequel nous aurons encore à signaler divers cas de violation du droit maritime des nations, par la marine d'Angleterre, violations inouïes dont on ne trouve la reproduction dans l'histoire maritime d'aucune autre nation; la marine royale d'Angleterre connaissant l'esprit partial du gouvernement britannique à l'égard des États étrangers, ne recula pas devant ce que leur accomplissement présentait d'odieux.

Pendant que la ligue de neutralité armée se reformait, entre les États du Nord, la France, qui, depuis l'établissement du gouvernement consulaire, avait remis en vigueur le sage réglement de 1778, avait rénoué et fortifié ses relations internationales avec les États-Unis de l'Amérique du Nord, par la convention qu'elle conclut avec cette Puissance, à Paris, le 30 septembre 1800. Cette convention n'est pas uniquement dans ses stipulations, parfaitement en communauté d'idée et de but en ce qui concerne l'immunité du pavillon neutre, ses droits et ses obligations, avec les principes énoncés et proclamés par les traités publics et les déclarations auxquels donnèrent lieu les deux coalitions, de 1780 et 1800, pour la neutralité maritime armée; elle donne encore à ces principes, dans leur application, des développements qui les rendent plus complets, plus précis et plus appréciables; nous croyons utile de reproduire le texte, ou le résumé, des articles. 4, 12 à 21, 23, 25 et 26.

Art. 4. Restitution des propriétés capturées et non encore condamnées; les preuves de propriété relativement aux navires seront le passeport dans la forme convenue; relativement à la cargaison, des certificats délivrés par les officiers publics de l'endroit d'où le navire sera parti, selon la forme usitée dans le pays.

Art. 12. Liberté de commerce avec les ports ennemis, moins les ports bloqués, et moins la contrebande de guerre : «Aucun navire de l'une ou l'autre nation, entré dans un port avant qu'il ait été réellement bloqué, assiégé ou investi, ne pourra être empêché d'en sortir avec sa cargaison; s'il s'y trouve, lorsque la place sera rendue, le navire et sa cargaison ne pourront être confisqués. »

Art. 13. Indication des marchandises de contrebande de guerre, bornées aux armes et munitions réelles de guerre: canons, pro

jectiles, poudre, piques et hallebardes, etc. «Tous ces articles seront de contrebande de guerre toutes les fois qu'ils seront destinés pour les ports d'un ennemi. » Dans ce cas, ils seront confisqués, mais la confiscation de ces objets n'entraîne pas celle du reste de la cargaison, qui reste libre comme le navire lui-même.

Art. 44. Il est stipulé par le présent traité, que les bâtiments libres assurent la liberté des marchandises, et qu'on jugera libres toutes les choses qui se trouveront à bord des navires appartenant aux citoyens d'une des parties contractantes, quand même le chargement, ou partie d'i-celui, appartiendrait aux ennemis de l'une des deux, bien entendu, néanmoins, que la contrebande sera toujours exceptée. Il est également convenu que cette même liberté s'étendra aux personnes qui pourraient se trouver à bord du bâtiment libre, quand même elles seraient ennemies de l'une des deux parties contractantes; et elles ne pourront être enlevées desdits navires libres, à moins qu'elles ne soient militaires et actuellement au service de l'ennemi.

Art. 15. Confiscation des marchandises amies trouvées à bord d'un bâtiment ennemi, à moins qu'elles n'y aient été placées avant que l'on ait pu connaître, au port d'embarquement, la déclaration de guerre.

Art. 16, 17, 18, 19, 20. Papiers au moyen desquels la neutralité doit être prouvée; visite en pleine mer; les bâtiments convoyés ne seront pas visités (art. 19); la déclaration verbale du commandant de l'escorte «que les navires de son convoi appartiennent à la nation dont il porte le pavillon, et qu'ils n'ont aucune contrebande à bord», sera regardée, par les croiseurs respectifs, comme pleinement suffisante; dans les cas où les bâtiments seraient pris ou arrêtés, sous prétexte de porter à l'ennemi quelqu'article de contrebande, défense est faite de forcer ou d'ouvrir les écoutilles, coffres, etc.

Art. 24. Pour que le bâtiment et la cargaison soient surveillés avec soin, le patron, capitaine ou subrécargue du navire capturé ne pourront être éloignés du bord, soit pendant le voyage, soit pendant le temps de la procédure; les officiers, matelots et passagers seront traités avec humanité, et ne pourront être mis en prison; ils conserveront à leur usage l'argent qui leur appartiendra, jusqu'à la concurrence de 500 dollars par individu, pour le capitaine, le second, et le subrécargue, et 100 dollars pour chaque matelot ou passager. 1)

1) L'assimilation, pour la somme à conserver, aux simples matelots, des passagers inction, doit être une erreur échappée à l'attention des négociateurs.

Art. 23. Les commandants des vaisseaux de guerre et les capitaines des bâtiments armés en course sont responsables de tout dommage envers les personnes qui sont à bord du bâtiment visité ou capturé; à cet effet, une caution sera fournie par les capitaines de corsaires avant de recevoir leurs commissions; elle est fixée à 7,000 dollars ou 36,800 francs; et, si les dits bâtiments armés en course portent plus de 150 matelots ou soldats, la caution sera du double.

Art. 25. Les corsaires étrangers ayant des lettres de marque d'un prince ennemi de l'une des deux nations contractantes, ne seront point admis à armer, ni à vendre leurs prises dans les ports de l'autre restée neutre.

Art. 26. Défense de recevoir des pirates dans les ports respectifs des deux Puissances contractantes; leurs vaisseaux et les prises qu'ils auront faites seront saisis; les effets capturés par eux seront rendus à leurs propriétaires.

La deuxième neutralité armée des États du Nord avait donc rendu une nouvelle existence, dans leur application, aux principes que ces États n'auraient jamais dû abandonner, quels qu'eûssent été les torts que se fussent donnés les Puissances belligérantes en les violant; la justice est une et doit être absolue; l'ambition des gouvernants, les haines ou les rancunes des cabinets la rendent malheureusement relative.

Cette consécration nouvelle des principes vers lesquels les souverains du Nord avaient fait un retour tardif, en vue des intérêts froissés de leurs sujets (et, nous voulons bien le croire aussi, par suite de l'esprit d'équité qui animaient les monarques signataires des traités des 16 et 18 décembre 1800); cette consécration nouvelle devait-elle assurer, à jamais, à ces principes généreux le respect qui leur est dû? Devait-elle les inscrire, à jamais, dans le code des nations, dans le droit public universel, et fixer la jurisprudence maritime des tribunaux d'une manière inébranlable ?

Nous aurons malheureusement à dire (chap. XXV), que ces principes sacrés auxquels la Russie, la Suède, le Danemarck et la Prusse avaient rendu un nouvel hommage, par les traités des 46 et 18 décembre, furent bientôt après sacrifiés en partie, par la Russie, la Suède et le Danemarck dans leurs rapports respectifs avec la Grande-Bretagne; et que la France elle-même (chap. XXVI) qui, par son traité du 30 septembre de l'année 1800, avec les États-Unis de l'Amérique septentrionale, avait consacré de nouveau les doctrines du réglement de 1778, en faveur des

neutres, se vit contrainte, par les procédes du gouvernement britannique, de renoncer à les pratiquer, en entrant dans une voie de représailles qui devinrent si préjudiciables aux États dont la politique était de rester fidèles à la neutralité.

Mais avant d'aborder l'exposé des événements de la courte guerre du Nord qui s'est terminée par la modification, en 1804, des principes proclamés en 1780 et en 1800; et de retracer les événements qui suivirent la rapture (sans motifs sérieux), de la paix d'Amiens, en 1803, nous devons parler de l'abus inouï que la marine anglaise fit du pavillon suédois, dans la rade de Barcelone, et des causes diverses qui ont déterminé la guerre du Nord; ce sera l'objet du chapitre suivant.

CHAPITRE XXIV.

FAUX PAVILLON.

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Violation de la

Abus, par un commandant de la marine anglaise, du pavillon suédois (1800). Causes diverses qui ont déterminé la guerre du Nord. mer territoriale par le Squirrel et l'Achille.

-

En apprenant qu'une flotte anglaise avait paru dans le Sund, et que le cabinet britannique loin de reconnaître la légitimité des réclamations du Danemarck à l'occasion de l'attaque de la Freya, par la marine anglaise (chap. XXII), prétendait, au contraire, avoir droit à une réparation de la part du Danemarck, l'empereur de Russie, Paul Ier, avait fait mettre le séquestre sur les capitaux anglais existant dans ses États, comme garantie des dommages qui pourraient être apportés au commerce russe; il s'était empressé, en même temps, par une déclaration en date du 27 août. 1800, d'engager la Suède, la Prusse et le Danemarck à conclure une convention pour le rétablissement de la neutralité armée. (Voir chap. XXIII.)

Cette déclaration signée par les comtes de Rostoptschine et de Panin, rappelle que l'Europe donna son approbation aux mesures qui furent prises, en 1780, pour fixer et adopter, comme un pacte sacré entre les États du Nord, les principes d'une neutralité sage et impartiale; et que l'approbation générale de l'Eu

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